* Durant tout le mois de février, le Nigeria a fêté les 100 ans de l’unification des deux colonies-protectorats du Nord et du Sud
* Ces festivités se sont clôturées jeudi 27 février par une cérémonie où étaient présents 15 chefs d’Etat, dont la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, mais également de l’Est du continent
* Sur le plan politique, le pays poursuit sa reconstruction, alors que sur le plan économique le géant africain à la croissance de 7% annuel pourrait dépasser l’Afrique du Sud
Peut-être qu’un autre pays n’aurait pas accordé de l’importance à un tel évènement, mais au Nigeria, le Nord et le Sud sont toujours synonyme de dualité. D’un c’ôté, on retrouve les Etats à majorité musulmans et de l’autre, dominent les chrétiens dans le Sud du pays.
L’organisation de ces festivités durant un mois a pour principal but de gommer les différences entre les deux parties du pays. L’homogénéité du pays n’est pas un acquis immuable, ni dans la vie politique, ni dans la sphère économique. Le Nigeria a longtemps été dirigé par les généraux portant des noms musulmans venus du Nord : Yakubu Gowon, Mortallah Mohamed, Shehu Shagari, Mohamed Buhari, Ibrahim Babangida, Sani Abacha, Abdsalam Abubacar ou encore Umaru Yar’Adua. Ils sont autant de chef d’Etat musulmans qu’a compté le pays depuis son indépendance. C’est pourquoi aujourd’hui une règle non écrite, appelée « zoning-system » est pratiquement respectée par la classe politique qui veut qu’il y ait une certaine alternance du pouvoir entre musulman du Nord et chrétien du Sud, tous les deux mandats. Néanmoins, par un accident de l’histoire, Goodluck Jonathan, président originaire du Sud, fait exception à cette règle tacite. En effet, quand Olusegun Obasanjo quitte le pouvoir, après ses deux mandats, il est remplacé par Umaru Yar’Adua qui décède après trois ans de mandat seulement. C’est donc le second dans le protocole nigérian qui prend le pouvoir, et il s’agit de l’actuel président de confession chrétienne. Mais, ce dernier soutenu notamment par les puissances étrangères, d’après les révélations de Wikileaks, décide de se présenter et de ne pas donner le pouvoir à un musulman. Aujourd’hui, son parti vit une mini-crise, puisque plusieurs dignitaires viennent de démissionner pour le forcer à ne pas se présenter une deuxième fois. De plus, sa réputation est entachée par le scandale de corruption et de fraude que, Sanussi Lamidu, ex gouverneur de la Banque centrale nigériane – limogé fin février- a révélé cette année concernant les compagnies pétrolières. Entre 35 et 50 milliards de dollars issus de la vente du pétrole, auraient été détournés et ne seraient jamais rapatriés. Ne serait-ce que pour négligence, Goodluck Jonathan, est tenu pour responsable de ce scandale. C’est donc dans un tel contexte politique qu’interviennent les récentes célébrations de l’unification qui avait été réalisée par la Grande-Bretagne en tant que puissance coloniale. De plus, cette dichotomie politique semble accentuée par les récentes exactions du mouvement islamiste Boko Haram, qui tue des dizaines de civiles.
Cependant, concernant le contexte politique, le Nigeria est incontestablement le géant qui fait bouger les repères en Afrique. Ce pays au marché de 170 millions d’habitants est une Chine ou une Inde en puissance. En tout cas, à l’échelle africaine, ses réalisations font rêver et nombreux sont les analystes qui lui prédisent de dépasser l’Afrique du Sud, en termes de PIB, dans quelques années.
Selon le FMI, les perspectives de croissance restent positives Cependant, la croissance économique étant tirée, dans une large mesure, par les secteurs à forte intensité capitalistique, elle ne crée pas suffisamment d’emplois et le taux de pauvreté demeure élevé. En conséquence, le pays affiche un faible indice de développement humain. Il a avancé vers la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), mais ses progrès sont lents et inégaux. L’économie nigériane doit impérativement se diversifier dans les secteurs non pétroliers pour déboucher sur des sources plus nombreuses de croissance, lui assurant une base plus large, tant sur le plan social que géographique. La poursuite du développement de l’agriculture, des industries manufacturières et des services pourrait également élargir la croissance, créer des emplois et faire reculer la pauvreté.
Au cours des dernières années, la croissance du PIB est presque régulièrement supérieure au taux de 7%. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, le secteur des hydrocarbures n’en est plus le principal moteur. Il est vrai que le Nigeria est le premier producteur de pétrole en Afrique. Cependant en 2012, le secteur pétrolier a vu son PIB décroitre de 0,35%, alors que le secteur non-pétrolier s’est apprécié de 8%. C’est ce qui a permis au PIB de s’améliorer de 6,6%.
