Le chômage touche de plein fouet la jeunesse africaine. Les causes en sont la crise sanitaire et économique, l’explosion démographique, mais aussi l’absence de vision des décideurs locaux. ils n’ont pu s’affranchir des modèles de gestion conservatrice de la croissance hérités de l’époque des programmes d’ajustement structurel. d’ici à 2028, l’afrique est supposée créer près de 100 millions de nouveaux emplois pour absorber l’afflux de jeunes qui entreront sur le marché du travail. En attendant, la crise sanitaire a eu un impact économique qui a d’ores et déjà rebattu les cartes de l’emploi. En 2021, quels seront les secteurs qui embaucheront le plus ?
Il y a huit mois, l’Union africaine (UA), à travers une étude publiée le 6 avril, sonnait déjà l’alerte : la pandémie de Covid-19 pourrait avoir des conséquences catastrophiques en Afrique, comme par exemple la perte de 20 millions d’emplois ou la hausse de l’endettement. «Près de 20 millions d’emplois, à la fois dans les secteurs formel et informel, sont menacés de destruction sur le continent si la situation persiste», prévenait cette étude, qui estime que les pays dont l’économie repose largement sur le tourisme ou la production pétrolière sont les plus adossés au risque systémique. Ce document de trente-cinq pages avance deux scénarios. Le premier qualifié de «réaliste» prévoyait que la pandémie allait durer jusqu’en juillet et que l’Afrique «ne serait pas trop affectée». Le second, «pessimiste», tablait jusqu’au mois d’août 2020 et dans lequel le continent allait souffrir plus. Nous sommes dans ce second scénario peu amène.
Mais si l’Afrique a été pour l’instant moins touchée par le nouveau coronavirus que les autres continents, elle en subit déjà les conséquences économiques à cause de ses liens commerciaux avec ces régions. Avant la pandémie du coronavirus, la croissance du PIB africain tablait sur 3,4 % en 2020, elle devrait désormais reculer et se situer à -0,8 ou -1,1 %, selon l’étude de l’UA.
De l’avis d’Assane Diop, économiste, la difficulté de l’emploi des jeunes réside essentiellement dans la faiblesse de la croissance. La faible production de richesse limite fortement la création d’emplois durables et de qualité. «Chaque point de croissance compte», a-t-il ajouté. C’est dire combien la recherche d’un travail peut s’avérer délicate pour les jeunes diplômés mais pas vaine.
La bonne nouvelle est, qu’en dépit de cette conjoncture inédite, certains secteurs sont toujours très actifs et continuent à recruter pendant que d’autres amorcent une phase de relance. Toujours est-il que tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne face à la pandémie de nouveau coronavirus.
La santé, le grand gagnant
La pandémie a mis en évidence la grande pénurie de ressources humaines dans le secteur de la santé en Afrique. Avec une espérance de vie et de dépenses de santé qui sont en dessous du niveau mondial, l’Afrique a plus que jamais besoin de plus de médecins et de professionnels de la santé. Il est aujourd’hui pertinent de constater que sans un bon système de santé, aucun pays ne peut se développer. Il est peut-être éprouvant de penser à suivre de longues études de médecine, mais cela finit toujours par payer, surtout dans un contexte africain où le secteur de la santé a besoin de se mettre à niveau. Aujourd’hui, les populations, surtout rurales, font face à de grandes difficultés pour accéder à une couverture de santé convenable.
Tirant les enseignements de la crise sanitaire, plusieurs pays ont décidé de réformer leur système de santé, offrant des opportunités d’emploi à plusieurs jeunes, dans la mesure où ces politiques sont mises en place par les gouvernements, ou en collaboration avec eux, la plupart du temps. De nos jours, avec la technologie, il existe beaucoup d’applications mobiles et de startups travaillant dans le domaine. Quelques grandes capitales africaines deviennent même d’incontournables carrefours de soins en tout genre dans leurs zones géographiques en Tunisie, au Maroc, au Kenya, au Sénégal, au Botswana et en Afrique du Sud…
La grande distribution, une mine d’opportunités
S’il y a un secteur qui ne connait pas la crise, c’est bien le secteur de la grande distribution. Même si le coronavirus a impacté négativement le rythme des ouvertures des supermarchés à travers le continent, celui-ci devrait reprendre en 2021. Il faut dire que ce secteur continuera de profiter de l’élargissement de la classe moyenne africaine, qui représente un réservoir de consommateurs pour la distribution formelle.
Autrement dit, le potentiel de pénétration est encore important dans la mesure où les achats dans les supermarchés ne dépassent pas 10 % en Afrique subsaharienne hors Afrique du Sud. Plusieurs compagnies africaines ont parié sur leur expansion hors de leurs terres d’origine.
Aujourd’hui, les supermarchés se positionnent : Carrefour, Casino, Marjane, Shoprite, Nakumatt, Prosuma… Chaque ouverture donne lieu à son lot d’embauches.
