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Entretien : Kabiné Komara, Haut-commissaire OMVS

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L’OMVS est déjà incontournable dans la résolution du déficit électrique

 

  • Avec deux ouvrages hydroélectriques et une importante ligne de transport, l’Organisation de la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) est désormais un acteur incontournable dans la production d’électricité
  • Un troisième barrage hydroélectrique, celui de Gouina, permettra d’apporter quelque 140 MW supplémentaires
  • L’organisation entend être un partenaire de choix même pour les autres projets de production d’électricité grâce à son réseau d’interconnexion

 

Kabiné Komara

Kabiné Komara

AFRIMAG : Quel est le bilan de la production énergétique de l’OMVS ?

Kabiné Komara : Notre organisation, créée en mars 1972, regroupe, comme vous le savez, les quatre Etats riverains du fleuve Sénégal : la Guinée-Conakry, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal.

Depuis cette date, les pères fondateurs, auxquels je rends hommage au passage, ont fait le pari de mettre en valeur les nombreuses potentialités hydroélectriques du bassin du fleuve pour réduire drastiquement le déficit énergétique des Etats membres. Gagner ce pari n’était pas évident, vu le contexte de morosité économique qui caractérisait ces Etats.

Aujourd’hui l’Omvs a, à son actif, la réalisation de deux ouvrages hydroélectriques et un réseau de transport interconnecté, le RIMA.

Le premier barrage hydroélectrique, Manantali, est un ouvrage à buts multiples situé sur la rivière Bafing (partie supérieure du fleuve Sénégal) au Mali dans la région de Kayes, à 300 km environ à l’Ouest de Bamako. Il a une puissance installée de 200MW et produit en moyenne 800GWh/an. Outre l’usine hydroélectrique, ont été également réalisés un dispatching à Manantali, 12 postes HT/MT dans les pays concernés et 1700 km environ de lignes de transport. Manantali a démarré sa production en 2002.

Le deuxième ouvrage, Félou, inauguré en décembre 2013, a une puissance installée de 60MW et produit en moyenne 320 GWh/an.

La production des centrales est acheminée, via le réseau interconnecté de l’OMVS, vers les sociétés d’électricité du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal. Cette énergie est cédée aux Etats à des coûts très intéressants par rapport au thermique. A ce jour la puissance totale transportée par le RIMA est de 260MW.

C’est la Société de Gestion de l’Energie de Manantali (SOGEM), créée en janvier 1997 par les Etats membres, qui est chargée de l’exploitation, l’entretien et le renouvellement de Manantali et des ouvrages communs dont la gestion lui est confiée.

Pour permettre également aux plus démunis de bénéficier des retombées des barrages, l’OMVS exécute depuis 2004 un important programme d’électrification rurale en faveur notamment des localités situées le long des lignes haute tension. C’est dans ce cadre d’ailleurs que le poste de transformation pour l’électrification de Sélibaby (Mauritanie) a été inauguré récemment par le Président Mohamed Ould Abdel Aziz, Président en exercice de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’OMVS. De même, les localités de Gouraye (Mauritanie) et Bakel (Sénégal), vont bientôt étrenner leur poste d’électrification.

En résumé, l’OMVS met à disposition une énergie propre et bon marché, puisqu’elle est cédée à un prix très avantageux (moins de 40 FCFA le KWh alors que le thermique produit est cédé à plus 100 FCFA). Ce productible, bien que faible par rapport aux besoins, permet de limiter la pollution, réduire la facture énergétique, soulager, un tant soit peu, les finances de nos Etats. Donc, nous pouvons dire que le bilan de production énergétique de l’OMVS est satisfaisant.

Quels sont les projets les plus importants que vous avez aujourd’hui dans le pipe ?

Le programme de développement de l’OMVS prévoit un certain nombre d’aménagements à moyen et long terme pour augmenter la maîtrise et l’exploitation rationnelle des eaux du fleuve, booster l’agriculture, la disponibilité de l’énergie, et la navigation sur le fleuve.

