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Ces pays qui profitent du recentrage du commerce sino-africain

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Article du dossier Quand la Chine investit

Depuis l’année dernière, au premier semestre, les investissements chinois sur le continent africain ont plongé de plus de 40 % à 1,2 milliard de dollars US.

De nouveaux arrivants se positionnent : la Turquie, l’Egypte, le Maroc, l’Inde et certains pays occidentaux comme la France qui tentent de récupérer leurs places.

La Chine a séduit de nombreux Etats africains en leur proposant quasiment une offre clé en main : les services de ses entreprises, ses investissements directs étrangers et son aide financière. Les volumes commerciaux entre l’Empire du Milieu et l’Afrique sont passés de 10 milliards de dollars US en 2000 à 300 milliards en 2015. L’Afrique enregistre aujourd’hui plus de 2500 entreprises chinoises.

Il faut dire que la Chine, partie d’une présence assez modeste en 2000, s’est imposée, dès 2009, comme le premier partenaire commercial du continent. Elle importe du pétrole et des minerais (Angola, Zambie, Afrique du Sud, RDC etc.) et exporte ses textiles, ses téléphones ou encore ses voitures… En 2013, elle est devenue le quatrième investisseur en Afrique derrière la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, et le premier investisseur émergent, loin devant l’Inde, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

La décélération chinoise

Depuis l’année dernière, au premier semestre, les investissements chinois sur le continent africain ont plongé de plus de 40 % à 1,2 milliard de dollars US. Le nombre de projets d’IDE déposés au ministère du Commerce extérieur chinois est tombé de 311 en 2014 à 260 en 2015. Les importations chinoises ont suivi le même mouvement (- 43 %) et, pour la première fois, la Chine affiche avec l’Afrique un excédent commercial important qui reflète, a contrario, les difficultés africaines. Depuis, l’inquiétude grandit au sein d’un continent dépendant de ses exportations de matières premières pour lesquelles le géant asiatique a beaucoup participées à la flambée de leurs prix.

Les Présidents sud-africain et chinois Jacob Zuma et Xi Jinping

Les Présidents sud-africain et chinois Jacob Zuma et Xi Jinping

En Zambie par exemple, 60 % des revenus des exportations proviennent du cuivre, dont la Chine est un acheteur majeur. Avec le ralentissement de la demande et la chute des cours, ce pays se retrouve dans une situation précaire : le géant du cuivre Glencore compte supprimer 3800 emplois et la devise zambienne, le kwacha, a perdu 45% de sa valeur face au dollar.

La chute des cours du fer et du pétrole affecte également le Nigeria et le Liberia, où Arcelor Mittal annonce supprimer 450 postes. « La Chine est un grand consommateur de minerais africains. Et quand elle réduit sa consommation de produits dérivés, cela a un impact direct sur les économies des pays africains. Certains Etats sont déjà fragilisés par la chute des cours du pétrole, du cuivre et du manganèse. Ils payent très cher leur dépendance à la Chine », souligne Assouan Philippe Djemis, analyste en stratégie et en développement pour le cabinet ivoirien PKD Conseil à Shanghai. « Je donne souvent l’exemple de pays comme l’Ethiopie ou la Côte d’Ivoire qui sont sortis de leur hyper dépendance aux matières premières en restructurant leur économie », note l’expert ivoirien qui poursuit son analyse. « Les revenus de l’Ethiopie devraient tripler d’ici 2024 pour atteindre 600 milliards de dollars US par an et la Côte d’Ivoire a changé son code fiscal. Cela a permis d’attirer des investisseurs, comme une grande entreprise minière sud-africaine.

