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Nouveau code pétrolier du Sénégal : Aperçu sur les innovations majeures

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Le Sénégal a adopté ce 24 janvier 2019 le projet de loi portant code pétrolier abrogeant et remplaçant la loi  N°98-05 du 8 janvier 1998. Il a également adopté à la même date la loi sur le contenu local dans le secteur des hydrocarbures. Ce nouveau code s’inscrit dans un contexte de réformes du cadre juridique des activités pétrolières au Sénégal avec des règlementations attendues notamment sur la gestion des revenus pétroliers.

Mouhamed Kebe,
Avocat, Managing Partner, GENI & KEBE
mhkebe@gsklaw.sn
www.gsklaw.sn

 

Mouhamed Kebe

Mouhamed KEBE
Avocat, Arbitre CCJA,
Membre de la Cour d’Arbitrage de la CCI
Managing Partner, GENI & KEBE

Ces réformes interviennent suite aux importantes découvertes pétrolières et gazières entre 2014 et 2016. Elles interviennent également alors que le pays s’achemine vers la phase de production aussi bien pour le pétrole que pour le gaz.

La présente étude décrit succinctement les principales évolutions du nouveau code pétrolier et dresse un tableau synoptique mettant en évidence l’évolution de la législation pétrolière de 1998 et celle de 2019.

Dispositions générales

Définition exhaustive des notions clés : Le code propose une liste exhaustive des termes faisant l’objet d’une définition légale. Cette évolution permet une meilleure lisibilité de la loi et par conséquent une application harmonisée. Ainsi, les titres miniers d’hydrocarbures, les différentes opérations pétrolières ou encore l’unitisation sont nouvellement définis.

Propriété des ressources et gestion de revenus pétroliers : Désormais, la propriété des ressources pétrolières appartient au peuple. Une telle disposition s’aligne sur les dispositions de l’article 25-1 de la Constitution qui reconnait au peuple et non à l’Etat la propriété de ces ressources.

En outre, le législateur pose le principe de la gestion des revenus pétroliers qui doit prendre en compte les intérêts des générations futures et des besoins socioéconomiques actuels. Une loi spécifique à la gestion des revenus pétroliers est prévue à cet effet.

Cadre institutionnel : Le législateur prévoit expressément le Ministère des hydrocarbures et la société pétrolière nationale respectivement comme organe gouvernemental de mise en œuvre de la politique d’hydrocarbures et institution de promotion du bassin sédimentaire national et par ailleurs représentant les intérêts de l’État dans le secteur des hydrocarbures.

Titres miniers d’hydrocarbures et autorisations

Nouvelle procédure d’attribution : Le code affirme que désormais l’attribution des titres miniers d’hydrocarbures se fait suivant une procédure d’appel d’offres ouverte exclusivement aux personnes morales. La priorité, précise le texte, est donnée à l’offre la mieux disante sur la base de critères techniques, financiers et socio-économiques. Seule une procédure d’appel d’offres infructueuse laisse la possibilité d’une attribution sur la base d’une consultation directe entre le Ministère en charge des hydrocarbures et l’entreprise intéressée.

petrole senegalaisNouvelle procédure de cession d’intérêt participatif : lorsque Le projet de cession est envisagé au sein d’un groupe contractant, il est soumis désormais à une simple déclaration préalable au Ministre en charge des hydrocarbures.

Consécration de l’unitisation : Lorsque les limites d’un gisement commercial se trouvent à cheval sur plusieurs autorisations d’exploration, les titulaires de ces autorisations doivent s’employer à mettre en œuvre un projet d’exploitation commune approuvé par l’Etat.

Réaménagement du régime des titres miniers d’hydrocarbures existants

Autorisation de prospection

Désormais, l’autorisation de prospection inclue des opérations de forage ne dépassant pas 200 mètres de profondeur. Aussi, le titulaire de l’autorisation est assujetti à une obligation d’information relative aux données et résultats de ses activités chaque 6 mois à l’État qui en acquière la propriété.

Autorisation d’exploration

Anciennement appelée permis de recherche, l’autorisation d’exploration est soumise à un nouveau régime. Le titulaire de l’autorisation est désormais tenu de souscrire à une garantie bancaire au profit de l’État pour couvrir ses engagements de travaux minimum. En cas d’inexécution totale ou partielle de ces engagements, l’État peut faire appel à la garantie et procéder au retrait du titre minier. Le nouveau mécanisme de garantie bancaire permet une meilleure efficacité des activités d’exploration pétrolière qui sont parfois sujettes à des spéculations et des retards d’exécution.

Il convient de noter que la durée de rétention en cas de découverte d’hydrocarbures non exploitable commercialement dans l’immédiat est désormais de 2 ans pour le pétrole et 5 ans pour le gaz.

