- Depuis la crise financière de 2008, les rumeurs vont bon train quant aux éventuels retraits d’Afrique des groupes bancaires français qui ont déjà perdu de leur emprise au sud du Sahara au cours de ces dernières années
- Mais auprès des porte-drapeaux de l’Hexagone dans le secteur bancaire en Afrique, on préfère parler de réorganisation stratégique. Qu’en est-il au juste ?
Que n’a-t-on pas dit ces dernières années sur les groupes bancaires français en Afrique ? Ce que l’on entend le plus souvent est que les trois porte-drapeaux de l’Hexagone dans le secteur bancaire en Afrique, notamment BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole se désengagent peu à peu. Il faut dire que depuis la crise financière de 2008, on s’attend dans les milieux bancaires africains à ce que ces établissements français, acteurs historiques en Afrique, qui jusque-là dominaient le financement du commerce intra-régional, cèdent du terrain aux banques locales. Toujours est-il qu’aujourd’hui, les banques françaises ont déjà perdu de leur emprise au sud du Sahara au cours de ces dernières années. Mais peut-on dire qu’elles se sont désengagées du continent ?
Auprès des groupes, on préfère parler de réorganisation stratégique. Celle-ci consiste notamment à se renforcer sur les principaux marchés – Côte d’Ivoire, Sénégal, Cameroun – et à concentrer les efforts sur les activités les plus rentables. C’est le cas du groupe BNP Paribas dont les rumeurs quant à son éventuel retrait d’Afrique ont beaucoup circulé ces dernières années. Il faut dire que les actes posés par BNP Paribas sur le terrain au cours de ces dix dernières années renforcent ces suspicions. Durant cette période, le groupe bancaire français s’est tour à tour séparé de ses filiales au Niger, au Togo, en Mauritanie et à Madagascar. Acquéreur de Fortis en 2009, BNP Paribas ne cherche pas à conserver les actifs africains du groupe belge, notamment la Belgolaise, l’une des toutes premières banques de RD Congo. En 2012, elle revendait également sa filiale égyptienne à Emirates NBD.
Mais récemment et comme pour faire taire définitivement les rumeurs, BNP Paribas a réorganisé ses équipes en charge du continent africain. Basée à Paris, une quarantaine de personnes, dirigées par Philippe Tartelin, directeur Afrique pour la partie banque de détail, a la charge des activités des dix filiales du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie) et de l’Afrique subsaharienne (Burkina Faso, Comores, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Mali et Sénégal). Les ressources humaines pour l’Afrique seront aussi gérées au sein de ce nouveau département dans lequel Jean-François Fichaux reste responsable des filiales subsahariennes. A noter que la branche commerciale de BNP Paribas en Afrique du Sud, n’est pas concernée par cette réorganisation.
Autre signal fort posé par BNP : il a sans tambour ni trompette acquis les quelque 4 % détenus par la Banque européenne d’investissement (BEI) ainsi que la plus grande partie des 8 % détenus par Proparco, qui ne conserve désormais qu’une participation ultra-minoritaire. Elle devrait bientôt reprendre aussi les 8,64 % de l’Allemand DEG, dont la cession est en cours de finalisation. Ainsi, il ne reste plus que l’accord de la Banque centrale qui ne saurait tarder. Aujourd’hui, le Gabon est le seul pays où le groupe bancaire français n’est pas encore seul aux commandes.
Un autre groupe bancaire français, en l’occurrence Crédit agricole, a renforcé ces dernières années les rumeurs sur les velléités de désengagement des banques françaises en Afrique. Ce dernier avait cédé en 2010 à Attijariwafa Bank, cinq de ses filiales subsahariennes (Congo, Côte d’Ivoire, Cameroun, Gabon et Sénégal) avant de se désengager de sa filiale sud-africaine, en 2012. De nombreux analystes soupçonnent Crédit agricole qui s’est recentré depuis quatre ans sur la banque de détail en Europe et dans le Bassin méditerranéen, de vouloir également quitter l’Algérie et la Tunisie.
Exception à cette tendance : Société Générale nourrit des ambitions d’expansion au sud du Sahara. Le groupe bancaire, qui a présenté à Casablanca à ses investisseurs son nouveau plan stratégique le 13 mai 2014, ambitionne d’accroître sa croissance d’ici deux ans en renforçant notamment ses activités en Afrique. Dans ses perspectives d’évolution, Société générale table sur le développement de ses activités à l’international, particulièrement en Afrique, un marché en plein essor, selon son P-DG Frédéric Oudéa. «En Afrique, nous comptons accélérer la croissance sur tous les segments, en capitalisant sur notre place au sein des 3 premiers groupes bancaires de la zone pour viser une croissance annuelle des revenus de 7% » avait-t-il indiqué dans un communiqué. Dans un contexte de concurrence accrue sur le continent, le groupe bancaire entend y consolider ses parts de marchés dans tous les segments de clientèle (particuliers, professionnels, entreprises) et de valider son leadership. Pour ce faire, il compte développer le secteur de la banque de détail, le principal domaine d’expertise de la Société Générale. «Dans les activités de Banque de détail, nous concentrerons notre développement en Europe et en Afrique où nous bénéficions d’une présence historique, d’une connaissance approfondie des marchés et de positions de premier plan», rappelle Frédéric Oudéa.
Cela étant, Le continent africain génère plus d’1 milliard d’euros de produit net bancaire pour le groupe Société Générale. Installées dans 16 pays du continent, avec près de 4 millions de clients, les filiales du groupe affichent une rentabilité récursive. Avec des parts de marché parfois supérieures à 20% (Sénégal, Cameroun, Côte d’Ivoire), Société Générale est l’une des plus grandes banques du continent africain. En effet, la filiale camerounaise est la 1re banque au Cameroun, élue meilleure banque du pays en 2011 et 2012. Idem au Sénégal et en Côte d’Ivoire en matière de financement. En Algérie, elle est le numéro 1 à capitaux privés. Au Maroc, elle est le 1er groupe financier privé ayant un actionnaire de référence internationale. Khalid Chami, président du Directoire de la filiale marocaine confirmait d’ailleurs, lors d’une conférence de presse en novembre dernier, la position du groupe en Afrique. « Notre capacité à accompagner les pays même en situation difficile et à ne jamais renoncer même quand les autres lâchent, a fait de nous un leader en Afrique ».