Regroupant une large gamme d’activités, qui se caractérisent par la diversité de leurs formes et de leurs niveaux d’organisation, le secteur de la grande distribution contribue d’une manière notable à la création d’emplois.
Les NTIC en vedette
Les cabinets de recrutement locaux semblent s’accorder pour dire que le secteur qui recrute massivement en ce moment est celui des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), et plus spécifiquement les métiers liés à l’informatique. Dans ce secteur, les recruteurs les plus gourmands sont les multinationales de service numérique, à l’image de la firme française, Atos. Ces types de sociétés, qui connaissent par ailleurs un fort taux de turn-over, recrutent à tour de bras des centaines de profils mensuellement et piochent dans les pépinières des écoles d’ingénieurs avant la fin de chaque année. C’est dire que les ingénieurs IT sont les plus facilement insérés dans le marché de travail.
Globalement, les groupes internationaux et locaux de ce secteur affichent des bilans financiers positifs à chaque trimestre. Ils profitent également d’une bonne marge de manœuvre, avec le défi de réduire le gap numérique assez élevé par rapport aux pays développés. En effet, l’accès à internet, le développement de nouvelles plateformes et applications ou l’extension des services à d’autres secteurs sont des parts de marché ouverts et accessibles aux entreprises de ce secteur. L’ère du digital a revigoré les performances des entreprises sur le continent. En retour, le recrutement dans le numérique est significatif, avec des milliers d’emplois générés. De nombreuses entreprises TIC rivalisent d’ardeur pour attirer les meilleurs profils (de préférence les professionnels locaux ou issus de la diaspora africaine).
Les centres d’appels, qui profitent de la crise, contribuent, également pour leur part au succès de ce secteur des NTIC en termes de création d’emplois. En croissance depuis des années, et confrontés à un fort turn-over, les opérateurs des call-centers n’ont cessé d’embaucher. Souvent, les jeunes ne prennent pas vraiment au sérieux ce métier et ne projettent pas d’y faire carrière. Ils limitent leur passage dans les centres d’appels à quelques mois, le temps de trouver une offre qui corresponde mieux à leurs profils académiques. Par ailleurs, ceux maîtrisant la langue française étant relativement rares, les meilleurs profils n’hésitent pas à quitter leurs entreprises dès qu’une offre plus attractive leur est proposée chez un concurrent.
Les BTP en mode relance
Chantiers tournant au ralenti, difficultés de financement de trésorerie, projets décalés, le secteur des BTP et de la construction a été impacté par la crise sanitaire et économique. Mais depuis novembre dernier, il est en train de se relancer. Parce que tout développement économique passe par une bonne urbanisation, les BTP et la construction devraient continuer à se développer en Afrique.
Objectif : loger la plus grande part possible de la population, afin de faire face aux principaux problèmes d’urbanisation et de combattre le développement des ghettos. De nouveaux opérateurs panafricains et internationaux profitent de tels marchés, tout comme des initiatives individuelles. Ils recherchent ainsi des talents qualifiés et mobiles, capables de satisfaire plusieurs projets.
Côté travaux publics, les besoins en infrastructures sont colossaux et le continent est loin d’avoir rattrapé son retard. La construction de routes, de ports, de centrales électriques et de stations d’eau potable nécessite des milliers de travailleurs. Mais, dans de nombreux cas, les chantiers ne trouvent pas de plombiers, de maçons, de peintres, d’électriciens ou de techniciens qualifiés.
Les énergies renouvelables ont la cote
Clé de la transition énergétique, le secteur est appelé à être un gisement d’emplois durables. Dans ce contexte porteur pour les énergies renouvelables, la fabrication et la distribution de produits solaires sont particulièrement dynamiques. L’Africa Progress Panel estime les ventes de lampes solaires à plus de 10 millions d’unités par an sur le continent. Si le Kenya, l’Éthiopie et la Tanzanie sont pionniers sur ce créneau, les entreprises d’Afrique francophone s’y mettent à leur tour.
Installateurs, vendeurs, représentants, menuisiers, tout un écosystème se développe. Selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), la capacité de l’Afrique en énergies renouvelables pourrait atteindre 310 GW d’ici à 2030, ce qui placerait le continent au premier rang de la production d’énergie renouvelable dans le monde. Il n’y a qu’à voir en effet son potentiel quasi-illimité en énergie solaire (10TW), l’abondance en matière d’énergie hydroélectrique (350 GW), d’énergie éolienne (110 GW) et de sources d’énergie géothermique (15 GW). L’Afrique jouit d’immenses perspectives pour bâtir un continent résilient au changement climatique et à faibles émissions de CO2, avec la possibilité d’investir dans des infrastructures de qualité résilientes et une agriculture «intelligente» qui s’adapte au climat et une gestion durable de ses ressources naturelles. Et puis, les fonds internationaux arrivent !