Autorisation d’exploitation

L’activité d’exploitation demeure soumise au régime de l’exploitation provisoire ou de l’autorisation exclusive d’exploitation qui remplace l’ancien régime de concession.

Nouveaux délais d’exploitation

-Pour l’autorisation d’exploitation provisoire : En cas de découverte d’hydrocarbures pendant la période d’exploration, il devient possible d’exploiter à titre provisoire pendant une période maximale de 6 mois pendant laquelle le titulaire sera tenu de poursuivre les activités d’évaluation et de développement conformément à la loi. Il importe de signaler le raccourcissement de délai opéré par le législateur car la période initiale était fixée à 2 ans.

– Pour l’autorisation exclusive d’exploitation : Cette autorisation est désormais valable pour une durée maximale de 20 ans renouvelable une fois pour une période de 10 ans. Il convient de rappeler que l’ancien régime prévoyait une durée de 25 ans pouvant être prorogée de 10 ans et renouvelable une fois.

Nouvelles procédures de transport, de stockage et de liquéfaction

Les opérations de transport, stockage et liquéfaction dites de midstream sont désormais soumises à des autorisations spécifiques délivrées par le Ministre en charge des hydrocarbures et le cas échéant par arrêté conjoint avec le Ministre chargé des affaires maritimes.

Pouvant être attribuée à toute personne morale de droit sénégalais disposant des capacités techniques et financières, l’autorisation de transport confère le droit exclusif de transporter la production résultant des activités de production pour une durée fixée par arrêté ministériel. Il convient de noter que la construction d’une canalisation de transport est soumise à une autorisation préalable du Ministre en charge des hydrocarbures. Le régime de l’autorisation de  transport s’applique mutatis mutandis aux opérations de stockage et de liquéfaction.

Participation de l’État – Partage de production

Si l’ancien code renvoit l’évaluation de la participation de l’État au contrat de partage de production, le nouveau dispositif institue un régime légal de cette participation, ainsi structurée :  

– Au moins 10% en phase d’exploration et de développement portés par les autres co-titulaires du titre minier d’hydrocarbures

– Une option d’accroissement des actions jusqu’à 20% supplémentaires en phase de développement et de production ; les 10% ne sont pas portés par les autres co-titulaires du titre minier d’hydrocarbures.

Outre la participation ci-dessus décrite, l’État et le contractant partagent la production pétrolière suivant les modalités suivantes :

  • Cost Oil: Le contractant récupère les couts pétroliers investis de la production totale d’hydrocarbures nette de la redevance ad valorem. Ces couts sont ainsi plafonnés :
  • 55% pour les opérations pétrolières onshore
  • 60% pour les opérations pétrolières offshore peu profond
  • 65% pour les opérations pétrolières offshore profond
  • 70% pour les opérations pétrolières ultra profond
  • Profit Oil: Après déduction de la redevance ad valorem et récupération du Cost Oil, les modalités de partage de la production restante sont définies dans le contrat de partage de production entre l’État et le contractant suivant la méthode du facteur R (revenus cumulés/investissements cumulés). Suivant cette modalité, la part de l’État ne peut être inférieure à 40% ; les parts de l’État et du Contractant se feront ainsi :

Facteur ‘’R’’

Part de l’État

Part du contractant

R < 1

40%

60%

R ≥ 1 < 2

45%

55%

R ≥ 2 < 3

55%

45%

R ≥  3

60%

40%

Dispositions fiscales et douanières

Mise en place d’un bonus de signature et d’une taxe à l’exportation

Le titulaire d’un contrat pétrolier est désormais assujetti au paiement d’un bonus de signature non recouvrable dont les modalités sont fixées dans le contrat pétrolier. Celui-ci est soumis également à une taxe à l’exportation de 1% sur la production destinée à être exportée.

Augmentation de taux de redevances ad valorem 

Les taux sont fixés désormais comme suit :

  • Hydrocarbures liquides exploités onshore : 10%
  • Hydrocarbures liquides exploités offshore peu profond : 9%
  • Hydrocarbures liquides exploités offshore profond : 8%
  • Hydrocarbures liquides exploités offshore ultra profond : 7%
  • Hydrocarbures gazeux exploités onshore, offshore peu profond, offshore profond, offshore ultra profond : 6%

Nouveaux frais appliqués demandes des titres miniers, de renouvellement et d’extension des titres miniers

Toute demande, initiale, de renouvellement ou d’extension des titres miniers est soumise au paiement des frais dits d’instruction de 50 000 dollars non remboursables, non recouvrables au titre des coûts pétroliers et payables en un seul versement.

