fbpx

Votre mensuel d'analyse panafricain

Nouveau Code des investissements en Cote d’ivoire : Focus sur les principales innovations

Pinterest LinkedIn Tumblr +

La Côte-d’Ivoire a adopté un nouveau code des investissements à travers l’Ordonnance N°2018-646 du 1er août 2018. Ce texte abroge l’Ordonnance n° 2012-487 du 7 juin 2012 portant Code des investissements modifiée en 2015.

Par Mouhamed Kebe 

Avocat, arbitre CCJA, membre de la Cour d’Arbitrage de la CCI, Managing Partner, GENI & KEBE. 

Mouhamed Kebe

Mouhamed KEBE

Si le nouveau texte est plus succinct que l’ancien, il est censé être complété par des textes règlementaires d’application. Les décrets du 18 décembre 2018 portant respectivement organisation et fonctionnement du Comité d’agrément de l’Agence chargée de la Promotion des Investissements et  entreprises éligibles au crédit d’impôt pour ouverture du capital social aux nationaux s’inscrivent dans cette perspective. Au fond, le nouveau dispositif vise à renforcer les objectifs de promotion des investissements productifs et socialement responsables, de valorisation du contenu local et de renforcement de la compétitivité des entreprises.

La présente étude revient sur les principales innovations et comporte un tableau synoptique comparatif des codes de 2012 et 2018.

  1. Champ d’application du nouveau code

Le nouveau code s’applique aux investissements réalisés en Côte d’Ivoire sans égard à leur caractère direct ni à leur origine privée. Il répare ainsi l’ambiguïté de l’ancien code sur les types d’investissements régis par la loi qui étaient tantôt des investissements directs, tantôt des investissements privés.

A la différence du code de 2012 qui se limitait à lister les secteurs éligibles[1], le code de 2018 prend le soin de les catégoriser[2] en tenant compte par ailleurs des zones d’investissements et des montants investis. L’agriculture, l’agro-industrie, la santé, l’hôtellerie relèvent de la catégorie 1 tandis que les secteurs qui ne figurent pas dans la catégorie 1, les investissements dans le secteur de l’hôtellerie autres que ceux figurant dans la catégorie 1, les secteurs autres que ceux exclus du présent code constituent la catégorie 2. Au titre des secteurs exclus du bénéfice des avantages du code, les professions libérales rejoignent désormais la liste établie par l’ancien code[3].

  1. Avantages fiscaux accordés aux investisseurs

Le nouveau code renforce les avantages fiscaux en fonction des régimes légaux suivant lesquels les investissements sont réalisés.

Régime de déclaration

Ce régime s’applique aux investissements réalisés au titre de la création d’activités.  Les avantages accordés dans ce régime concernent exclusivement la phase d’exploitation. A ce titre,  sont concernés : l’agriculture, l’agro-industrie, la santé, l’hôtellerie qui relèvent des catégories 1 et 2. Les entreprises relevant du régime de la déclaration bénéficient des avantages fiscaux suivants :

Des exonérations fiscales allant de 50% à 75% sur une durée de cinq (5) à quinze (15) ans en fonction des zones d’investissements.

Ces exonérations fiscales se rapportent à l’impôt sur les bénéfices, y compris l’impôt minimum forfaitaire, la contribution des patentes et licences, la contribution à la charge des employeurs[4], l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières pour les dividendes versés aux actionnaires nationaux et l’impôt sur le patrimoine foncier[5].

Des crédits d’impôts déterminés en fonction pourcentage des montants investis. Au terme de la réalisation de leurs programmes d’investissements, les taux fixés par le nouveau code varient entre 25% et 50%.

Sont concernés par les crédits d’impôts, les impositions suivantes : la contribution des patentes et licences, l’impôt sur le patrimoine foncier, la taxe sur la valeur ajoutée, la contribution à la charge de l’employeur au titre des emplois locaux. Il convient de noter que ces crédits d’impôts sont imputables jusqu’à remboursement complet[6].

Régime d’agrément

Ce régime bénéficie désormais aux grandes entreprises, aux PME, aux grands centres commerciaux, aux activités de l’hôtellerie relevant de la catégorie 1 et 2 et aux projets structurants soumis chacun à des seuils d’investissement différents[7]. Il convient noter que les projets structurants constituent une nouvelle catégorie introduite par le code de 2018. Globalement, les seuils d’investissement varient entre 50 millions et 100 milliards de francs CFA hors TVA et hors fonds de roulement en fonction des zones d’investissements.

