Le Président du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, entame, ce jeudi, 18 avril, une visite d’amitié et de travail en Mauritanie. Cette première sortie à l’étranger consacrée à la Mauritanie par celui que les Sénégalais se sont choisis, le 24 mars dernier, pour présider à leur destinée, avec 54,28% des voix, est pleine de symboles
Elle confirme, d’abord, que le fleuve séparant les deux pays et consacrant leurs souverainetés internationales, est une frontière naturelle ne pouvant nuire, en aucun cas, au précieux capital relationnel historique, culturel, humain et économique entretenu par les deux Etats au sein d’organisations sous-régionales (OMVS, CILSS), régionales (UA, OCI) et internationales (ONU) comme prise de conscience, des deux côtés du fleuve, qu’ils partagent un destin commun.
Pourquoi Nouakchott et non une autre capitale africaine, européenne…
Il est évident, ensuite, que cette visite du Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye chez son ainé Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani, qui était à la tête des hôtes de prestige présents à l’investiture du nouveau Chef de l’Etat sénégalais, focalise, depuis son annonce, les regards dans un contexte où tout est apprécié à l’aune de ce genre d’évènements qui portent à s’interroger pourquoi Nouakchott et non une autre capitale africaine, européenne ou asiatique, en fonction des affinités géostratégiques et économiques qui président, dans pareille situation, à ce genre d’évènements hautement symboliques.
En effet, les deux pays sont membres de l’OMVS (Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal), très souvent citée en exemple de coopération sud-sud réussie, fondée il y a plus d’un demi-siècle (le 11 mars 1972), à Nouakchott, par la Mauritanie, le Mali et le Sénégal et chargée, depuis, de la gestion commune des eaux du fleuve et de ce qui peut en être tiré (irrigation, énergie, navigation) au bénéfice de ces trois pays rejoints plus tard par la Guinée Conakry. Cette bienheureuse expérience de capitalisation sur des ressources naturelles partagées allant dans le sens d’une intégration économique sous-régionale, voire à l’échelle africaine (projet de Zone de libre-échange continentale, Zleca) trouve aujourd’hui sa pleine expression dans le projet gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA), hautement promoteur pour la Mauritanie et le Sénégal et donnant la preuve, une fois de plus, que les deux pays sont pleinement conscients que, comme on dit, l’union fait la force.
L’exploitation imminente du gaz du projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA) découvert en 2015 sur la frontière maritime entre les deux pays a déjà permis aux deux Etats d’intégrer le club très envié des pays producteurs de pétrole et de gaz avec de précieuses ressources financières devant contribuer, en Mauritanie à la poursuite du programme «Taahoudaty» (Mes engagements) et, au Sénégal, aider Diomaye Faye et le Premier ministre Sonko, véritable porteur du projet de gouvernance Pastef, à trouver une partie des financements des programmes de développement promis aux Sénégalais.
Ainsi, en matière de coopération sud-sud, la Mauritanie et le Sénégal donnent le bon exemple, malgré une conjoncture économique pas toujours favorable à cause d’aléas surgissant, de temps à autre, sans prévenir (Covid-19) ou prenant la forme d’une crise endémique (question de la dette en Afrique).
Le Pont de Rosso, ou le chaînon manquant de la Transsaharienne devant relier l’Europe à l’Afrique subsaharienne
Cette bonne coopération est également présente, dans le domaine hydroagricole, avec la création, évoquée plus haut, de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) dans laquelle figure, depuis 2006, la Guinée Conakry. Elle se renforcera avec la construction sur le fleuve d’un pont – Pont de Rosso -financé par la Banque africaine de développement (BAD) à hauteur de 88 millions d’euros. Cette infrastructure devrait fluidifier, sous peu, la circulation des biens et des personnes entre les deux pays, assurée jusqu’à ce jour par deux bacs don de l’Allemagne à la Mauritanie.
Beaucoup considèrent ce pont comme le chaînon manquant de la Transsaharienne devant relier l’Europe à l’Afrique subsaharienne.
GTA, un cadeau divin
Concernant le gaz, British Petroleum (BP) avait annoncé, pour la deuxième moitié de 2024, le début de la production du gaz du gisement mauritano-sénégalais de Grand Tortue Ahmeyim(GTA). Initialement prévue pour 2021, l’exploitation effective de GTA a été retardée de deux ans à cause de la pandémie du coronavirus (Covid-19) et d’autres impondérables de dernière minute.
Le gisement Grand Tortue Ahmeyim, découvert le 27 avril 2015 dans le bloc 8 du bassin côtier, peut être qualifié, à plus d’un titre de cadeau divin. Il s’agit d’une des rares perles géologiques découvertes cette décade. Sa réserve potentielle est de l’ordre de 100 TCF, ce qui est énorme. Il sera développé de manière séquentielle en trois phases avec un budget de développement d’environ 24 milliards de dollars américains pour produire 10 millions de tonnes par an (MTPA). Le revenu estimé pendant la durée d’exploitation (20 ans) est de l’ordre de 90 milliards de dollars.
La Mauritanie qui est sortie de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) en 2000 y conserve cependant un statut privilégié de pays associé jouissant pratiquement de tous les privilèges accordés aux pays membres dans les échanges commerciaux et douaniers.
Mauritaniens et Sénégalais vont beaucoup apprécier que le premier déplacement du Bassirou Diomaye Diakhar Faye ait été réservé à la Mauritanie en tenant compte de considérations liées à la proximité, à la communauté de destin, à l’histoire, à la culture et à la géographie mais aussi au fait important, ne l’oublions pas, que Ghazouani assure présentement la présidence tournante de l’UA.