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L’Afrique doit se préparer aux dispositions européennes sur les enjeux ESG pour en faire des leviers de développement du continent [Par Pierre-Samuel Guedj]

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L’Europe vit une période de mutations normatives sur les enjeux ESG sans précédent qui ne doit pas freiner les pays africains dans leur développement économique, social et humain.  

Le règlement Déforestation demande aux acteurs économiques d’assurer une traçabilité des zones de production par photo-satellite.

Par Pierre-Samuel Guedj
Président d’Affectio Mutandi & de la Commission RSE&ODD du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN)

La loi française sur le Devoir de vigilance oblige depuis quelques années à une maitrise des risques ESG dans nos chaînes de valeur, chez tous nos fournisseurs et les fournisseurs de nos partenaires, jusqu’à la mine ou le champ agricole et partout dans le monde.

Le règlement Déforestation demande aux acteurs économiques d’assurer une traçabilité des zones de production par photo-satellite.

Il revient également aux entreprises de garantir leur conformité en matière respect des réglementations et de lutte contre le travail forcé, au regard notamment du dernier règlement sur le sujet, aussi appelé «Règlement Ouighours.»

Un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne est en train de se mettre en place, contraignant les acteurs économiques à établir leur Bilan carbone, comme dans le cadre de la note 35 du SYSCOHADA, mais surtout à calculer le Poids carbone de chaque produit entrant dans l’Union européenne. Les premières évaluations des coûts font état de 8 à 10% d’augmentation des prix ! Sachant que la compensation n’exonère pas de la fiscalité, l’heure est à la réduction des émissions pour rester compétitif…

Enfin, la Directive européenne sur le Devoir de vigilance en discussion actuellement concernera 17 000 multinationales, dont 13 000 européennes, certaines opérant sur le continent africain, mais également 4 000 non-européennes dont des africaines, des chinoises, des indiennes, des américaines… Les risques financiers, juridiques et réputationnels sont accrus au regard de ces nouvelles dispositions qui prévoient par ailleurs la mise en place d’autorités de contrôles nationales.

Les défis qui se posent à l’Afrique

Quels défis pour le continent africain au regard des évolutions majeures qui impactent les relations économiques intercontinentales et leur bon développement ? Parce qu’il s’agit, au moment ou l’Europe soutient l’Afrique dans le développement de ses chaines de valeur durable, de s’assurer que le continent ne décrochera pas et ne se laissera pas distancer par ces nouvelles dispositions.

Aussi faut-il réfléchir à un cadre juridique adapté aux réalités africaines sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance, notamment dans l’Ohada mais également au niveau de la Zlecaf.

De la même manière, pour garantir la bonne application de ces nouveaux textes, le personnel des administrations des différentes organisations et pays doit être renforcé, comme leurs capacités, au regard de ces mutations. Une RSE adaptée aux spécificités des entreprises africaines doit également être envisagée, parce que le niveau d’exigence ne peut être équivalent entre les deux continents. Avant de penser développement durable et redistribution de richesses, il faut penser développement en priorité. Le grand enjeu du continent n’est-il pas celui de nourrir donc de donner du travail à 2,5 milliards de personnes d’ici 2050 ?

Ceci dit, ces contraintes sont aussi autant d’opportunités de développer la confiance entre les deux continents. Pour attirer les Investissements directs étrangers (IDE), répondre aux attentes de la Banque mondiale et des bailleurs de fonds publics et privés, tant dans le développement des infrastructures que dans le financement des tissus économiques de PMEs africaines, autour notamment du principe de chaines de valeur durables. Pour rassurer les acteurs économiques européens au regard de leurs risques. Ou encore pour pouvoir commercialiser des produits et services dans la zone Euro.

Parmi les différentes étapes de développement de cette confiance, retenons déjà l’idée de rendre public la note 35 du SYSCOHADA qui pose la première étape du reporting extra-financier dans l’OHADA. La publicité de cette note ne peut avoir qu’un effet stimulant sur les différents acteurs économiques, une saine émulation à impacts qui plus est facteur de compétitivité, de conformité et d’attractivité.

Autre acte d’importance, la formation des PMEs africaines à la prise en compte de la vigilance ESG, notamment, mais pas que, celles ayant des relations économiques avec les acteurs européens, pour qu’elles demeurent leurs partenaires, mais qu’elles puissent également accéder au marché européen et aux financements bancaires portés notamment par le Green Deal de l’Union européenne. C’est un vaste chantier sur lequel les entreprises européennes sont prêtes à accompagner leurs partenaires !

En pleine cohérence avec le renforcement des capacités, il s’agit de travailler sur la reconnaissance, par la certification, de la bonne intégration de ces exigences ESG et d’impacts RSE sur le continent, et encourager le label Positive Impact Africa annoncé à l’ONU il y quelques semaines.

Parmi les leviers utiles, notons également le développement des stratégie nationales de Responsabilité Sociétale des Entreprises, tel qu’au Gabon, avec un cadre réglementaire minimale et divers dispositifs incitatifs tel que l’accès à la commande publique, une fiscalité favorable aux acteurs engagés travaillant à mesurer l’impact réel de leur impact ou encore des trophées saluant les initiatives à impact comme au Togo.

Tout ceci devrait permettre notamment d’accélérer le NearShoring actuel, cette relocalisation d’activités européennes de l’Asie vers l’Afrique, dans une recherche de proximité, de limitation des émissions de gaz à effet de serre et de développement des chaines de valeur durables sur le continent.

 

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