Les avantages accordés aux investissements réalisés suivant ce régime varient également en fonction de l’évolution des activités effectuées. Durant la phase d’implantation de l’investissement, les avantages accordés concernent précisément une exonération de droits de douanes, à l’exception de la redevance statistique et des prélèvements communautaires et continentaux et une suspension temporaire de la taxe sur la valeur ajoutée sur les acquisitions de biens, services et travaux. Il convient de rappeler que ces exonérations concernent une liste de matériels légalement définis. Ces avantages varient en outre en fonction des zones d’investissements. Aussi, lorsque l’investissement est effectué simultanément dans plusieurs zones, l’investisseur bénéficie, uniquement en matière d’impôt sur les bénéfices de l’avantage applicable à la zone dans laquelle l’investissement est le plus élevé. Durant la phase d’exploitation, l’investisseur agréé bénéficie des exonérations fiscales et de crédits d’impôts avec des pourcentages et des durées similaires au régime de la déclaration.

  1. Contenu local

Les investisseurs internationaux sont exhortés à s’appuyer sur les entreprises locales dans la conduite de leurs opérations afin de pouvoir bénéficier des facilités offertes par le nouveau dispositif juridique. L’objectif est bien entendu d’ouvrir des espaces d’opportunités aux PME et donner un caractère plus inclusif à la croissance économique ivoirienne.

Ainsi, les grandes entreprises étrangères éligibles aux avantages du nouveau Code, appartenant aux catégories 1 et 2, ont particulièrement droit à des crédits d’impôts à condition qu’elles appliquent une politique de contenu local portant sur la création d’emplois, l’ouverture du capital social aux nationaux et la sous-traitance.

Au titre de l’emploi local, un crédit d’impôt additionnel de 2% est accordé à l’investisseur étranger dont l’effectif de cadres et agents d’encadrement de nationalité ivoirienne représente 90% de l’effectif total de ces deux catégories d’employés[8]. Le même taux est appliqué aux entreprises qui sous-traitent à des entreprises nationales, la réalisation des biens destinés à être incorporé dans un produit final en Côte d’Ivoire comme à l’étranger ainsi que pour les entreprises qui ouvrent leur capital social aux nationaux[9]. Le décret d’application du 18 décembre 2018 identifie les conditions d’accès au crédit d’impôt. Les entreprises des secteurs de l’agriculture, de l’agro-industrie, de la santé et de l’hôtellerie ainsi que les entreprises relevant des autres secteurs d’activités à l’exclusion des entreprises secteurs du commerce et des professions libérales, des secteurs bancaires et financiers et du secteur du bâtiment à usage non-industriel. Aussi, ces entreprises doivent ouvrir au moins 15% de leur capital social aux nationaux ivoiriens.

  1. Autres avantages accordés aux investisseurs

Le nouveau code affirme expressément la disponibilité de l’État à prendre des mesures pour faciliter les formalités de réalisation des investissements. Il prévoit ainsi la création des zones industrielles aménagées, des terres agricoles et des zones d’intérêt touristique et en facilite l’accès aux investisseurs par différentes mesures incitatives[10]. Ces dispositions permettent d’orienter les entreprises intéressées dans leur choix d’investissement.

Outre ces avantages communs, le nouveau code prévoit la possibilité d’octroi des avantages supplémentaires aux projets structurants négociés dans le cadre des conventions d’État liant l’investisseur à l’Etat.

Tous ces avantages accordés par le nouveau code ne sont valables que si les investissements concernés sont réalisés dans une durée de 2 ans laquelle peut être prolongée pour un délai supplémentaire ne pouvant excéder 48 mois[11].

  1. 5. Obligations à la charge des investisseurs

            Les engagements des investisseurs relatifs aux droits de la personne, au droit du travail, à la responsabilité sociétale, à la protection de l’environnement, à la fiscalité et à la lutte contre la corruption ainsi que la lutte contre les activités illicites changent de teneur avec le nouveau code. Si les investisseurs étaient par le passé invités à contribuer à la promotion de ces différentes exigences, il existe désormais une obligation expresse de se conformer aux lois nationales y relatives et à défaut, les normes internationales applicables[12]. Outre ces normes contraignantes, les investisseurs sont invités à se doter de règles éthiques, d’un système de contrôle interne et externe et de procédures de travail.

En outre, le nouveau code met en place une obligation d’information au terme de laquelle l’investisseur est tenu de fournir à l’agence chargée de la promotion des investissements dans les dix jours à compter de la date de réception de la demande d’investissement toutes les informations et tous les documents légalement définis[13].

  1. Cadre institutionnel de promotion des investissements

Le nouveau code réaménage et consolide le cadre institutionnel des investissements. Il prévoit désormais une agence spécifique chargée de la promotion des investissements qui est l’interlocuteur principal des investisseurs qui mène ses missions en collaboration avec toutes les structures privées et publiques compétentes. Ce nouveau cadre institutionnel comporte en outre une plateforme collaborative afin de faciliter le traitement accéléré des dossiers d’investissement et un Comité d’agrément. Celui-ci prend les décisions d’agrément qui sont ensuite notifiées aux investisseurs par le directeur général de l’agence chargée de la promotion des investissements. L’organisation et le fonctionnement de ce Comité sont désormais fixés par le décret du 18 décembre 2018 y relatif.

