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Samba Bathily : Fondateur et PDG de Solektra International

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Article du dossier Energies renouvelables

« La Solektra Solar Academy a pour premier objectif
d’endiguer la crise énergétique que traverse l’Afrique »

 

Au Mali, un établissement inédit va ouvrir ses portes : l’Académie solaire de Bamako, la Solektra Solar Academy. Cet établissement fondé par l’entreprise privée Solektra International, avec le concours du chanteur américain Akon et du politicien Thione Niang, engagés dans l’électrification du continent aux côtés de Samba Bathily, Fondateur et PDG de Solektra International, sera entièrement consacré à la formation, en Afrique, dans les technologies du solaire. La Solektra Solar Academy formera annuellement quelque 200 ingénieurs, techniciens et ouvriers qualifiés et ouvre ses portes dès ce mois de janvier 2016. Son fondateur, le PDG de Solektra International, nous livre les contours de son projet.

 

AFRIMAG : Quel sens donnez-vous à l’inauguration, ce 15 décembre, au centre des technologies solaires de Bamako ?

Samba Bathily Fondateur et PDG de Solektra InternationalSamba Bathily : La Solektra Solar Academy a pour premier objectif d’endiguer la crise énergétique que traverse l’Afrique depuis plusieurs années maintenant. La feuille de route est claire : l’académie doit répondre aux enjeux propres au continent, tels que le développement de systèmes d’électrification décentralisée en milieu rural. Nous allons former des ouvriers qualifiés, des techniciens et des ingénieurs spécialistes du solaire, afin de créer la masse critique de compétences nécessaires pour améliorer- rapidement – l’accès à l’énergie en Afrique.

L’inauguration de la Solektra Solar Academy marque aussi une étape importante pour l’industrie du solaire en Afrique – car nous sommes convaincus que c’est le solaire qui nous sortira de l’obscurité. Nous allons développer un véritable pôle d’expertise. Ainsi, Patrice Dangang, Directeur de l’académie, va y installer un laboratoire de travaux pratiques sur l’énergie solaire respectant les meilleurs standards. Quant à notre partenaire allemand Lucas Nuelle, il nous a fourni des équipements de simulation de dernière génération. Enfin, nous discutons actuellement avec d’autres instituts, en Inde, aux Etats-Unis, en Afrique, pour mettre à la disposition des jeunes gens formés à l’académie les meilleurs supports possibles. 

Dans quelques années, la Solektra Solar Academy pourra aussi devenir une référence pour d’autres régions du monde présentant les mêmes caractéristiques – difficultés de raccordement aux réseaux principaux mais possibilité de tirer partie d’un fort ensoleillement. Enfin, je pense qu’avec la Solektra Solar Academy nous poursuivons avec mes partenaires, Akon et Thione Niang, notre vocation d’entrepreneurs sociaux – nous voulons créer un cercle vertueux et apporter, grâce à notre projet, une contribution économique plus large. Nous sommes en train de créer un avenir pour de nombreux jeunes, en les dotant d’une formation qui leur permettra de trouver du travail et de subvenir aux besoins de leurs familles. Ces profils nous permettront certes de mener à bien notre business plan – Solektra International visant une expansion dans dix nouveaux pays africains en 2016. Ils intéresseront aussi sans doute d’autres entreprises du secteur, ou des agences d’électrification rurale. Il y aura beaucoup à faire pour tous ceux qui auront l’énergie d’avancer.

Quels sont les objectifs et les moyens que vous assignez à ce centre des technologies solaires ?

La Solektra Solar Academy est d’abord destinée aux ouvriers, aux techniciens et aux ingénieurs souhaitant se spécialiser dans l’énergie solaire. Nous souhaitons proposer des modules allant de deux semaines à trois mois, avec pour objectif de former 200 jeunes par an. Nous allons aussi tester des modules spécifiques à destination de cadres d’entreprise et de fonctionnaires travaillant sur les questions d’électrification au sein d’organismes publics. L’idée est de leur proposer à eux des cours plus généraux, afin de sensibiliser davantage les décideurs privés et publics à cette opportunité incroyable que constitue le développement du solaire sur notre continent.

Pour ce qui est des moyens, nous avons une stratégie axée sur le développement de partenariats à l’international. C’est un point clé de notre développement, notamment en termes :

  • d’équipements – grâce à notre partenaire Lucas Nuelle
  • d’enseignement – des échanges sont actuellement en cours avec le Kafue Gorge Regional Training Centre (KGRTC) en Zambie
  • de recherche – des discussions sont en cours avec le Massachussets Institute of Technology
  • de développement de modules et de stages – grâce au soutien d’entreprises du réseau de Solektra International, qui nous ont aidés à monter le programme Akon Lighting Africa.[1]

Et comment est-il financé ?

