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Faissal Sehbaoui, Directeur Général d’AgriEdge

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Face aux défis considérables auxquels l’agriculture est confrontée, AgriEdge (Business Unit de l’Université Mohammed VI Polytechnique-UM6P), multiplie les solutions pour les agriculteurs au Maroc et depuis récemment sur le continent.

Son Directeur général, Faissal Sehbaoui, revient sur ces outils au service surtout de l’agriculture africaine.

«Notre indice Aqua-Index, basé sur l’imagerie satellite et l’IA, permet aux agriculteurs d’optimiser l’irrigation de leurs parcelles»

 

AFRIMAG : L’une des dernières solutions de AgriEdge en date pour les agriculteurs est Aqua-Index, un indice de stress hydrique, basé sur l’imagerie satellite et l’intelligence artificielle développé pour aider l’agriculture à contribuer à la préservation des ressources en eau du Maroc.

Concrètement, qu’est-ce que cette solution apporte-t-elle aux agriculteurs ?

Faissal Sehbaoui : C’est un système digital qui alimente les agriculteurs par des informations, suffisamment pointues permettant d’optimiser l’irrigation de leurs parcelles et donc de réduire leur consommation en eau et en énergie.

Ce système est alimenté principalement par des images satellites qui sont transformées grâce à l’intelligence artificielle (IA) en cartes de stress hydrique pour les parcelles agricoles concernées. A partir de ces cartes, une recommandation sur la quantité d’eau nécessaire à l’irrigation des parcelles et le moment opportun pour cette irrigation sont communiqués à l’agriculteur via l’application mobile « AquaEdge ».

L’avantage de ce système est qu’il est adapté à des parcelles de toute taille et facile à déployer à grande échelle. Il peut être renforcé par des capteurs d’humidité afin d’aller vers une information encore plus riche pour davantage d’optimisation.

Au final, l’agriculteur dispose d’un outil d’aide à la décision permettant de savoir avec précision la quantité d’eau à utiliser et surtout quand l’utiliser afin d’optimiser les apports pour la plante et contribuer, à échelle macro, à la préservation des ressources hydriques du Maroc.

AFRIMAG : Récemment également, AgriEdge a développé une nouvelle innovation baptisée NPK-IndeX pour augmenter la production du blé au Maroc. De quoi s’agit-il exactement ?

Faissal Sehbaoui : Le «NPK-index» est un outil digital qui permet de donner des recommandations d’apport en azote, phosphore, et potassium pour les céréales. C’est un peu l’équivalent de «l’Aqua-Index» appliqué aux engrais, et qui permet d’en optimiser et économiser l’usage en calculant les quantités nécessaires exactes adaptées aux besoins des cultures.

Cet outil qui a demandé près de 4 ans de recherche en collaboration avec Les Domaines Agricoles et l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), est aujourd’hui s utilisé sur près de 5000 hectares de terres agricoles au Maroc. Il permet de réaliser un gain en production de blé de près de 24 % et une économie d’azote de 20 % ! Cette amélioration des rendements est stratégique pour le Maroc afin de réduire sa dépendance aux importations de blé mais également des engrais azotés.

Cet outil est alimenté par l’imagerie satellite. Concrètement, une fois l’image satellite récupérée, elle est intégrée au modèle d’intelligence artificielle, qui produit une carte de recommandation sous deux formats :

  • Une carte digitale adaptée aux épandeurs digitaux, qui va appliquer la quantité nécessaire dans chaque endroit de la parcelle. Cette option s’adresse plus aux agriculteurs de grandes parcelles ayant des moyens digitaux ;
  • Une carte, plus adaptée aux petits ou moyens exploitants, sous forme de fichier PDF, qui présente la parcelle divisée en un nombre limité de zones et mentionne la quantité à appliquer dans chacune de ces zones.

