L’ONG Global Witness a rendu public, le 11 septembre dernier, un rapport dénonçant le détournement des revenus tirés de l’exportation des diamants au Zimbabwe. L’association explique que les bénéfices ont été largement acheminés vers les forces de sécurité et l’armée zimbabwéenne. Ces malversations ne sont pas, en soi, surprenantes dans un pays où les principaux responsables politiques avaient fait l’objet de sanctions par l’Union européenne après les violentes élections présidentielles en 2002. Pourtant, malgré ces mesures, Global Witness indique que des diamants du Zimbabwe ont été vendus sur le marché d’Anvers, au moins à trois reprises en 2013 et 2014.
Il s’agit d’une nouvelle illustration des dérives de gouvernance dans le secteur minier qui touchent plus particulièrement le continent africain. En outre, il apparait que ces ventes ont été effectuées conformément au processus de Kimberley, mis en place en 2000 pour éviter que la vente de diamants ne finance des groupes rebelles. En l’espèce, les profits ont été, au contraire, reversés à des institutions étatiques et relevant du pouvoir en place. Ceci met en lumière le caractère trop étroit des régulations en vigueur, et confirme les difficultés qu’ont les pouvoirs publics pour encadrer efficacement le commerce des diamants de conflits. La section 1502 du Dodd Frank Act, la réglementation américaine sur ce sujet concernant la RDC, avait également fait l’objet de nombreuses critiques l’accusant de favoriser le développement des trafics et finalement de plonger de nombreux mineurs dans la pauvreté (cf MW du 17/02/2017, Trumping social sur les minerais africains).
Comme le rappelle l’ONG, les initiatives publiques doivent donc être accompagnées d’un engagement du secteur diamantifère vers un devoir de vigilance robuste pour éviter de financer des violations de droits humains. Ces engagements peuvent être adoptés dans le cadre du processus de Kimberley ou encore du « Responsible jewellery council », tout en gardant à l’esprit les imperfections de ces dispositifs. A cet effet, il est possible de citer le groupe Tiffany, entreprise américaine de joaillerie, qui s’est également impliquée dans la création de l’initiative IRMA (Initiative for Responsible Mining Assurance) qui promeut des pratiques minières rigoureuses et responsables (cf MW du 29/06/17, En marche vers des mines responsables).
De la même manière, les entreprises du diamant peuvent utiliser les nouvelles techniques de gestion des risques ESG dans les chaines d’approvisionnement tel que la blockchain. La start-up Everledger a notamment permis la création d’un passeport digital pour les diamants, rassemblant toutes les informations qui s’y rapportent, du sourcing à la vente du produit fini (cf MW du 21/04/16, La révolution des blockchains, enjeux éthiques).
Ce nouveau rapport vient donc rappeler plusieurs points :
– l’opportunité pour les pouvoirs publics d’élargir le cadre de régulation du commerce des diamants, à l’heure où l’Union européenne va prendre la présidence du Processus de Kimberley en 2018 ;
– la nécessité pour le secteur diamantifère d’aller au-delà du cadre normatif pour promouvoir efficacement le contrôle des chaines d’approvisionnement et les pratiques minières responsables.
Les notes MutatioWatch citées sont disponibles sur demande.
Plus d’information sur MutatioWatch, la note de veille sur les mutations normatives et sociétales liées aux enjeux ESG/RSE sur demande.
Pierre-Samuel Guedj
Président d’Affectio Mutandi
Président de la Commission RSE du CIAN – Conseil Français des Investisseurs en Afrique