Nouveau régime légal des loyers superficiaires

Si l’ancien code pétrolier renvoie aux contrats pétroliers les modalités de mise en œuvre des loyers superficiaires, le nouveau dispositif établi un régime légal fixé comme suit :

Période initiale d’exploration

30 dollars US par km2 par an

Première période d’exploration

50 dollars US par km2 par an

Deuxième période d’exploration

75 dollars US par Km2 par an

Autres impôts applicables

Les titulaires de droits pétroliers demeurent soumis aux autres impôts applicables y compris l’impôt sur les sociétés et les taxes sur les plus-values des opérations de cession de titres miniers d’hydrocarbures conformément au Code général des impôts (CGI). Cette évolution est conforme à la l’état du droit positif qui a vocation à définir un régime fiscal commun logé dans le CGI.

Institution des dépenses sociales au profit des populations

Les titulaires de titres miniers d’hydrocarbures sont désormais assujettis à des dépenses sociales au profit des populations dont les modalités sont fixées dans le contrat pétrolier.

Réaménagement du régime des exonérations fiscales

Droits de douanes et Prélèvement du Conseil Sénégalais des chargeurs : Initialement applicable entre autres aux matériels, matériaux, fournitures, machines et équipements ainsi que les pièces de rechange et les produits et matières consommables ni produits, ni fabriqués au Sénégal, destinés de manière spécifique et définitive aux opérations d’exploration et dont l’importation est indispensable à la réalisation du programme d’exploration, l’exonération accordée au titulaire d’un contrat pétrolier s’étend désormais aux carburants alimentant les installations et les équipements relatifs aux opérations pétrolières. Cette exonération ne concerne toutefois pas la redevance statistique et les prélèvements communautaires.

Réaménagement du régime des relations financières extérieures

Le code soumet désormais les opérations pétrolières à la règlementation en vigueur en matière des relations financières extérieures sans reprendre l’ancienne possibilité d’obtenir des mesures dérogatoires du Ministre chargé de finances. Suivant ce nouveau régime, les titulaires de contrats pétroliers et leurs sous-traitants bénéficient des garanties relatives notamment au droit d’emprunter des fonds nécessaires à leurs activités pétrolières et au libre mouvement de fonds afférents aux paiements relatifs aux opérations courantes. Il convient de remarquer que le droit d’ouverture de comptes en devises au Sénégal est désormais strictement régi alors que le droit de payer directement les fournisseurs non domiciliés au Sénégal ainsi que la libre convertibilité entre la monnaie locale et les devises étrangères prévues par le code pétrolier de 1998 ne sont plus reprises expressément dans la nouvelle législation.

Contenu local

Le nouveau code va au-delà des préoccupations du législateur sur le contenu local inclues dans l’ancien code, en consacrant de nouvelles dispositions rendant obligatoires et selon des conditions précises, la participation du secteur privé national aux opérations pétrolières ainsi qu’à tous les contrats de construction, d’approvisionnement, de prestations de services portant sur les opérations pétrolières. Le nouveau texte inclue également une obligation de transfert de technologies aux entreprises sénégalaises et impose une obligation aux titulaires d’autorisation exclusive d’exploitation  d’affecter, en priorité, les produits de leur exploitation à la couverture des besoins de la consommation intérieure du pays.

En sus des dispositions ci-dessus, une loi portant exclusivement sur le contenu local dans le secteur des hydrocarbures règlemente de façon détaillée les obligations qui incombent aux titulaires de contrats pétroliers ainsi que les entreprises travaillant pour leur compte. Cette nouvelle loi institue Comité national de Suivi du Contenu local (CNSCL) chargé de coordonner l’élaboration du document de stratégie du contenu local qui définit les modalités d’exécution des orientations de l’Etat en la matière.

Droits humains, transparence et protection de l’environnement

Protection de l’environnement : Désormais, les obligations du titulaire du titre minier d’hydrocarbures sont renforcées avec notamment un renvoi exprès au code de l’environnement et l’imputation des couts relatifs à la protection de l’environnement à l’investisseur. Celui-ci reste spécifiquement tenu de constituer un cautionnement dans une institution financière pour la réhabilitation et la restauration des sites dans les conditions fixées dans le contrat pétrolier.

Droits humains : Les titulaires des titres miniers d’hydrocarbures sont dorénavant tenus de respecter les droits humains dans les zones affectées par les opérations pétrolières.

Désormais, la clause de stabilisation ne peut être invoquée si elle a été affectée par une modification de la réglementation en matière de sécurité des personnes, de protection de l’environnement, de contrôle des opérations pétrolières ou de droit du travail à moins que la modification ne soit pas conforme aux pratiques internationales ou qu’elle soit appliquée à un contractant de manière discriminatoire.