Nous avons un budget de 2 millions de dollars pour financer la première année de fonctionnement de l’académie. Notre objectif, c’est d’investir sur nos fonds propres pour créer une première promotion de techniciens aptes à devenir formateurs sur le terrain. Par la suite, nous réfléchissons à un modèle diversifié, faisant appel aux financements d’organisations multilatérales africaines et étrangères ou aux contributions d’Etats ; des modules payants à la carte peuvent aussi être développés pour des sociétés souhaitant offrir une spécialisation à certains de leurs cadres. Notre objectif n’est pas de faire du profit mais simplement de couvrir les coûts de fonctionnement de la Solektra Solar Academy sur le long terme. 

Vous avez participé activement aux échanges organisés à Paris lors de la COP21. Comment accueillez-vous le lancement de l’African Renewable Energy Initiative (AREI) conçue par le groupe des négociateurs africains emmené par Seyni Nafo ?

C’est une excellente nouvelle à plusieurs niveaux. Tout d’abord, on a vu à cette occasion les Africains parler d’une seule voix et s’unir autour d’un objectif commun ; en soi, c’est un développement positif, la preuve que l’on peut avancer de manière cohérente. Il faut souligner le gros travail du groupe des négociateurs africains, et de son porte-parole Seyni Nafo, pour aligner et orienter les objectifs de chacun vers une même direction. Cette unité nous rend beaucoup plus forts face aux autres grandes régions du monde et nous met en meilleure position lorsqu’il s’agit de demander leurs concours, notamment financier. Tout est là en effet : la clef, c’est le financement. L’AREI a déjà obtenu 10 milliards d’euros, comme l’a annoncé M. Laurent Fabius, Président de la COP 21 ; c’est extrêmement encourageant. Sur le fond, l’AREI signifie que nous allons mettre en place une véritable économie verte sur tout le continent. Nous avons un potentiel remarquable; je le dis personnellement pour avoir beaucoup travaillé sur les énergies renouvelables, le solaire et l’hydraulique en particulier. Il faut faire fructifier ce potentiel. Avec les renouvelables nous allons favoriser un développement durable en Afrique – grâce à un transfert de technologies, de compétences et de bonnes pratiques. Je suis persuadé que nous pouvons devenir le moteur de la croissance mondiale dans un avenir relativement proche, ceci doit être notre ambition ; avec les renouvelables, c’est simple : nous nous donnons les moyens de cette ambition.

Solektra est de plus en plus impliqué dans des projets d’énergie solaire en Afrique. C’est le cas au Bénin où elle a en charge l’installation de 1500 lampadaires solaires et 2200 kits solaires, suite à un appel d’offres remporté il y a quelques mois et ciblant un total de 124 localités. Où en êtes-vous dans ce projet tant attendu par ces populations ?

Après la République de Guinée, le Bénin a été le second pays où nous avons pu déployer nos solutions à une grande échelle, grâce à cet appel d’offres qui s’est conclu de manière très positive. Les équipements sont en place et nous avons tenu nos délais. C’est pour nous une référence et le meilleur moyen pour tous ceux qui veulent travailler avec nous de juger sur pièce de la pertinence de notre approche et de notre valeur ajoutée : nous savons travailler avec les autorités locales, selon les spécifications et priorités qu’elles nous fixent ; nous livrons et installons rapidement des équipements de qualité ; et nous restons à l’écoute des populations qui sont consultées afin que les équipements et leur emplacement répondent au mieux à leurs besoins. Nous continuons à travailler avec les autorités béninoises sur d’autres projets.

Pouvez-vous nous parler des autres projets de Solektra dans la sous-région ?

Aujourd’hui Solektra International opère, via le programme Akon Lighting Africa, dans 15 pays sur le continent, dont 8 se trouvent dans la sous-région Afrique de l’ouest – Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, République de Guinée, Sierra Leone, Benin et Niger. Parmi les opérations récentes, nous avons finalisé au Niger un projet de 950 lampadaires solaires, en cours d’installation et qui seront opérationnels en janvier. Nous travaillons également à des projets combinés  » eau/solaire », pour utiliser l’énergie solaire afin d’alimenter de châteaux d’eau ; nous avons des projets de ce type en place au Mali, près de Bamako. Nous réfléchissons aussi avec certains partenaires à aller au-delà de la fourniture d’électricité en proposant des appareils susceptibles de changer au quotidien la vie des populations. En Côte d’Ivoire et au Bénin, notre objectif est de lancer des classes numériques («smart schools») avec des tablettes et tableaux fonctionnant avec une électricité d’origine solaire.

