Après une année 2023 marquée par un recul de 46 % des fonds levés par rapport à 2022 et un retrait significatif des investisseurs, l’écosystème tech africain montre des signes de résilience en 2024. C’est ce qu’indique le huitième rapport annuel de Partech Africa, branche du VC français dédiée au continent, soulignant que les startups africaines ont levé 3,1 milliards d’euros l’an dernier. Si les levées en equity sont restées stables à 2,1 milliards d’euros, le nombre d’opérations a également enregistré une légère baisse de 3 % pour les fonds propres, tandis que les levées en dette ont progressé de 4 %. Malgré une baisse de 7 % en volume global, l’écosystème tech africain parvient à résister dans un contexte international de ralentissement des investissements. Les détails.
Dossier réalisé par Miché Daré et Drissa Traoré
Les startups africaines ont levé 3,2 milliards de dollars en equity et en dette en 2024, un montant en baisse de 7% par rapport à 2023. Ce recul est détaillé dans un rapport publié le 23 janvier par le fonds de capital-risque Partech Africa, intitulé «Africa Tech Venture Capital 2024.» Bien que la baisse soit notable, l’écosystème tech africain reste globalement solide, avec des évolutions intéressantes au sein des différents secteurs et pays du continent.
Stabilité en equity, chute en dette
Selon le rapport, les financements en equity (ou financement par actions) sont restés stables, atteignant 2,2 milliards de dollars, un chiffre identique à celui de 2023. Cependant, les financements en dette ont connu une chute importante de 17%, tombant à 1 milliard de dollars US. Cette baisse peut être attribuée à l’augmentation des taux d’intérêt mondiaux et à l’appréciation du dollar américain par rapport aux monnaies africaines. La pression sur les devises locales a, en effet, rendu plus coûteux le remboursement des emprunts libellés en dollars, augmentant ainsi les charges pour les startups africaines.
Une dette toujours présente dans le financement des startups. Malgré cette baisse, la dette représente encore 31% des financements totaux mobilisés par les startups africaines. Cette proportion témoigne de l’importance persistante de la dette dans le financement des jeunes pousses, bien que le recours à cet outil financier semble s’être contracté en 2024.
Une légère baisse des transactions
L’activité dans l’écosystème tech africain a montré une relative stabilité, avec 457 transactions en equity, marquant une diminution de 3% par rapport à 2023, d’une part. D’autre part, le nombre de transactions en dette a augmenté de 4%, atteignant 77 opérations. Ces chiffres montrent une dynamique de financement moins intense mais toujours active.
Evolution de la taille des tickets : une tendance à la baisse
Concernant la taille des investissements, une tendance à la baisse a été observée dans la plupart des phases de financement, notamment dans les séries A (-18%) et B (-27%). En revanche, la phase Seed a enregistré une nette progression avec une augmentation de 26% de la taille moyenne des tickets. Cette évolution pourrait signaler un intérêt croissant pour les jeunes startups et des financements plus ciblés dans les premières étapes de leur développement.
Mégadeals : une dynamique positive
Les mégadeals, ces transactions d’un montant supérieur à 100 millions de dollars, ont connu une forte augmentation en 2024. Le nombre de mégadeals a progressé de 43% par rapport à l’année précédente, tandis que la valeur totale des transactions a crû de 57%. Au total, sept mégadeals ont été enregistrés, dont trois en dette et quatre en equity, pour un montant total de 1,1 milliard de dollars.
Les «Big Four» continuent de dominer
En termes de répartition géographique, le Nigeria reste le leader incontesté des levées de fonds en equity en Afrique, avec 520 millions de dollars US levés en 2024. Il est suivi de l’Afrique du Sud (459 millions), de l’Égypte (297 millions) et du Kenya (221 millions). Ces quatre pays, surnommés les «Big Four», continuent de concentrer une part importante des financements, bien que cette part ait diminué, passant de 79% en 2023 à 67% en 2024.
Outre les quatre leaders, le Ghana, le Maroc et la Tanzanie ont également attiré des investissements significatifs, chacun dépassant le seuil des 50 millions de dollars en equity en 2024. Cette dynamique montre que d’autres pays africains commencent à émerger comme des hubs attractifs pour les investisseurs.
La fintech en tête, suivie par la cleantech
Le secteur de la fintech reste de loin le plus attractif pour les investisseurs, avec un total de 1,3 milliard de dollars levés, représentant 60% des financements en equity. La cleantech arrive en deuxième position avec 9%, suivie du commerce électronique (7%), des services aux entreprises (7%) et de l’agritech (4%). Ces secteurs, en particulier la fintech, continuent de capter une part importante des financements, soutenus par une demande croissante pour des solutions numériques et durables à travers le continent.
En ce qui concerne les financements en dette, le Kenya se distingue également, avec 382 millions de dollars levés, suivi de l’Égypte (142 millions), de l’Afrique du Sud (132 millions) et du Ghana (118 millions). La cleantech reste le secteur dominant pour les prêts, capturant 40% de l’ensemble des financements en dette, devant la fintech (34%) et les startups axées sur la connectivité (11%).
Augmentation du nombre d’investisseurs
Le rapport souligne également une hausse de 2% du nombre d’investisseurs uniques en equity par rapport à 2023, pour atteindre un total de 583. Ces investisseurs ont été particulièrement actifs dans la phase Seed, tandis qu’ils ont été moins impliqués dans les séries A et B par rapport aux années précédentes. Cette évolution pourrait refléter un changement dans les stratégies d’investissement, avec un intérêt accru pour le financement des startups en phase de démarrage.
Un écosystème tech africain en transition
En dépit de la baisse générale des financements en 2024, l’écosystème technologique africain reste résilient et diversifié. Les startups continuent d’attirer l’attention des investisseurs, même si les conditions économiques mondiales, telles que la hausse des taux d’intérêt et la fluctuation des devises, ont un impact sur la dynamique des financements. Le rapport de Partech Africa souligne que, malgré ces défis, les perspectives pour l’avenir de la tech en Afrique restent positives, avec un marché toujours en croissance et une attention accrue aux secteurs porteurs comme la fintech et la cleantech.