Avec l’inauguration de Félou en décembre dernier, les chefs d’Etat ont, en même temps, posé la première pierre du prochain ouvrage hydroélectrique, Gouina. Ouvrage au fil de l’eau, Gouina, une fois réalisé, permettra d’apporter 140MW supplémentaires. Le site de Gouina est situé sur le territoire malien, à environ 80 km en amont de la ville de Kayes, environ 190 km à l’aval du barrage réservoir de Manantali et environ 64 km à l’amont du barrage de Félou.

Pour le court et moyen terme, nous avons retenu trois sites de barrage dans la partie guinéenne du bassin, qui totalisent un potentiel d’au moins 600MW. Il y a d’abord le projet d’aménagement hydroélectrique de Koukoutamba : c’est le plus important en termes de puissance attendue. Le coût total de l’aménagement de Koukoutamba est estimé à environ 574 millions euros.

Le site du projet se trouve près de la confluence Bafing/Koukoutamba en territoire guinéen, à 40 km à vol d’oiseau et au sud/sud-est de la ville de Tougué et à environ 150 km en amont de la frontière séparant la Guinée du Mali.

Il est destiné à produire environ 888 GWh/an en moyenne avec une puissance installée de 294 MW. La réalisation de ce projet est une priorité, du fait de la situation énergétique des pays membres de l’OMVS. C’est pourquoi le Conseil des ministres de l’OMVS a pris d’importantes résolutions pour diligenter la réalisation de Koukoutamba. Le Haut-commissariat s’attelle à la mobilisation des financements, et bon nombre de nos partenaires techniques et financiers ont déjà exprimé leur intérêt à accompagner ce projet. Nous espérons donc pouvoir démarrer les travaux dans un avenir proche.

Le second ouvrage programmé est le barrage à buts multiples de Gourbassi. La puissance attendue est modeste (18MW), mais la réalisation de Gourbassi est stratégique pour la navigabilité du fleuve Sénégal. Elle servira de rampe de lancement à un système de transport performant et de grande capacité sur fleuve, comportant principalement la réalisation et l’exploitation d’un port maritime en eaux profondes au niveau de la ville de Saint-Louis (située à l’embouchure du fleuve Sénégal), de quais minéraliers fluviaux ainsi que d’un chenal navigable adéquatement aménagé et balisé. Un tel système permettra d’accommoder les trafics escomptés de nombreux produits agricoles ainsi que les produits issus des gisements miniers existants dans le bassin du fleuve, notamment du phosphate, du fer, de la bauxite et du marbre. C’est pour toutes ces raisons que les plus hautes autorités de l’OMVS accordent une importance particulière à la réalisation de cet ouvrage.

Je terminerai par le projet de l’aménagement hydroélectrique de Bouréya, sur le Bafing à 30 km en amont de la frontière Guinée/Mali. Il en est attendu une puissance installée de 114 MW, pour un productible moyen estimé à 733 GWh/an. Le coût total de cet aménagement est estimé à environ 377 094 992 euros.

Je voudrais aussi mentionner que, parallèlement à la préparation de ces grands projets structurants, nous allons démarrer en Guinée la réalisation d’une trentaine de micro- centrales pour l’électrification rurale.

Vous avez bénéficié des investissements privés, notamment de la BEI, de la BAD ou de la Banque mondiale, qui vous ont permis de produire de l’hydroélectricité. Quels sont les avantages de ce genre de financement ?

Effectivement, nous avons bénéficié de financements d’institutions multilatérales (Banque mondiale, BOAD, IDA, AFD, FAD, BEI, BID…) mais aussi d’agences multilatérales telles que l’AFD et la KFW. Ces financements sont concessionnels, et non privés. Ils nous ont permis de réaliser des ouvrages à moindre coût, et, par ricochet, d’aboutir à une énergie plus compétitive qu’elle ne l’aurait été avec des financements privés. Cependant ces sources concessionnelles sont de plus en plus rares pour financer de gros ouvrages, donc la tendance actuelle est de recourir au partenariat public privé (PPP). C’est ce qu’a démontré d’ailleurs la récente Conférence de Dakar sur le financement des infrastructures en Afrique.