Au niveau des finances publiques, les mesures d’assainissement des comptes publics contribuent à maintenir le déficit budgétaire en-dessous de 3 % du PIB. Conjuguées à la politique monétaire de la Banque centrale (Central Bank of Nigeria – CBN), elles ont contenu l’inflation autour de 12 % en 2012.
Néanmoins, la croissance économique n’a pas généré d’emplois, ni atténué la pauvreté. Le chômage a augmenté, jusqu’en 2012, car les secteurs qui tirent la croissance ne sont pas d’importants créateurs d’emplois. Le secteur pétrolier et gazier, par exemple, constitue une «enclave » à forte intensité de capital mais offre très peu de possibilités d’emplois. Or, la grande priorité de la politique publique est la création d’emplois, en particulier pour les jeunes, et la croissance inclusive.
[box type= »note » align= »alignleft » width= »250″ ]La règle tacite entre Musulmans et ChrétiensLe « Zoning System » a été théorisé en 1979 par le nordiste Shehu Shagari, le premier président civil élu du pays, avec le double objectif de rendre les institutions démocratiques et de favoriser la représentativité des différents groupes ethniques pour réduire les risques de déstabilisation dans la jeune nation nigériane. Le terme « zoning » renvoie aux six zones géographiques du pays dont trois se trouvent au Nord et trois au Sud.[/box]La croissance ne s’est pas accompagnée d’un changement structurel de l’économie nigériane. Celle-ci n’est pas diversifiée et la production agricole pâtit de ne pas avoir été modernisée. Pour y remédier, l’État encourage les activités non pétrolières et non gazières. Il s’attache à combler le déficit en infrastructures du pays et à développer l’agriculture. À cette fin, les équipements sont en voie de modernisation et des zones de transformation des cultures vivrières ont été instaurées, en s’appuyant sur le modèle de la chaîne de création de valeur pour tisser des liens avec les industries.
Aujourd’hui, les entreprises nigérianes se déploient dans les autres pays du continent, dans tous les secteurs : de la banque, aux télécommunications en passant par l’industrie agroalimentaire, les matériaux de construction, etc. Le principal représentant de cette expansion est sans doute le milliardaire Dangote dont la fortune est estimée à quelque 20 milliards de dollars US. En effet, le magnat du secteur du ciment est présent dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest.
[box type= »note » align= »alignleft » width= »200″ ]Un géant Ouest-africainL’économie nigériane entre pour environ 55 % dans le PIB de l’Afrique de l’Ouest, et les quelque 170 millions d’habitants du pays forment le plus vaste marché d’Afrique. L’intégration régionale, à laquelle le Nigeria doit s’atteler, renferme un potentiel immense pour la croissance et la diversification économique. Les exportations du Nigeria vers d’autres pays d’Afrique ont représenté approximativement 11 % de la valeur totale de ses exportations, et 3 % sont destinées à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Les importations du géant africain depuis d’autres pays d’Afrique ont constitué 8 % de leur valeur totale, avec 1,3 % provenant de la Cedeao. Le marché ouest-africain offre des possibilités considérables au secteur financier du Nigeria. Des efforts sont en cours pour l’instauration d’une union monétaire, mais l’intégration complète prendra encore beaucoup de temps. Les membres de la Zone monétaire d’Afrique de l’Ouest (ZMAO) ont beaucoup de difficultés à satisfaire aux critères de convergence, à cause de plusieurs facteurs : inflation forte, creusement des déficits budgétaires dans certains de ces pays, augmentation de la masse salariale, accroissement des paiements d’intérêts intérieurs, contraction des réserves extérieures exprimées en mois de couverture des importations et proportion élevée de prêts non productifs au sein du système bancaire. Il faudrait que le Nigeria devienne le fer de lance des efforts d’intégration monétaire dans la région. On constate néanmoins des progrès dans les échanges, par exemple l’adoption du tarif extérieur commun, à cinq bandes, de la Cedeao, en 2005, qui a ramené de 12% à 11,5 % les droits de douane à l’importation au titre de la Clause de la nation la plus favorisée (NPF), et de 44 à 22 le nombre des interdictions d’importation. Le Nigeria a lancé diverses initiatives pour encourager la fabrication locale et promouvoir les exportations, dont les zones de libre-échange/zones franches pour les industries d’exportation (1992) et le Programme d’aides à l’expansion des exportations (Export Expansion Grant – EEG, 1986 et 2005). [/box]