La problématique chinoise est bien différente : le pays consomme 43 % des métaux de base (fer, cuivre, acier, manganèse) venant d’Afrique. Mais ses entreprises contrôlent moins de 2% des mines du continent, contre 25% pour les entreprises anglo-saxonnes. « Ce qui est malheureux, c’est que nous avons le sentiment que les dix dernières années de croissance de la Chine ont été perdues par les Etats africains, car il n’y a pas eu d’influence directe sur l’industrialisation de l’Afrique, souligne Assouan Philippe Djemis. Les gouvernements africains dépendent trop du secteur minier pour leurs exportations». Le cuivre est ainsi la première source de devises étrangères de la Zambie. «Les investissements chinois de ces dix dernières années ont surtout stimulé la croissance du secteur privé et ce sont les entreprises chinoises qui ont profité de ces investissements».

Des pays africains décidés à revoir leurs copies

La décélération chinoise sera donc l’occasion pour certains Etats africains de revoir leurs copies : « le commerce Chine-Afrique devra se recentrer sur des types d’investissements ne dépendant plus seulement des ressources minières, assure l’analyste. Par exemple le BTP, l’agriculture et les infrastructures… Ces secteurs vont profiter du recentrage du commerce sino-africain. « On donne trop d’importance aux matières premières dans la croissance africaine, confirme le chef économiste des Nations unies pour l’Afrique, Carlos Lopes. Elles représentent seulement un tiers de la croissance, les deux autres tiers viennent de la consommation interne. Celle-ci devrait se maintenir, en raison notamment de la croissance démographique du continent, de la montée en puissance d’une classe moyenne et de la pérennité des investissements extérieurs». « Le continent reste attractif pour de nombreux pays », tempère Philippe Djemis.

Goodluck jonathan, le président nigerian et Xi Jinping, son homologue chinois

Pour Wenjie Chen, économiste au Département Afrique du FMI et Roger Nord, Directeur adjoint du Département Afrique du FMI, se demandent dans leur blog commun si « la lune de miel de la Chine et de l’Afrique va durer », les pays d’Afrique subsaharienne exportateurs de produits de base ont été durement touchés par la baisse des prix et du volume des échanges. « Mais, à moyen terme, cette transition peut donner aux pays africains l’occasion de diversifier leur économie, qui repose actuellement sur leurs ressources naturelles, et de créer des emplois pour leurs populations jeunes, pour peu qu’ils engagent les politiques adéquates propres à promouvoir la compétitivité et à intégrer les chaînes de valeur mondiales», estiment les deux experts du FMI.

Déjà de nouveaux arrivants se positionnent : la Turquie, les pays du Maghreb, l’Egypte et certains pays occidentaux comme la France qui tentent de récupérer leurs places. La palette des partenaires commerciaux est en train de se transformer remarquablement.

Erdogan en mode

Alors que la Turquie est en crise avec la plupart de ses voisins, Ankara cherche désespérément de nouveaux partenaires. Et notamment, dans le viseur du président Erdogan : l’Afrique. En 10 ans, les échanges avec le continent ont été décuplés pour atteindre aujourd’hui 20 milliards d’euros. Lors de son voyage en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Nigeria et en Guinée, en mars dernier, Recep Tayyip Erdogan, qui était accompagné de plus de 150 hommes d’affaires, a tenté de se démarquer face, notamment, aux concurrents européens et chinois. Objectifs : décrocher des marchés, mais également développer l’influence de la Turquie dans la région. Ankara a déjà ouvert des écoles, des mosquées, des centres culturels ces dernières années et le pays a triplé le nombre de ses ambassades sur le continent. La compagnie aérienne nationale Turkish Airlines multiplie les nouvelles routes à destination des capitales africaines et est en train de prendre le contrôle de la nouvelle compagnie aérienne sénégalaise qui renait sous les cendres de la défunte Sénégal Airlines. Il faut dire que la Turquie se livre à une véritable « diplomatie des airs » en misant sur le développement de Turkish Airlines. La compagnie nationale, qui ne desservait que quatre villes d’Afrique subsaharienne en 2008, opère désormais des vols dans 26 pays de la zone. Objectif: détrôner la plus grosse compagnie africaine, Ethiopian Airlines, mais aussi Air France-KLM.