AFRIMAG : Le Premier ministre ivoirien, Patrick Achi a lancé jeudi 20 octobre dernier à San-Pedro, le «Farming Innovation Program» de AgriEdge et OCP Africa, visant à améliorer la compétitivité de l’agriculture ivoirienne. Comment ce programme se traduira-t-il sur le terrain ?

Faissal Sehbaoui : C’est un programme d’accélération lancé par AgriEdge, avec l’objectif de contribuer au développement de l’écosystème AgriTech.

Lancé sous le haut patronage du Premier ministre de Côte d’Ivoire, en partenariat avec OCP Africa Côte d’Ivoire et d’autres partenaires locaux, l’objectif de ce programme est d’accompagner les porteurs d’idées en Agritech et de les aider à transformer leur idée en startup.

Nous sommes conscients que l’agriculture est une discipline «régionale» : on ne fait pas pousser du blé au Maroc comme en France ou aux USA. Chaque région a ses spécificités d’un point de vue agronomique et donc même d’un point de vue des pratiques agricoles. Les apports en eaux et autres intrants sont en effet spécifiques à chaque région.

L’objectif du «Farming Innovation Program» est de renforcer la capacité des jeunes des différentes régions du continent à développer des solutions parfaitement adaptées aux conditions locales en bénéficiant de l’expérience d’AgriEdge et de son réseau dans ce domaine .

AFRIMAG : Ce programme cible-t-il d’autres pays dans le monde et en Afrique ?

Faissal Sehbaoui : Les deux premières éditions étaient destinées au continent africain. Nous avions d’ailleurs reçu des candidatures de 24 pays africains. Cette année nous avons fait évoluer la stratégie de déploiement du programme. Au lieu d’une approche générique, nous avons préféré cibler spécifiquement les pays ; en commençant par la Côte d’Ivoire. Après les évaluations nous pourrons alors envisager le déploiement dans d’autres pays, comme le Nigeria et le Kenya. Peut-être que cela débouchera également sur un déploiement en dehors de l’Afrique, notamment dans des pays de l’Est ou d’Asie, mais pour l’heure cela n’est pas dans nos priorités.

AFRIMAG : En tant que «Business Unit de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P)», comment AgriEdge opère-t-elle au sein de cette institution ?

Faissal Sehbaoui : AgriEdge a vu le jour au sein du Groupe OCP dans le cadre de son programme d’intrapreneuriat lancé par le PDG du groupe en 2016. Vu la dimension importante de la Recherche pour développer des solutions AgriTech adaptées au contexte local, AgriEdge s’est installée au sein de l’UM6P et s’est fortement développée grâce notamment à l’implication de chercheurs pluridisciplinaires, et l’utilisation de ses laboratoires d’expérimentation à échelle réelle (les Living Labs) comme par exemple la ferme expérimentale dans laquelle AgriEdge dispose d’une ferme expérimentale digitalisée. L’université est d’ailleurs le cadre idéal pour un tel projet dont la recherche et le développement sont les piliers.

AFRIMAG : Pourquoi cette casquette de Business Unit?

Faissal Sehbaoui : Parce que nous ne sommes pas un département de recherche à 100 % et le nom de Business Unit vient de notre façon de fonctionner. Nous faisons de la recherche pour produire nos solutions et services certes mais avec un objectif de commercialiser cette production.

C’est une casquette particulière et presque unique au sein de l’université, c’est-à-dire d’avoir un business unit qui travaille avec des chercheurs, des laboratoires qui peuvent ensuite directement appliquer leurs résultats sur le terrain, auprès de l’utilisateur final en prenant en compte les contraintes du terrain, elles-mêmes sources précieuses d’information pour alimenter nos chercheurs afin d’améliorer, en continu, nos modèles, et ainsi de suite !

C’est une interaction globale recherche-terrain qui s’avère très efficace. Car elle permet très rapidement de pousser les résultats de recherche vers le terrain afin qu’ils soient confrontés à ses contraintes et donc d’accélérer de façon très significative le développement des solutions adaptées au contexte local.

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