Transparence : Avec l’adhésion du Sénégal à l’ITIE et les nouvelles dispositions constitutionnelles sur la gestion transparente de l’exploitation pétrolière, les titulaires de titres miniers d’hydrocarbures doivent participer aux mécanismes de déclaration de paiements qu’ils effectuent à l’État y compris les réalisations sociales effectuées.

Règlement de différends

 Le code élargit désormais les mécanismes de règlement de différends relatifs au contrat pétrolier à de nouveaux mécanismes comme la médiation, la conciliation ou encore les bons offices ainsi qu’à l’arbitrage tel qu’il pourrait être convenu par les parties au contrat.

Dispositions transitoires

Titres miniers et contrats en cours : Ils ne sont pas soumis à la nouvelle législation notamment lorsqu’ils comportent des clauses de stabilité. Celles-ci excluent désormais toute aggravation ou tout assouplissement postérieurs du régime fiscal applicable. Toutefois, les titulaires de titres et contrats pétroliers peuvent choisir de se soumettre à la nouvelle législation dans un délai de 24 mois suivant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

 

Tableau synoptique des évolutions législatives des codes pétroliers de 1998 et 2019

Points saillants

Code pétrolier 1998

Code pétrolier 2019

Implications

Propriété des ressources

Les ressources appartiennent à l’État

Les ressources appartiennent au peuple.

Renforcement de droits des populations et nouveaux droits de recours corrélatifs

Titres miniers d’hydrocarbures

Procédure d’attribution: négociation directe

 

 

Titulaire : personne physique ou personne morale

 

 

Délais de l’exploitation pétrolière

-Exploitation provisoire : 2 ans

-Concession d’exploitation : 25 ans extensible à 10 ans renouvelable une fois

 

Principe : appel d’offres

Exception : négociation directe

Titulaire : personne morale exclusivement

 

Nouvelles procédures pour les activités de transport, stockage et liquéfaction.

 

 

 

-Exploitation provisoire : 6 mois

 

-Exploitation exclusive : 20 ans extensible à 10 ans supplémentaire

Cession d’intérêt participatif soumis à une déclaration préalable

 

 

 

 

 

 

 

Meilleur contrôle des activités midstream

 

 

 

 

 

 

 

 

Participation de l’Etat-Partage de production

Renvoi aux contrats pétroliers

Marges légales de la participation étatique 

-Au moins 10% en phase d’exploration et de développement portés par les autres co-titulaires du titre minier d’hydrocarbures

-Option d’accroissement des actions jusqu’à 20% supplémentaires en phase de développement et de production ; les 10% ne sont pas portés par les autres co-titulaires du titre minier d’hydrocarbures.

-Partage de production suivant le facteur R avec une part minimale de l’Etat de 40%

 

 

 

 

 

 

Optimisation des revenus de l’Etat

Relations financières extérieures

Droit applicable : Règlementation en vigueur au Sénégal et dérogation ministérielle

Garanties

 

 

Droit applicable : Règlementation en vigueur au Sénégal

Réaménagement du régime de garanties :

-Possibilité d’emprunts à l’étranger

-Libre mouvement de fonds afférents aux paiements relatifs aux opérations courantes

-Droit de transfert de sommes nécessaires à l’amortissement contractuel de dettes

-droit de transfert de produits sous réserve des nouvelles conditions légales

 

Dispositions fiscales et douanières

 

 

 

 

 

 

 

Gestion contractuelle des loyers superficiaires

-Nouvelles impositions (Bonus de signature et Taxe à l’exportation)

-renvoi au code général des impôts pour les autres impôts applicables

-Mise en œuvre d’un régime légal de loyers superficiaires et d’une taxe à l’exportation

-Augmentation des taux de la redevance ad valorem

Réaménagement du régime des exonérations

 

 

 

 

Rationalisation du régime fiscal et douanier

Contenu local

Dispositions non exhaustives

Nouvelles dispositions   

-l’implication des investisseurs locaux dans les activités pétrolières

-transfert de technologies

-approvisionnement prioritaire du marché local

 

Renforcement de l’impact économique national de l’exploitation des hydrocarbures

Droits humains, environnement et transparence

 

-Droits humains et Environnement (obligation de protection à la charge des titulaires de titres)

-Transparence (ITIE)

-clause de stabilisation peut être modifiée entre autres pour des exigences relatives aux droits humains et à  l’ l’environnement

Renforcement du respect de droits humains et des normes standards en matière de développement durable

Règlement de différends

-Juridictions nationales

-Arbitrage pour les différends contractuels

Nouveaux mécanismes envisageables dont médiation, conciliation, bons offices.

 

 

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