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Entretien : Daniel Sigaud, Président de Heliconia Group

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En neuf ans, Heliconia Group, leader dans le domaine de la prestation de services par hélicoptère au Maroc a mené des investissements commerciaux et technologiques majeurs et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Le transporteur par hélicoptère continue de tisser sa toile sur le continent. Son Président, Daniel Sigaud, détaille les ambitions de la compagnie.

« Nous disposons d’une flotte de 23 appareils dont 18 en propriété et 5 en leasing »

AFRIMAG : Créée en 2004, le Groupe Heliconia a racheté en 2008 Helisud Maroc. Depuis, celle-ci a subi une restructuration majeure avec un important plan d’investissement pour devenir Heliconia Aero Solutions, une compagnie leader dans le domaine de la prestation de services par hélicoptère au Maroc. Comment en êtes-vous arrivé là aujourd’hui ?

DANIEL SIGAUD  Président de Heliconia Group

DANIEL SIGAUD Président de Heliconia Group

Daniel  Sigaud : Heliconia Maroc a été créée non pas en 2004 mais en 2008. A cette date nous avons approché le marché héliporté marocain pour tâter son pouls. Et notre seul objectif dans cette démarche était le développement de cette activité en Afrique comme ce fut le cas dans les années 70/80 en Europe.

Au Maroc, nous avons démarré en mars 2008 par le rachat d’Helisud qui disposait d’un seul appareil, une Alouette II, acquis en 1969 que nous avons remplacé aussitôt par des Ecureuils de l’avionneur européen Airbus. Très simples et pratiques, ces nouveaux appareils nous ont permis de nous attaquer au transport public avant de constater le besoin exprimé par le marché marocain. Notre premier client corporate au Maroc a été l’Office national de l’électricité du Maroc (ONE), l’actuel ONEE. Le convaincre à avoir un partenariat avec nous n’a pas été aisé pour la simple raison que l’ONE travaillait avec des opérateurs étrangers supposés plus expérimentés !

Comment avez-vous pu convaincre l’ONE de la pertinence et de la fiabilité de votre offre ?

L’ONE avait en fait beaucoup de problèmes avec les opérateurs étrangers, des accidents notamment et le non respect de la règlementation ! Nous avons donc dû convaincre l’ONE que notre connaissance de la géographie marocaine et de la règlementation compenserait notre soi-disant peu d’expérience. Après quelques mois de travail en urgence de gré à gré, nous avons remporté en 2012 le nouvel appel d’offres lancé par l’ONE. Depuis Heliconia Maroc est devenu le prestataire attitré de l’Office marocain d’électricité. Depuis 2012 aucun accident n’a été enregistré, et les missions sont totalement remplies et dans les temps impartis !

has flotte and aw139Heliconia Maroc s’est ouvert également à l’activité d’évacuation sanitaire au moment où le ministère de la Santé marocain mettait en place la procédure Héli-Smur, Service médical d’urgence par moyen d’hélicoptère. Nous l’avons accompagné dans cette mission et avons gagné ce marché par appel d’offres. Aujourd’hui nous sommes prestataires des quatre Héli-Smur sur le Maroc en attendant le plan de développement que le ministère de tutelle compte attribuer à cette activité.

Avant ces deux expériences au Maroc, nous avons été contactés par des miniers en 2010 pour travailler en Mauritanie et au Mali. Cela nous a permis de renforcer notre flotte sur place avec deux Ecureuils d’abord et quatre autres ensuite. En 2011 nous sommes allés travailler en Algérie (travaux électriques) et en Tunisie (rallye automobile).

Cependant le tournant le plus important pour Heliconia a été notre réussite à pénétrer le secteur de support à la Recherche Pétrolière ! Qui, par les investissements nécessaires, et la difficulté des services demandés représente le haut de gamme de l’activité héliportée.