Le président turc Recep Tayip Erdogan

Le président turc Recep Tayip Erdogan

Partant, le Président sénégalais qui a obtenu d’Erdogan un partenariat stratégique de Turkish Airlines avec la nouvelle compagnie aérienne sénégalaise, a convaincu également ce dernier à l’aider à terminer la chantier du nouvel aéroport Blaise Diagne qui devra prendre le relais de l’actuel aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar dont la livraison était prévue en 2010 mais que des retards dans les travaux et des coûts revus à la hausse avaient fini par mettre ce projet essentiel pour le développement du pays à l’arrêt. C’est ainsi que les autorités sénégalaises ont signé, mercredi 27 avril 2016, un nouveau partenariat avec des entreprises turques et l’aéroport pourrait être fonctionnel dans une année. Ainsi, exit le saoudien Saudi Bin Laden Group (SBG), place aux géants turcs Summa et Limak. Avec la signature de l’avenant numéro 6, l’entreprise saoudienne accepte en effet de sous-traiter la fin du chantier, sans demander aucune contrepartie. Cerise sur le gâteau pour les Turcs : lors des négociations, le groupement Summa et Limak a également obtenu le contrat d’exploitation de l’aéroport pour une durée de 25 ans. L’Etat sénégalais devient actionnaire à hauteur de 34% et touchera une redevance de 20 % des revenus bruts. « Il me plaît de souligner la qualité de l’accord obtenu, accord qui préserve à tous les niveaux les intérêts du Sénégal », déclare Maïmouna Ndoye Seck, ministre du Tourisme et des transports aériens. Au moment où nous mettions sous presse, le chantier de l’aéroport international Blaise Diagne devait reprendre. Les entreprises turques n’ont qu’une exigence : être payées en temps et en heure.

S’ils entretiennent depuis longtemps des liens avec le Maghreb, diplomate et hommes d’affaires turcs s’activent depuis une dizaine d’années au sud du Sahara. Dans la foulée des Chinois, des Brésiliens et des Russes, ils multiplient les contacts, mêlant humanitaire et profits.

Ces dernières années, les guerres en Irak et en Syrie ainsi que la détérioration des relations d’Ankara avec l’Egypte, la Russie et l’Union européenne ont poussé le pays hors de sa zone d’échanges traditionnelle. Acteur-clé du rapprochement avec l’Afrique, TUSKON, la Fédération turque des entrepreneurs et industriels, organise fréquemment des rencontres sur le continent et en Turquie. Les investissements turcs, estimés à 500 millions de dollars US en 2008, avoisinent aujourd’hui les 5 milliards de dollars, principalement en Ethiopie, en Afrique du Sud, au Soudan et au Nigeria. Quant aux exportations, si elles ne représentent que 9,3 % de l’ensemble des biens vendus par la Turquie, elles ont plus que doublé en volume entre 2007 et 2013 et restent particulièrement denses vers le Maghreb. Biens manufacturés, fer, acier, nourriture, produits de consommation, textiles, ciment et plastiques s’échangent contre du coton, des minerais, des pierres précieuses, du charbon, du cuir, des graines oléagineuses et du bois de construction. Des importations stables, voire en légère baisse pour l’Afrique subsaharienne, souligne David Shinn dans une étude publiée par Chatham House.

