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Scandale : «L’affaire Cheikh Ridhaa»

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En Mauritanie, les médias n’évoquent que timidement ce qui est connu maintenant sous le nom de «l’affaire Cheikh Ridhaa»,  mais c’est probablement l’un des scandales immobiliers les plus importants en Afrique. Après avoir acheté, à crédit, des centaines de maisons, à des prix «déraisonnables» pour les revendre cinq à dix fois moins chères, le marabout a déclaré son repentir dans une vidéo qui a créé le buzz en Mauritanie et révélé la faillite de son « empire » immobilier.

Cheikh RidhaaLa question sur toutes les lèvres est : pourquoi ? Cheikh Ridhaa auquel recouraient, paraît-il, riches et pauvres pour l’accomplissement de leurs désirs et volontés, matériels et spirituels, a été entraîné dans la spirale de l’achat-vente de maisons et de terrains dans tous les départements de Nouakchott. Le montage financier ne répond cependant à aucune grille de lecture économique. Comment comprendre en effet qu’un promoteur achète pour 200 millions d’ouguiyas (625000 USD) pour vendre peu après à 5 ou 10 fois moins chers ? Aujourd’hui que le Cheikh se retrouve avec une dette colossale (on parle de dizaines de milliards d’UM), ses fidèles clament la bonne foi.

Il aurait été abusé alors que lui-même reconnait avoir délégué cinq agents pour agir en son nom. Ce que beaucoup ne comprennent pas, c’est le mutisme de l’État. Aucune voix officielle – ou officieuse – n’a évoqué cette affaire qui divise les Mauritaniens entre ceux qui exigent l’ouverture d’une enquête judiciaire et ceux qui ont déjà commencé à collecter des fonds pour rembourser les dettes du Cheikh. Ce dernier, après avoir annoncé, dans un premier enregistrement être en contact avec des investisseurs nationaux et étrangers pour monter des projets susceptibles de générer des bénéfices conséquents, il est revenu, dans une nouvelle vidéo pour demander à ses créanciers de lui accorder un nouveau répit. Certains attendent depuis deux ans. Les plus chanceux sont ceux qui n’avaient pas encore quitté leurs maisons au moment où le scandale a éclaté. Ils ont tout simplement résilié de facto des contrats qui ne reposaient en fait que sur la confiance.

Où est parti l’argent du Cheikh ?

Maintenant, tout le monde se demande dans quoi le cheikh a investi les milliards d’ouguiyas engrangés de la vente des maisons et voitures de luxe qu’il achetait à crédit ? D’aucuns pensent qu’il ne peut s’agir d’une opération immobilière classique puisqu’on achète pour réaliser des bénéfices non pour brader au vu et au su de tout le monde, comme pour provoquer l’effondrement d’un secteur qui passait pour l’un des plus sûrs en Mauritanie. Ne disait-on pas que pour fructifier son argent, il faut investir dans le fer et le béton ?

Pour justifier l’injustifiable, certains regardent, à tort ou à raison, du côté du pouvoir pour dire que Cheikh Ridhaa agissait peut-être pour le compte de personnalités très haut placées ou d’hommes d’affaires bien incrustés dans le système. Le manque de réaction des autorités dans cette affaire qui menace, à court terme, la stabilité sociale, renforce la thèse d’une vaste opération mafieuse dont le Cheikh n’est peut-être que le bouc émissaire. Pour l’instant, le Cheikh s’en tire à bon compte. Pas d’enquête en vue, pas de plaintes surtout, et les « fidèles » continuent à vénérer leur marabout. Seuls quelques « égarés » tentent de remuer cette affaire sur les réseaux sociaux pour pousser la justice à réagir. Mais y a-t-il une justice indépendante, qui peut agir sans un clin d’œil du pouvoir ?

Mohamed Hanefi, un universitaire mauritanien installé au Koweït, trouve les mots justes pour expliquer cet imbroglio socio-économique qui n’a pas encore livré tous ses secrets : « Il y a la loi, le gouvernement, l’intelligence, la raison. Où est passé tout cet arsenal de bonne choses, pour que de telles choses se passent, et qu’elles s’étendent sur une si longue période, sans que personne ne dise au vendeur ou à l’acheteur que si on achète à mille pour vendre à dix, on file vers la ruine?  (…) Cheikh Ridha, comme un autre, n’est qu’une victime de l’extravagance de certaines amplifications glorieuses, souvent faites au nom de Dieu et qui ont fait que le droit et la raison, se sont confondus avec le faux et l’illusoire. »

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