Depuis 2013 nous avons supporté toutes les phases d’exploration pétrolière au Maroc en accompagnant des compagnies telles que Kosmos, Cairn, Galp,… Nous sommes également depuis 2014 présents aux côtés de ces majors un peu partout en Afrique au Sénégal, en Mauritanie, au Libéria, à Sao-Tomé, au Gabon…et avons réussi à nous faire accepter, progressivement, par les « majors » tels que Chevron, Total, ExxonMobil, BP… mais cela a demandé des efforts extrêmement importants pour toutes nos équipes !

Je peux dire avec beaucoup de fierté que nos succès dans ce secteur nous ont permis de gagner l’estime et le respect des plus gros opérateurs héliportés mondiaux !

Je dois dire également que c’est pour nous une énorme fierté, en tant que société marocaine,  d’avoir pu, en l’espace de quelques années, déployer nos hélicoptères sur l’ensemble de l’Afrique du Nord et de l’Ouest, et même jusqu’au Gabon en Afrique Centrale !

Aviez-vous besoin de permis pour aller dans tous ces pays ?

Pour opérer en aviation, il faut avoir un permis d’exploitation, appelé en aéronautique internationale un « AOC » (Aircraft Operation Certificate). Notre AOC marocain  nous permet de travailler sous certaines conditions dans d’autres pays, notamment en Afrique de l’Ouest et Centrale.

En 2013, certains de nos clients nous demandant, notamment hors Maroc, d’opérer sous les normes et agréments « européens » (dictées par l’EASA) nous avons décidé de racheter un opérateur français qui travaillait sous le nom d’Héli-challenge, devenue depuis Héliconia France. Heli-Challenge était par ailleurs également détenteur d’une licence d’« école aéronautique » (« ATO »)

Quel rapport y’a-t-il entre Héliconia France et Héliconia en Afrique ?

Ce sont deux sociétés sœurs avec les mêmes actionnaires. Le fait d’avoir accès à un opérateur travaillant sous agréments européens, en terme d’opérations, de navigabilité mais aussi d’atelier de maintenance (agrément « Part 145 ») nous a beaucoup facilité la tâche pour gagner notre crédibilité, notamment vis-à-vis des sociétés pétrolières, et des normes de sécurité draconiennes qu’ils nous imposent.

Nous avons su, depuis, faire évoluer les procédures de nos agréments africains (Maroc/Sénégal) pour leur donner la même crédibilité !

Quelle est la flotte dont dispose aujourd’hui Heliconia ?

Nous avons une flotte de 23 appareils dont 18 en propriété et 5 en leasing. Ce sont des appareils qui vont de la petite taille pour l’école (Cabri), une flotte importante d’appareils Airbus (AS 350 – H 125 – EC 135) jusqu’au AW139 du constructeur Leonardo (anciennement Agusta Westland), utilisés pour les supports pétroliers, transportant jusqu’à 15 passagers. Nous disposons de six de ces modèles. Pour vous donner un ordre de grandeur, un H 125 coûte aujourd’hui 2 millions d’euros tandis qu’un AW139 se négocie au-delà de 12 millions d’euros.

Heliconia prévoit d’acquérir deux appareils AW139 d’une valeur de 22 millions d’euros pour accompagner le développement présent et futur de l’exploration pétrolière. Qu’en est-il de ce projet d’investissement ? 

Ce n’est plus un projet ! Puisque nous avons déjà investi en fonds propre une valeur de 23 millions d’euros pour l’achat des deux AW139. En plus de l’acquisition de ces appareils, nous avons signé des accords de leasing pour 4 AW139 supplémentaires. Heliconia peut donc s’appuyer – à ce jour – sur une flotte de six AW139, utilisés au Maroc, au Sénégal et en Mauritanie et sur la côte africaine, selon les contrats.