Mohammed VI montre la voie

Si les Turcs emboitent le pas aux Marocains au sein de la compagnie aérienne sénégalaise, il n’en demeure pas moins que le royaume chérifien a engrangé énormément de terrain dans le continent où il met en avant ses atouts. En témoigne, sa montée en puissance en Côte d’Ivoire où il a réussi à devenir le premier investisseur étranger. En effet, le Maroc a représenté, en 2015, 22% des investissements privés agréés par le code des investissements en Côte d’Ivoire, devenant désormais le principal investisseur étranger dans ce pays. L’information a été donnée le 7 janvier dernier par Emmanuel Essis, le Directeur général du CEPICI (Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire), au cours de la présentation du bilan 2015 de cette agence gouvernementale en charge de la promotion des investissements. Le Maroc réalise ainsi un prodigieux bond en avant, après avoir représenté seulement 2% des investissements en Côte d’Ivoire en 2014 ; une année au cours de laquelle l’Ile Maurice et la France avaient été les principaux bénéficiaires avec respectivement 26% et 12% des ressources mobilisées. Ce sont donc environ 147 milliards FCFA, soit 224 millions d’euros, que le Maroc a injectés dans une économie ivoirienne qui a recueilli un total de 670 milliards FCFA, 1,02 milliard d’euros, d’investissements agréés au cours de l’année 2015. Arrive ensuite la France et le Burkina Faso avec respectivement 16% et 11% des investissements privés. Il faut dire que ce nouveau statut du Maroc dans le paysage économique du pays reflète l’état des relations économiques entre les deux pays, marquées par trois visites successives du Roi Mohammed VI depuis 2013, dont la dernière date de juin 2015. Des relations portées par plus d’une soixantaine d’accords de coopération dans des domaines aussi variés que les finances, les TIC, les BTP, les mines, le tourisme, l’agriculture, le commerce, etc. En Côte d’Ivoire, les têtes de ponts du secteur privé marocain sont plus visibles dans le secteur financier avec la SIB (Société ivoirienne de banque), Banque Atlantique et Bank Of Africa, respectivement filiales d’Attijawarifa Bank, Banque Centrale Populaire et BMCE Bank Of Africa. Et aussi dans le BTP avec Addoha et Alliances dans l’immobilier et Cimaf (cimenterie). Mais le Maroc en Côte d’Ivoire ce sera surtout, dans quelques années, une marina qui va border la baie de Cocody – dont l’aménagement est conduit par Marchica Med – et qui sera la prochaine vitrine d’Abidjan, la capitale économique ivoirienne. La tendance devrait se poursuivre en 2016. Déjà le cimentier Cimaf (filiale d’Addoha) annonce un investissement de 37 milliards FCFA, soit 56 millions d’euros, pour renforcer sa capacité de production dans le pays.

inauguration du bureau de Bank OF china à Casablanca

inauguration du bureau de Bank OF china à Casablanca

Il faut souligner que plusieurs investisseurs marocains ont tourné le regard vers l’Afrique dans le cadre d’une coopération sud-sud et surtout l’Afrique subsaharienne. Ce qui a propulsé le pays à la première position des pays investisseurs en Afrique de l’Ouest et au deuxième rang des investisseurs africains dans tout le continent, juste derrière l’Afrique du Sud.

En effet, le Maroc déploie, depuis quelques années une véritable offensive économique et commerciale, progressivement renforcée par sa diplomatie économique envers les pays de l’Afrique subsaharienne. Cela constitue une opportunité pour une économie marocaine très dépendante de l’UE. Ainsi, dès son intronisation, le Roi Mohammed VI a eu de multiples périples en Afrique subsaharienne. Ces visites sont généralement une occasion d’inauguration des projets de développement et signature d’accords bilatéraux. D’ailleurs, on compte plus de 500 accords, tous secteurs confondus, signés entre le Maroc et les pays d’Afrique subsaharienne durant la dernière décennie. Outre la dimension bilatérale, les relations avec l’Afrique se développent également via une approche par groupements régionaux. L’approche du Maroc quant à sa diplomatie régionale en Afrique est conçue pour dépasser le blocage de l’Union Maghreb Arabe (UMA) et la non-visibilité de Statut avancé avec l’Union européenne. Ces raisons sont déterminantes dans le choix d’insertion dans le cadre de blocs régionaux en Afrique subsaharienne. À cet égard, le Maroc développe une politique de rapprochement avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Néanmoins, l’accord avec cette organisation n’est pas encore entré en vigueur, parce que certains États de l’Union considèrent que leurs économies ne sont pas encore prêtes face à la concurrence des entreprises marocaines, et souhaitent au préalable la mise en place de mécanismes préférentiels en termes de tarifs et de règles d’origine.

