Le comité de transition a nommé l’ancien ministre des Affaires étrangères comme président par intérim après l’interlude militaire qui a suivi le départ le 31 octobre de Blaise Compaoré. Mais, cet ancien diplomate reste un parfait inconnu pour beaucoup de ses concitoyens. Portrait d’un « réac » devenu l’héritier présomptif de la Révolution burkinabè.
Prenant au sérieux les menaces de mise au banc des nations de la communauté internationale, le lieutenant-colonel Isaac Zida a remis le pouvoir à Michel Kafando, nommé nouveau président par intérim du pays et qui a été confirmé par le Conseil constitutionnel. L’armée devrait garder son influence au sein du gouvernement. C’est elle qui a proposé la candidature de Kafando. Quant à Zida, sorti par la grande porte, il revient au pouvoir par la fenêtre… L’ex-homme fort du pays qui a pris les rênes après l’éviction de Compaoré devient le Premier ministre, militaire, du président, civil, Michel Kafando.
La démocratie est toutefois sauve : le pays ne sera pas suspendu par les instances internationales et boudé par les bailleurs de fonds. La présidente de la Commission de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, s’est réjouie du rétablissement de la Constitution, a salué la maturité politique des acteurs et accueilli avec satisfaction la désignation d’une personnalité civile. Alors qui va vraiment diriger le Burkina durant cette année de transition ? Le président ou bien le Premier ministre ? C’est la question que posent les Burkinabè pour nombreux d’entre eux l’ancien diplomate reste un parfait inconnu. Qui est Michel Kafando ? Il faut dire que ce 17 novembre 2014, ses concitoyens se sont réveillés au petit matin avec un nouveau président sur le parvis du palais Kossyam. Un nouveau visage aussi, inconnu du grand public, surtout de cette jeunesse urbaine insurgée qui a balayé en un tournemain le régime quasi-trentenaire de Blaise Compaoré. Ce diplomate à la carrure de boxeur a finalement été préféré à Chérif Sy, directeur de publication de l’hebdomadaire Bendré, et Joséphine Ouédraogo, passée tour à tour par la Commission économique (des Nations unies) pour l’Afrique (CEA) et l’ONG bien connue sur la place de Dakar, Enda-Tiers-Monde. En ces lendemains de révolution, cette grande dame au maintien strict, ancienne ministre et égérie de Thomas Sankara, aurait pourtant pu se glisser avec une certaine harmonie dans la fonction. Un « collège de désignation » de 23 membres (de fait, sa composante militaire, cléricale et coutumière, nettement plus conservatrice) en a décidé autrement. Avec la discrète approbation d’Addis-Abeba, Abuja, Paris et Washington, qui entendent préserver ce pays sahélien, base des forces spéciales françaises et américaines, de toute aventure…
Apprécié donc des chancelleries, le nouveau chef de l’Etat est un diplomate chevronné qui menait depuis trois ans une retraite paisible. Loin des bagarres politiques, il s’était reconverti dans l’élevage de volailles, dans la banlieue de Ouagadougou. Né le 18 août 1942 dans la capitale burkinabé, Kafando a fait ses études au Collège de la Salle où il a décroché son bac avant de poursuivre ses études en droit public et sciences politiques à Dakar, Bordeaux puis Paris.
Le nouveau président a rejoint le ministère des Affaires étrangères au début des années 1970. Il y gravira rapidement les échelons occupant plusieurs postes de direction et de conseiller. Nommé ambassadeur de la Haute-Volta (l’ancien nom du pays) en 1981 auprès des Nations Unies, il deviendra ministre des Affaires étrangères un an plus tard mais sortira du gouvernement après la révolution de 1983. L’homme retourne sur les bancs de la fac à l’université de la Sorbonne à Paris. Il y obtient un doctorat en sciences politiques en 1990 après avoir soutenu une thèse sur « Les Etats du Conseil de l’entente (Ndlr : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Niger, Togo) et les pays de l’Est : de l’hostilité idéologique à l’ouverture diplomatique ». En 1998, il retrouve le poste d’ambassadeur du Burkina auprès des Nations Unies et assure la présidence du Conseil de sécurité pendant un an avant de prendre sa retraite en 2011.
Conscient de l’importance de sa tâche, le président a promis de continuer à « bâtir une nouvelle société, réellement démocratique où la justice sociale, la tolérance et l’union des cœurs seront les principaux référentiels ». Certes, le diplomate à la retraite passionné, à ses heures, d’aviculture n’a jamais ménagé, ces derniers temps, ses critiques contre la corruption ambiante. C’est (à peu près) tout. De l’avis même de ses laudateurs comme de ses dépréciateurs, Michel Kafando est un conservateur « canal historique », « un réac ».
Sorti opportunément de sa retraite à 72 ans, devenu par le choix majoritaire du « collège de désignation » une béquille de la République et le pompier de la Révolution, Michel Kafando a juste un an pour répondre à l’émiettement social, continuer de nourrir le souffle de « l’harmattan démocratique » balayant le pays depuis plusieurs semaines. Il devra également veiller à l’équilibre des comptes de l’Etat et organiser des élections présidentielles et législatives auxquelles il lui est strictement interdit à lui, au Premier ministre tout comme aux membres du gouvernement de transition et au président du Conseil national de transition (l’organe législatif provisoire), de se présenter. A la fin de 2015, il pourra retrouver la quiétude et le bonheur simple de sa petite ferme avicole, à condition de passer avec succès l’épreuve à laquelle il vient de s’atteler.
[box type= »shadow » ]Bio-express :
- Né le 18 août 1942 à Ouagadougou
- Baccalauréat au Collège Jean-Baptiste de la Salle à Ouagadougou
- Maîtrise en Droit, diplôme d’études supérieures en science politique à l’Université de Dakar
- Licence en droit public de l’Université de Bordeaux en 1969
- Diplôme en sciences politiques en 1972 à Paris
- Doctorat en science politique de la Sorbonne en 1990
- Représentant de la Haute-Volta (l’ancien nom du Burkina Faso) auprès de l’ONU de 1981 à 1982
- Ministre des Affaires étrangères de 1982 à 1983
- Représentant du Burkina Faso auprès de l’ONU de 1998 à 2011
- Président de transition du Burkina Faso le 17 novembre 2014