HELICONIA HELICOPTERE MARRAKECHTout à l’heure vous me posiez la question de savoir comment travailler avec des agréments marocains hors des frontières du royaume. Sur ce point précis, il faut savoir que le ciel est ouvert à tous pour ce qui relève du transport international, en respectant les règles mises en place. En revanche, au niveau du transport intra-national, que l’on appelle parfois « cabotage », il existe dans la plupart des pays ayant en place des opérateurs nationaux, une protection. Un opérateur américain ne va pas faire du transport intra-Europe, s’il n’a pas un AOC européen. Notre AOC marocain ne nous permet pas de travailler en Europe. C’est ainsi par exemple que l’on s’est vu refuser des autorisations de vol dans le sud espagnol, pourtant à une quinzaine de minutes de vol du Maroc ! Ces règles de « protection » dépendent de la réglementation en place dans chaque pays à un autre. Par exemple,  seule une société marocaine avec un AOC marocain pourra y opérer. Même règle qu’en Europe ! Obtenir un AOC est une procédure extrêmement lourde et précise avec des investissements à long terme et des structures à mettre en place.

Comment se fait-il donc qu’avec une réglementation marocaine vous puissiez travailler par exemple au Sénégal ou au Nigeria ?

Au Nigeria ça ne serait pas possible aujourd’hui, même pour une période courte, car il y a plusieurs opérateurs nationaux. Au Sénégal c’était possible, tant qu’il n’y avait pas d’opérateurs sénégalais, mais pour une période limitée à six mois, le temps d’avancer avec les formalités et structures de mise en place d’un AOC.

A Sao-Tomé & Principe, par exemple, où il n’y a pas encore d’industrie héliportée, nous sommes autorisés à travailler sous notre AOC marocain. Le jour où les besoins de transport intra-pays se feront sentir de manière régulière, il est clair qu’il faudra avancer là aussi avec un AOC national.

Qu’attendez-vous d’avoir une structure nationale au Sénégal, un pays aux ambitions pétrolières et gazières confirmées ?

Au Sénégal, nous avons pris la décision de mettre en place un AOC national dès 2015. Cela a été long et difficile et a demandé des investissements importants (base opérationnelle, mobilisation d’une flotte « minimum », formation du personnel sénégalais… Mais il est désormais en place depuis début 2017. Nous attendons donc des Autorités sénégalaises la mise en place, existante dans les autres pays,  de protection des opérateurs nationaux, pour nous permettre de rester compétitif avec tout opérateur « étranger » qui voudrait venir travailler sur le sol sénégalais, sans y faire les mêmes efforts d’investissement et d’intégration nationale…

Est-ce à dire qu’Heliconia mise sur la diversité des prestations ? Quid des autres prestations qu’il offre ? Qu’en est-il des tarifs pratiqués par votre compagnie?

Au Maroc nous sommes présents dans toutes les activités héliportées que ce soit du transport public, du travail aérien, de l’évacuation sanitaire, du transport pétrolier ou de la maintenance aéronautique pour les hélicoptères. Au Sénégal, nous avons la même ambition.

Notre stratégie de développement en Afrique sera basée sur quatre besoins/activités héliportées principales : le support pétrolier, le travail aérien pour les compagnies nationales d’électricité, les besoins d’évacuation sanitaire et le support à l’industrie touristique.

Pour les tarifs, il faut un minimum de 1800 euros pour 1h de vol touristique dans un appareil monomoteur. S’agissant du transport au niveau des pétroliers, avec d’autres types d’appareils, il faut compter un minimum de 10 000 euros de l’heure, sachant que, pour ce genre de contrat, l’unité n’est pas vraiment l’« heure de vol » mais la mobilisation  permanente d’un appareil et de son équipage, qui se traduit par un forfait mensuel plus une facturation à l’heure de vol.

Depuis trois ans, Heliconia est distributeur officiel du constructeur d’hélicoptères anglo-italien, Agusta Westland, hélicoptériste d’envergure mondiale, filiale du groupe public italien Finmeccanica, maintenant dénommé « Léonardo », en assurant exclusivement sa représentation. Quel a été votre objectif en nouant ce partenariat avec le 3e hélicoptériste dans le monde ?