La vision marocaine consiste à rendre les firmes nationales des véritables ambassadeurs en Afrique.

L’Egypte, elle, n’a pas caché sa volonté de dupliquer le modèle marocain pour faire décoller son économie. Ainsi, a-t-elle décidé de changer radicalement ses relations d’affaires avec le reste du continent africain, et mise pour cela sur la carte de la proximité.

Sissi sur les traces du Maroc

Les 20 et 21 février 2016, l’Egypte a organisé à Charm el-Cheikh son premier « forum Africa ».

Et il y’avait du beau monde. Les présidents MackySall du Sénégal, Ali Bongo du Gabon, Muhammadu Buhari du Nigeria, Théodoro Obiang Mbasogo de la Guinée équatoriale, mais aussi des dirigeants d’institutions panafricaines comme le patron de la Banque africaine de développement (BAD). Il faut dire que depuis les années 80, l’Égypte a réduit ses relations commerciales avec l’Afrique. Pour marquer son retour, le pays n’a pas lésiné sur les moyens, ni sur les objectifs. Ainsi, le thème de cette rencontre «Des affaires pour l’Afrique, l’Égypte et le monde», envoie un message qui se veut offensif. Et c’est le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi qui a déclaré dès l’ouverture du sommet : « Il faut encourager le commerce et les investissements sur notre continent afin de renforcer la place de l’Afrique dans l’économie mondiale. »

Quand l’Inde veut rattraper son retard

Cette ruée vers l’Afrique est fortement exprimée par l’Inde aussi. Le pays tente de rattraper son retard et l’a bien fait. Ses échanges bilatéraux avec le continent restent maigres comparativement à la Chine ; mais ils sont en constante amélioration. Ils sont passés de 30 milliards de dollars US en 2010 à 90 milliards en 2015, soit le triple de leur niveau en 5 ans. Au delà des importations énergétiques, l’Inde compte se positionner dans les télécommunications, dans la pharmacie et dans les équipements. Le secteur de l’agriculture devrait s’exporter en Afrique, sachant que l’Inde a forgé son développement essentiellement sur le modèle agricultural. Par ailleurs, l’informatique et la médecine participent également au développement des échanges entre les 2 parties. Dans ce cadre, un réseau panafricain de services en ligne a été implanté, allant de la télé-médecine au télé-enseignement. 40 pays bénéficient aujourd’hui de consultations médicales ou de formations, avec une liaison rendue possible par des satellites géostationnaires indiens. Cela sans parler des prestations de formation proposées par l’Inde et des bourses offertes aux étudiants.

sommet Inde-Afrique

Sommet Inde-Afrique

Au delà, l’Inde fournit aux Africains des prêts à des taux concessionnels, destinés à mettre en place des projets réalisés en coopération avec des sociétés indiennes. Le montant cumulé des prêts accordés par l’Inde depuis 2008 s’élève à 7,4 milliards de dollars US. En outre, de nouveaux prêts ont été octroyés récemment. Etalés sur 5 ans, ces prêts totalisent 10 milliards de dollars US, soit le double de la somme accordée en 2011. En revanche, les dons accordés au continent ont baissé de moitié à 600 millions de dollars US. Cela dit, ils ont été compensés par le doublement du nombre d’étudiants éligibles aux bourses, qui passent de 25 000 à 50.000 pour les cinq ans à venir.