  1. Règlement de différends

Outre le règlement de difficultés d’interprétation dévolues désormais au comité d’agrément en liaison avec les services techniques compétents qui y répond par avis, le nouveau code des investissements innove, en ce qu’il prévoit le recours au règlement de la Commission des Nations unies pour le Droit commercial international sur la conciliation en cas d’échec de règlement amiable. Ce choix légal n’est pas impératif en ce que la loi accepte que les parties recourent alternativement à l’arbitrage CCJA. Dans tous les cas, l’investisseur doit remettre à l’agence chargée de la promotion des investissements une lettre d’engagement portant sur les modalités de règlement de litige qu’il choisit. Cet engagement, précise le législateur, vaut renonciation au recours à tout autre centre d’arbitrage pour le règlement du litige qui l’oppose à l’État.

Globalement, le nouveau code des investissements renforce les avantages fiscaux en faveur des investisseurs, promeut le contenu local et propose un dispositif juridique transparent. Compte tenu de la stabilité économique de la Côte-d’Ivoire, des perspectives d’investissements sont réelles. Un environnement juridique attractif y est déjà disponible.

Tableau synoptique des principales évolutions législatives

Points saillants

CI 2012

CI 2018

Intérêts

Secteurs d’activités en cause

-Liste indicative des secteurs éligibles

-Liste limitative des secteurs exclus

-catégorisation des secteurs éligibles

– nouveau secteur exclu : professions libérales

Plus de prévisibilité dans l’application de la loi et l’orientation des investisseurs.

 

Avantages fiscaux

-Accordés suivant les régimes de déclaration/d’agrément et en fonction de zones d’investissements

 

 

Régime de déclaration

 

 

 

 

 

 

Régime d’agrément applicable en fonction de seuils et de zones d’investissements

Nouveau critère d’octroi des avantages : catégorie des entreprises éligibles

 

-réaménagement des incitations fiscales :exonérations et crédit d’impôt

 

 

-révision de modalités  d’accès au régime : seuils pratiqués suivant la taille des investissements, précision des montants relatifs aux seuils.

-Réaménagement régime des exonérations en fonction de la taille, de la catégorie, des seuils et des zones d’investissements

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lisibilité et attractivité du nouveau régime fiscal

 

 

 

 

 

 

Avantages non fiscaux

Mise en place mécanismes d’aides pour assister les entreprises qui subissent des dommages par des mouvements populaires.

 

 

-Suppression des disposions sur le mécanisme d’aide pour assister les entreprises qui subissent des dommages par des mouvements populaires

  – mise en place des nouvelles zones d’investissements avec un accès facilité aux investisseurs.

Responsabilisation des investisseurs dans leurs rapports avec les populations locales

 

 

 

 

 

Renforcement de la politique publique d’orientation  des investissements vers des secteurs jugés prioritaires

Obligations de l’investisseur

 Obligations généralement formulées de manière souple

Reformulation plus contraignante et mise en place d’une  nouvelle obligation d’information de l’investisseur au moment de la demande d’investissement.

 

Renforcement de la transparence dans la réalisation des investissements

Cadre institutionnel

Le cadre institutionnel était basé principalement sur l’Organisme national chargé de la promotion des Investissements.

 

-Agence de promotion des investissements

-nouveauté : création d’un comité d’agrément et d’une plateforme collaborative investisseurs- administration

 Facilitation de la mise en œuvre des opérations relatives aux investissements

Difficultés d’interprétation du code et règlement de différends

Présentation descriptive des modes de règlement de différends

 

-Préférence aux modes alternatifs de règlement de différend et notamment à l’arbitrage de la CCJA

-dévolution des difficultés d’interprétation à un organisme technique compétent

Réduction des difficultés d’interprétation de la loi et alignement aux modes alternatifs de règlement de différends adaptés au monde des affaires

 

 

[1] Voir article article 3 du code de 2012

[2][2] Article 5 du code de 2018

[3] Voir article 6 du code de 2018

[4] Il importe de relever que l’exonération qui s’applique à cette contribution concerne les employés nationaux. Elle n’inclue pas la taxe d’apprentissage et la taxe additionnelle à la formation professionnelle continue.

[5] Voir article 11 du code de 2018

[6] Ibidem

[7] Voir article 1 du code de 2018 pour les définitions.

[8] Voir article 21 du code de 2018

[9] Ibidem

[10] Voir article 35 du code de 2018

[11] Voir article 44 du code de 2018

[12] Voir article 36 du code de 2018

[13] Voir Article 37 du code de 2018

Partager.

Répondre