La guerre en cours depuis plusieurs jours en Palestine et en Israël pousse à réfléchir, sans tergiverser, à la solution à un conflit qui dure depuis trois-quarts de siècle. Cet épisode provoqué par une meurtrière incursion du Hamas en Israël et la riposte tout aussi sanglante qu’il a provoquée interpellent la communauté internationale divisée en soutiens inconditionnels de l’Etat hébreu et sympathisants, plutôt timides, de la cause palestinienne. Les deux camps avancent leurs arguments : le droit d’Israël à se défendre – et parfois d’attaquer, sans crainte de représailles – et celui des Palestiniens à avoir un Etat libre et indépendant fondé sur les frontières d’avant 1967.
On sait que la solution à deux Etats est la seule qui tienne mais personne n’y travaille sérieusement. Ni dans le camp favorable à Israël qui accorde foi en sa force militaire et au soutien inconditionnel des USA et d’une bonne partie de l’Europe, ni au sein de la Ligue arabe où la question palestinienne divise entre pro Hamas et Djihad islamique et pro Mahmoud Abass, le président d’une «Autorité» sans autorité depuis la débâcle suite à l’élection législative de 2006 qui a vu le Hamas remporter la majorité des sièges et qui avait obligé le gouvernement de Mahmoud Abbas à nommer Ismaïl Haniyeh Premier ministre en respectant la volonté populaire.
L’Autorité politique se définit comme un gouvernement mis en place suite aux accords dits accords d’Oslo. Elle administre aujourd’hui la Cisjordanie, mais avait au départ aussi la main sur la bande de Gaza. Cette distinction renvoie à l’histoire géopolitique complexe de la région. Au refus systématique de prendre langue avec le Hamas et d’accepter qu’il prenne la place d’une Autorité dont s’accommodent Israël et les Occidentaux.
À l’époque, en effet, le Hamas n’a pas modifié sa charte et ne reconnaît pas Israël. De fait, Mahmoud Abbas se retrouve dans une position inconfortable, d’autant que l’Autorité palestinienne est largement financée par les bailleurs internationaux et notamment européens. S’ensuit toute une série de guerres et de conflits, qui mènera le Hamas à prendre le pouvoir à Gaza et à y installer son propre gouvernement.
Dans une telle situation, les accommodements politiques sous la supervision de puissances occidentales loin d’être neutres ne tiennent pas longtemps à cause de la gravité d’une situation plus humanitaire que militaire. L’Ordre dont l’ONU se veut la gardienne pour notre sécurité collective se transforme en désordre à chaque fois qu’Israël et le Hamas décident d’en découdre. Face au conflit armé où tous les coups sont permis, l’on assiste également, à Washington, Pékin, Paris, Doha, Tehran, Le Caire, Moscou et Riad, à une «guerre des idéologies», une guerre de civilisations qui invoque celles des Croisés et des conquêtes islamiques.
Le conflit en cours rappelle que dans la gestion des crises, on agit de plus en plus sans conviction. La médiation ne se donne pas de limites, même quand le conflit se transforme cyniquement en compétition de massacres de civils innocents. Le temps agit en faveur de la terreur. Le véto est souvent un arrêt de mort au lieu d’être l’élément déclencheur de la recherche d’un compromis. Il est compromission. L’allié qui défie la volonté commune, exprimée par la «force» d’une résolution, se sent protégé par une opposition exhibée à tour de rôle par les USA, en faveur d’Israël, de la Chine, quand la Corée du nord est menacée de sanctions, ou par la Russie volant au secours de Téhéran.
Alors que Joe Biden menait une difficile mission en Israël, le président chinois réunissait à Pékin les représentants du Sud global ( pays non occidentaux) pour célébrer son grand œuvre, les «Nouvelles Routes de la Soie .» L’invité vedette était le président russe, Vladimir Poutine, paria en Occident mais qui, à Pékin, a eu droit à des honneurs particuliers. Ni la Chine ni la Russie n’ont condamné l’attaque du Hamas du 7 octobre ; elles ont réservé leurs critiques à Israël et aux Etats-Unis. Comme les USA, la France, la Grande Bretagne et l’Allemagne ont lâché la bride à Israël…
L’Occident qui domine le monde paie aujourd’hui son impuissance à trouver, voire à chercher, une solution à la question palestinienne. Il paie aussi son incapacité à adapter la gouvernance internationale aux nouvelles réalités des équilibres mondiaux. Dans le climat de tension actuel, son soutien à Israël, perçu comme exclusif dans le reste du monde, risque de mettre en péril ses efforts pour tenter de convaincre les pays du Sud que la sécurité internationale est une et indivisible.