Ce 17 mars 2017, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a enregistré son premier échec cuisant avec le rejet de son projet d’amendements constitutionnels par 33 sénateurs sur 56.
Pourtant, une semaine auparavant, l’Assemblée nationale avait approuvé à une large majorité (121 députés sur 147) ces changements constitutionnels qui touchent, entre autres, la suppression du Sénat, la création de Conseils régionaux, la proposition d’un nouveau drapeau et d’un nouvel hymne national.
Cette course à la succession mais aussi les dérives d’un pouvoir de plus en plus fermé sur lui-même, expliquent l’état de fébrilité actuel du régime. La majorité se fissure et le « non » des sénateurs aux amendements constitutionnels n’est peut-être que le début d’une situation de fin de règne difficile, même si le président Aziz tente de rassurer en disant qu’il restera dans le pays, après 2019, et qu’il continuera à faire de la politique en soutenant un candidat, «comme tout mauritanien ordinaire».
Un référendum qui divise
Après avoir choisi la voie du congrès parlementaire, « moins coûteux » que le référendum, le président mauritanien est obligé d’aller vers la consultation populaire pour faire passer des amendements devenus une question de vie ou de mort. Mais des constitutionnalistes jugent sa démarche (le recours à l’article 38 de la constitution et non aux articles 99, 100, 101 consacrés à cette question) comme un « Coup d’Etat contre la démocratie comme celui de 2008. Aziz qui dit avoir consulté des constitutionnalistes « non politiques » est pourtant sûr de son fait : l’article 38 lui donne le droit de consulter le peuple « sur toute question d’intérêt national » et il « n’acceptera pas que 33 sénateurs fassent arrêter ces réformes parce qu’ils tiennent à leurs postes », a-t-il dit lors de la conférence de presse annonçant ses choix après le vote sanction à la Chambre haute du Parlement mauritanien.
Même s’il tente de minimiser la portée de ces divisions au sein de sa majorité, le président Aziz qui a gouverné avec les mêmes sénateurs durant une décennie, doit savoir que rien ne sera plus comme avant ce 17 mars où son autorité a été écorchée. « L’Etat, c’est moi » qu’il n’a cessé de répéter, lors de son entretien avec une dizaine de journalistes mauritaniens) est perçu comme une volonté de reprendre vite la main. Dans la foulée, il a annoncé le référendum et son financement à hauteur de 6 milliards d’ouguiyas (environ 16 millions d’euros). Il a même fermé la porte à toute contestation ou saisine du conseil constitutionnel en déclarant que la question ne concerne pas ce dernier !
Cette interprétation très personnelle de l’article 38 de la Constitution est pourtant le nœud gordien de la nouvelle crise politique en Mauritanie. Le Parlement est le passage obligé de tout amendement constitutionnel, qu’il s’agisse du congrès ou du référendum, et, au sein du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) comme du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), des voix s’élèvent pour appeler à faire barrage à la nouvelle forfaiture d’un pouvoir finissant. Cette opposition pourrait compter par « l’opposition » au sein de la majorité mais surtout sur une jeunesse mauritanienne révoltée par le retour pernicieux du Système (tribus, argent et pouvoirs) qui avait permis à Taya de régner sans partage de 1984 à 2005.
La crise économique persistante, qui pousse le gouvernement à faire preuve d’ingéniosité, chaque année, en augmentant ou en trouvant de nouveaux impôts, sera aussi un élément déterminant du rapport de force qui s’instaure à la veille de ce que l’on pourrait déjà appeler la « bataille des amendements constitutionnels » en Mauritanie.