La vocation de Solektra international est panafricaine – et pour 2016 nous envisageons de nous déployer dans dix nouveaux pays, Afrique du Sud, Angola, Mozambique, Tanzanie, Togo, Tchad, République démocratique du Congo, Rwanda, Ouganda, et Botswana. La sous-région Afrique de l’ouest reste cependant extrêmement stratégique : elle est le premier terrain d’expérimentation de nos solutions, et sera sans doute le premier débouché pour les jeunes que nous formerons à Bamako. A l’occasion de l’inauguration de la Solektra Solar Academy, nous avons en effet pu dévoiler une partie des discussions en cours avec le Centre pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique de la CEDEAO (ECREEE) dont le Directeur, M.Mahamah Kappiah, nous a fait l’honneur de répondre à notre invitation. Il s’agit de développer sur le territoire de chacun des Etats des micro-réseaux solaires en milieu rural, chacun de ces «microgrids» créant des emplois. Nous sommes en train de créer un écosystème performant autour des technologies solaires. C’est l’un de nos axes stratégiques principaux en 2016.

Aujourd’hui, entre les engagements de la planète pour l’environnement et le défi des pays africains de satisfaire leurs besoins en électricité, quelles sont les solutions que propose Solektra ?

Solektra international travaille principalement à équiper des villages africains dans les zones rurales et non raccordées au réseau, en leur offrant un accès à une énergie propre et abordable, grâce notamment à des lampadaires, des kits solaires domestiques, des micro-réseaux prépayés, et des stations de recharge. Ceci concerne les produits.

Je dirai que la «solution» la plus innovante concerne l’accès à ces produits, en un mot, le mécanisme de préfinancement que nous proposons aux autorités qui veulent travailler avec nous. Un Etat africain ne peut pas toujours financer de très gros projets d’un coup, mails il peut le faire en plusieurs fois. Dès lors, on peut imaginer de mettre en place un préfinancement, progressivement remboursé. C’est possible, notamment en combinant différentes sources de financements, des prêts, des mécanismes des lignes de crédit à l’export ou de crédits fournisseurs. Ces crédits peuvent être utilisés pour l’installation immédiate des équipements, et les Etats conviennent ensuite d’un échéancier de remboursements correspondant à leur moyens.

Avec plus de 621 millions d’Africains qui n’ont pas accès à l’électricité, c’est la moitié des habitants du continent qui est privée de ce bien indispensable au Développement du continent. Peut-on dire que la solution est dans les énergies renouvelables comme le solaire ?

Sur le principe, la réponse est évidente – les renouvelables sont la solution d’avenir, car on a pu constater depuis plusieurs décennies les limites des autres énergies. Sur le plan sanitaire, le recours à certains combustibles solides pour de usages domestiques est une catastrophe -les pollutions engendrées causent la mort de près de 3,5 millions d’africains chaque année. Sur le plan économique et social, on constate que le développement des hydrocarbures a pu entrainer des écarts de développements entre régions côtières et campagnes dans certains pays.

Sur le plan économique, il faut noter que, de manière générale, les énergies renouvelables sont devenues rentables. C’est particulièrement vrai pour le solaire. En quelques années, depuis 2011 on est passé de 5 dollars le watt solaire à moins d’un dollar. Or nous, en Afrique, il est bien certain que nous ne manquerons jamais de soleil ; c’est donc logique de se tourner en priorité vers cette solution qui est abondante, bon marché, et qui peut être installée de manière décentralisée, en milieu rural. C’est la clef chez nous, puisque la très grande majorité des populations africaines se trouvent hors de villes du continent. C’est en milieu rural que nous devons faire la différence.

Nombreux sont les projets ambitieux d’électrifier le continent africain. Outre le vôtre à travers « Akon lighting Africa », il y a « Énergies pour l’Afrique » de Jean-Louis Borloo et « Obama’s Power Africa Project ». Pourquoi ne pas conjuguer vos efforts ?

Ce qui est positif en fait c’est de voir qu’il y a tant de projets en place ! Maintenant il ne fait aucun doute que l’électrification de l’Afrique est une priorité de l’agenda politique et économique mondial. Solektra International est en discussion avec de très nombreux acteurs – ceux que vous citez, mais aussi l’AREI, le groupe des leaders africains pour l’énergie (African Energy Leaders Group) lancé par Sustainable Energy 4 All, l’initiative des Nations Unies pour l’Energie, ou encore ElectriFI (EU Electrification Financing Initiative) un autre projet de la Commission européenne. Nous cherchons à apporter notre expertise et notre connaissance de terrain à tous ceux qui le souhaitent. Ces initiatives peuvent sembler dispersées mais des points de convergence se dégagent : toutes ont un grand focus sur les énergies renouvelables et se concentrent de plus en plus sur les problématiques de financement. On verra de grandes lignes de forces se dégager rapidement pour avancer de manière commune, je suis confiant là-dessus. w

Entretien réalisé par A. D. Tandia

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