Pensez-vous qu’à terme, votre apport sera significatif dans le règlement du déficit électrique permanent que vivent la quasi-totalité des pays membres de l’OMVS ?

C’est à quoi nous nous attelons, et l’un des plus grands défis de l’Organisation. Nos pays connaissent un déficit en électricité important, et les besoins vont sans cesse croissant. Figurez-vous qu’à l’horizon 2017, la Guinée aura besoin de 540 MW ; le Mali aura besoin de plus de 300 MW ; le Sénégal compte sur l’installation d’une puissance de 500 MW. La Mauritanie est le seul pays membre où une évolution favorable est attendue. En effet, avec son potentiel de gaz, elle compte installer une centrale à gaz de 700 MW dont une première phase de 350 MW pourra être opérationnelle en 2015.

Pour faire face à cette situation, l’OMVS est un atout stratégique pour les Etats membres, et, au-delà pour toute la sous-région. Il y a bien sûr l’exploitation de l’important potentiel hydroélectrique du bassin, estimé à 1500 MW. Il ya également les 1700 km de lignes de transport existantes, que j’évoquais plus haut ; cette infrastructure est appelée à devenir la pierre angulaire d’un marché sous régional d’échange d’énergie, grâce à l’interconnexion avec d’autres réseaux de transport régionaux comme celui de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Gambie. C’est dans ce sens que travaillent toutes les initiatives régionales actuelles, comme le WAPP.

De notre côté, pour rationnaliser les démarches et préparer l’avenir, nous avons entrepris deux actions majeures. D’abord l’élaboration d’un schéma directeur de développement du réseau de transport électrique, pour répondre à l’évolution prévisible de la production, du transport, des échanges et de la consommation de l’électricité à moyen et long terme. Il s’agit de planifier le développement graduel du réseau actuel en prévoyant notamment l’évacuation de la production des futures centrales hydroélectriques de l’OMVS, et l’intégration des projets nationaux et régionaux de développement énergétique des pays membres. Deuxième action stratégique, nous avons entrepris d’élaborer une Politique Energétique Commune (PEC), en créant un cadre supranational de régulation et de planification du secteur énergétique des quatre pays membres. Ces 2 initiatives combinées devraient nous permettre de faire face au déficit grâce à l’augmentation et l’amélioration de la production et de la fourniture d’énergie.

A vous écouter, M. le Haut Commissaire, on dirait que pour nos Etats, point de salut en dehors de l’énergie hydroélectrique ?

Heureusement que si ! Je me suis attaché à expliquer qu’avec un potentiel hydroélectrique de 1500 MW dans le bassin du fleuve Sénégal, nous pourrons, dans le temps, améliorer considérablement le déficit énergétique de nos Etats. Je dois toutefois souligner que notre ambition va bien au-delà. En effet, comme j’aime à le dire, il faut avoir une conception plus pratique, plus pragmatique même, du bassin, que j’appelle « bassin élargi et diversifié », et qui consiste à valoriser toutes les potentialités qui s’offrent à nous. Ainsi mon souhait est que l’OMVS s’ouvre à d’autres sources d’énergie telles que le solaire, le biocarburant et le gaz, dont la production pourrait être acheminée par son réseau, ce qui permettrait d’accompagner les Etats membres dans leur politique de diversification du mixte énergétique. Un des Etats membres, la Mauritanie, s’est déjà lancé dans cette voie avec son projet BENDA qui va exploiter du gaz offshore, et exporter à partir de 2015 une partie de la production au Sénégal et au Mali.

 

Carte de l’aire géographique de l’OMVS

 

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