Clairement, notre intérêt s’est tourné vers Agusta Westland, car ce constructeur a développé il y a quelques années  un type d’appareil dénommé AW139 qui s’est avéré comme l’hélicoptère le mieux adapté pour les besoins pétroliers, sur moyenne distance, comme c’est le cas en Afrique du nord et de l’ouest ! C’est un appareil phare pour l’industrie pétrolière et nous avons fait le pari d’équiper Heliconia de ce type d’appareil. Mieux encore, nous avons proposé à Leonardo non seulement d’investir mais également de l’accompagner dans le développement de cet appareil en Afrique, notamment francophone.

La pénétration du marché de l’Afrique francophone, notamment, représente une des priorités de votre groupe compte tenu déjà des interventions en Algérie, en Tunisie, au Mali, au Sénégal ou encore en Mauritanie. Qu’en est-il de votre présence sur ce grand marché ?

Notre « région phare » est aujourd’hui ce que nous appelons « North West Africa », une zone allant du Maroc au Sénégal, sans oublier la Mauritanie, la Guinée Bissau, la Gambie, la Guinée Conakry et le Mali. C’est notre première zone de présence.  

En 2018 nous espérons poursuivre notre développement géographique, et tout naturellement, nos efforts se porteront sur l’Afrique de l’ouest

Quelle est votre politique de développement dans chaque pays ?

Notre stratégie est claire. C’est ce que les pétroliers appellent le développement du « Local Content », autrement dit le développement de structures locales (AOC) et la mise en place d’installations stables et permanentes, supportées par des recrutements nationaux et d’un programme de formation. Une approche claire de développement sur le  « long terme ».

Votre filiale sénégalaise, Heliconia Sénégal a inauguré il y a deux ans sa base opérationnelle sur l’aéroport international de Dakar dans le cadre de son développement local et sous-régional. Comment se porte-t-elle ? Allez-vous transférer sa base vers le nouvel aéroport international Blaise Diagne ?

Le Sénégal est extrêmement important pour nous. Le Sénégal se trouve au cœur d’un bassin que les pétroliers appellent « MSGBC » (Mauritanie, Sénégal, Guinée-Bissau, Gambie, Guinée Conakry) qui, grâce aux découvertes pétrolières et gazières des Sociétés Cairn Energy et Kosmos Energy, est maintenant considéré comme une « nouvelle frontière pétrolière et gazière ». Cet essor devrait permettre à Heliconia Sénégal de se développer, dans ce secteur extrêmement difficile mais porteur, mais également d’approcher –progressivement l’ensemble de la sous-région avec une panoplie complète de services héliportés

heliconia senegalPour la dernière partie de votre question, notez qu’Heliconia Sénégal est toujours installé sur l’ancien aéroport de Yoff, qui est passé sous contrôle de l’Armée de l’air sénégalaise. Nous avons finalisé avec l’Armée de l’Air un premier protocole de 18 mois, qui nous permettra de continuer nos opérations au départ de l’aéroport de Yoff, mais également la coopération mise en place avec elle dans les programmes de formation et de suivi de contrôle de navigabilité. Pendant ces dix-huit mois une réflexion plus profonde aura lieu pour la mise en place de structures pérennes, qui dépendront bien sûr de nombreux facteurs et de la stratégie des autorités sénégalaises en matière de développement des services héliportés, et du développement d’un certain nombre de projets, dont par exemple celui de la gestion des « urgences médicales » ou de ceux de la protection civile.

D’où vous est venue l’idée de vous lancer dans le transport aérien ?

Il est bien clair que le transport aérien est toujours en pleine croissance dans le monde en général (à une vitesse de 5 à 7% par an), mais bien sûr encore plus rapide en Afrique et dans les pays émergents, puisque moins développés à ce jour, où le taux de croissance annuelle dépasse les 10%.

Dans cette croissance, les hélicoptères, moyens de transport de proximité, mais aussi de « travail aérien », y auront toutes leur place !

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