Le pari réussi de Luiz Inácio Lula da Silva

Le Brésil, également, ne veut pas manquer les occasions qui se font jour sur le continent, impulsées par de formidables ressources naturelles et une forte volonté de partenariat. Surtout du côté de l’Afrique australe. De fait, il y a de plus en plus d’entreprises brésiliennes qui s’installent sur le continent. Ainsi de La Vale, Petrobras, Camarga Correo et Odebrecht avec des implantations en Angola et au Mozambique. Ainsi, en 2011, le travail de rapprochement initié par l’ex-Président Luiz Inácio Lula da Silva a permis au Brésil, alors que Dilma Rousseff venait d’accéder à la magistrature suprême, d’exporter pour 12,2 milliards de dollars US vers l’Afrique, mais aussi de signer quelque 160 accords couvrant des domaines aussi variés que le commerce énergétique, l’agriculture, les domaines militaire et universitaire.

Luiz-Inacio-Lula-da-SilvaPourtant, lorsque Lula da Silva a commencé à consacrer une bonne partie de ses efforts diplomatiques et de son temps personnel à entretenir des relations avec les pays du Sud, cette politique a été perçue comme idéologique et peu pragmatique par les milieux d’affaires brésiliens. Mais en treize ans, le commerce entre le Brésil et l’Afrique a quintuplé, passant de 5 milliards de dollars en 2002 à plus de 35 milliards en 2015. Presque la moitié de ces exportations sont des produits manufacturés, une proportion beaucoup plus élevée que pour l’ensemble des exportations brésiliennes, où les produits industriels, d’une plus grande valeur ajoutée que les matières premières agricoles ou minérales, représentent seulement un tiers du total. Durant ces treize ans, le Brésil a augmenté de dix-sept à quarante le nombre de ses ambassades en Afrique et la Banque brésilienne de développement BNDES a commencé à accorder des lignes de crédits, que ce soit pour la construction d’un aéroport au Mozambique ou l’installation de systèmes de paiements électroniques dans les autobus sud-africains. La plus grande partie des crédits se concentre en Angola, où le constructeur brésilien Oderbrecht est devenu le principal employeur du pays. Enfin, lors de la visite de Rousseff, des crédits brésiliens d’1 milliard de dollars US pour les chemins de fer en Ethiopie ont été annoncés. L’entreprise publique Petrobas et la compagnie minière Vale sont les deux autres grands investisseurs en Afrique, souvent en concurrence avec les entreprises chinoises pour l’exploration et l’exploitation du sous-sol. Derrière ces deux géants, des dizaines d’entreprises brésiliennes de moyenne et petite taille s’établissent sur le continent comme fournisseurs et sous-traitants. La compagnie aérienne brésilienne à bas coûts Gol a annoncé le lancement prochain d’un vol direct entre Sao Paulo et Lagos au Nigeria. Ce vol durera environ 2 heures de moins que le trajet direct jusqu’à Miami. En plus de la proximité géographique, d’un côté et de l’autre de l’Atlantique sud, le Brésil et l’Afrique ont une histoire commune qui a récemment commencé à s’écrire, et un sol et un climat semblables. La médecine tropicale développée par l’Institut Osvaldo Cruz donne lieu à des dizaines d’accords de coopération. Le Brésil coopère plus particulièrement avec le Bénin, le Burkina Faso, le Tchad et le Mali sur l’amélioration du coton et à l’OMC, ils font front commun contre les subventions des Etats-Unis à leurs propres producteurs de coton, qui nuisent directement à ces pays ainsi qu’au Brésil. Dans le domaine de l’énergie renouvelable, que Roussef suivait de près, ayant été ministre de ce secteur durant la présidence de Lula, le Brésil promeut activement ses technologies pour obtenir de l’éthanol à partir de la biomasse, en particulier de canne à sucre. A plusieurs occasions, la présidente brésilienne a comparé l’éthanol à l’énergie solaire, promue par les européens, qu’elle considère comme un « crime contre l’Afrique » parce qu’elle engendrerait une dépendance technologique.

Dossier réalisé par Mouhammadou Diop & Marie-Jeanne Hala

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