fbpx

Votre mensuel d'analyse panafricain

Samir, la plus grosse faillite de l’histoire du Maroc

Pinterest LinkedIn Tumblr +

Le syndic nommé par le tribunal de commerce de Casablanca n’a plus que 6 mois pour trouver un repreneur afin de sauver la Samir. Il s’agit de la plus grosse faillite de l’histoire du Maroc. Le raffineur doit quelque 44 milliards de dirhams à ses créanciers. Comment le milliardaire saoudo-éthiopien  en est-il  arrivé là ?

samirDe retournement de situation en retournement, de rebondissement en rebondissement, les difficultés financières de l’unique raffineur marocain a tenu en haleine tout le monde industriel et financier marocain, pendant de longs mois. Désormais, il semble que les jeux sont faits. La cour d’appel de Casablanca a purement et simplement prononcé la liquidation définitive de la Samir, renvoyant l’actionnaire majoritaire et les différents créanciers devant le tribunal de commerce pour fixer les modalités de la cession. Du coup, le juge a donné un délai de six mois au syndic pour trouver un repreneur et finaliser la cession.

Un sursis pour rien

Certains se demandent à quoi peut bien servir un tel sursis. Puisque la Samir est pratiquement dans l’incapacité de reprendre une quelconque activité. Depuis août 2015, c’est-à-dire, depuis un an, l’usine de Mohammedia n’a plus raffiné une seule goutte de brut. C’est à cette date que la Samir a effectivement annoncé qu’elle était dans l’incapacité de poursuivre son fonctionnement du fait de graves difficultés financières. Devant une dette colossale de 44 milliards de dirhams, qu’elle est dans l’incapacité de l’honorer, elle s’est mise sous la protection de la loi sur les entreprises en difficulté.

Pas plus tard qu’en fin juin 2016, le dernier navire qui attendait son sort depuis près de 10 mois, a été obligé de larguer les amarres et donc de ne pas livrer sa cargaison de pétrole. Selon l’agence Reuters, le raffineur marocain n’a pas réussi à trouver un accord avec la Banque islamique de développement (BID) qui était sensée financer ce chargement. Le navire a donc été obligé de lever l’ancre en direction de l’Europe du nord-ouest, avec son million de barils de pétrole.

Ça dure depuis 2007

Comment en est-on arrivé à cette ubuesque situation avec laquelle on assistera à la plus grosse faillite de l’histoire de l’économie marocaine?

Tout au long de ces cinq dernières années, les analystes à la bourse de Casablanca n’ont eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme.

En fait, plus aucun banquier ou établissement financier ne veut s’engager davantage.  Le fisc marocain, à qui le raffineur ne doit pas moins de 13 milliards de dirhams, a exigé le paiement de sa créance d’impôt. Les banques marocaines, notamment la Banque centrale populaire (BCP), Attijariwafabank, la BMCE Bank of Africa, mais aussi Arab Bank, ont refusé de procéder à un énième rééchelonnement de la dette du géant de l’industrie marocaine.

C’est parce que la situation financière de la Samir était devenue insoutenable. La lecture des derniers états financiers publiés montre que le raffineur a perdu 3,4 milliards de dirhams, rien que sur le premier semestre 2015, qui venaient s’ajouter aux 2,5 milliards perdus en 2014.

3,4 milliards perdus sur un seul exercice

Il y a bien longtemps que les actionnaires n’ont plus empoché de dividendes. De mémoire d’analyste, cela fait bien 9 ans, donc depuis 2007, que la Samir n’a plus réellement réalisé d’exercice  bénéficiaires. Dès 2008, le raffineur a conclu son année avec un déficit de 1,37 milliard de dirhams. Le marché subit ainsi le premier vrai choc. En ce moment là, autour de 4 milliards de dirhams, les dettes n’avaient rien d’inquiétant. Même si la Samir commençait déjà à afficher ses premières difficultés, tout le monde jugeait la situation normale. Mais dès l’année suivante, on assiste à la première explosion de la dette qui atteint quelque 7,2 milliards de dirhams.

Investissement coûteux, mais en retard

En fait, la Samir venait de commencer son programme d’investissement pour se mettre à niveau. Le raffineur a attendu trop longtemps et n’a pas suffisamment anticipé l’ouverture totale des frontières aux produits pétroliers. Il comptait sans doute sur la clémence du gouvernement pour continuer à taxer les produits pétroliers d’importation. Malheureusement, les dirigeants du raffineur ont fait un mauvais calcul.

Quoi qu’il en soit, les opérateurs ont commencé à s’approvisionner directement chez des fournisseurs étrangers, avec la levée totale des droits de douane. Du coup, la Samir a dû subir une perte relative de part de marché, perte que les exportations n’ont jamais pu compenser.

Absence de couverture

Ce n’est pas le seul problème auquel le raffineur a été confronté. Il y a aussi les fluctuations des cours du pétrole que la Samir n’a jamais voulu couvrir. En 2014, avec la chute des cours du pétrole, les dirigeants ont dû recevoir une sévère gifle, en ayant constitué des stocks de sécurité, alors que les cours ont chuté juste après. Du coup, les pertes ont été de l’ordre de 2,5 milliards de dirhams sur l’année 2014, s’ajoutant à un cumul de plus de 5 milliards de perte.

Quoi qu’il en soit, c’est plié pour la Samir. Évidement, Mohamed Al Amoudi, l’actionnaire Saoudi-Ethiopien qui contrôle 67% du capital, ne l’entend pas de cette oreille. Il vient d’attaquer le Maroc devant des tribunaux arbitraux internationaux. Selon Akhbar Al Yaoum, Al Amoudi a décidé de porter l’affaire devant l’arbitrage du tribunal de l’Union européenne et celui du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), basé aux Etats-Unis.

Partager.

Répondre