La tentative du coup d’Etat perpétrée le mercredi 16 septembre 2015 par le général de brigade Gilbert Diendéré du désormais ex Régiment de sécurité présidentielle (RSP) a failli faire basculer le Burkina Faso dans un chaos total. Les forces de défense et de sécurité, l’Armée régulière, en donnant un assaut final le mardi 29 septembre, a pu prendre le contrôle du camp NaabaKoom, la caserne du RSP adossée à la présidence du Faso sans grande résistance avec la reddition des principaux chefs militaires de ce corps d’élite.
Le Burkina Faso revient de très loin. De justesse, l’on a évité le spectre de la guerre civile. Après l’insurrection de fin octobre 2014 qui a poussé le président Blaise Compaoré à la démission, certains avaient naïvement cru que le «pays des Hommes intègres», naguère havre de paix, de stabilité et de sécurité depuis deux bonnes décennies, avait touché le fond, et la leçon, pour avoir été douloureuse, bien apprise. Hélas. En tout cas, le coup d’Etat que des observateurs et analystes politiques attendaient a fini par avoir lieu le 16 septembre dernier au moment où certains avaient fini par se dire qu’il y avait plus de peur que l’on ne devrait en avoir.
Si donc ce coup d’Etat n’a pas réellement surpris, ce qui aura surpris, c’est la forme qu’il a prise avec un niveau d’impréparation qui laissait entrevoir un échec lamentable ou à tout le moins d’énormes difficultés de maîtrise de l’évolution des évènements avec inéluctablement des violences inouïes, des morts d’hommes et des blessures et une plus profonde division des acteurs de la scène sociopolitique. Il semble en effet que ce qui est devenu le putsch du général Diendéré, ancien chef d’Etat-major particulier de la garde prétorienne sous Blaise Compaoré a été au départ un énième mouvement d’humeur au sein du RSP qui n’a pas supporté le point du rapport de la Commission de réconciliation nationale et des reformes de Mgr Paul Ouédraogo (déposé la veille) qui préconisait la dissolution de cette garde prétorienne contrairement aux recommandations de la commission ad hoc mise en place par le président de la Transition pour régler ce problème.
Répercussions économiques
Le coup d’Etat du 16 septembre a bien évidemment impacté négativement les activités économiques du Burkina Faso. Selon le ministre de l’Economie et des finances, Jean Gustave Sanon, la paralysie économique au niveau des secteurs public et privé pendant une dizaine de jours a fait perdre beaucoup d’argent à l’Etat. Réuni en séance extraordinaire de conseil des ministres, le lundi 28 septembre, soit quatre jours après sa remise en selle, le gouvernement a fait le bilan des impacts socio-économiques et financiers de ce coup d’Etat. Ainsi, le grand argentier du Burkina a fait savoir qu’en plus des pertes en vies humaines et des blessés au niveau social, la grève générale illimitée des travailleurs a entrainé un marasme économique pendant une dizaine de jours. Cela a eu comme conséquence immédiate le ralentissement de la production dans le secteur secondaire et tertiaire avec une baisse de moins de 0,3% sur les finances publiques. Au niveau des régies de recettes, les pertes de recouvrement des impôts sont estimées à 11 milliards de FCFA tandis que les recettes douanières ont été affectées par un manque à gagner de 9,7 milliards de FCFA. Quant au niveau de la trésorerie, les pertes sèches sont évaluées à 30,80 milliards de FCFA.
Le nécessaire dialogue inclusif
Pour l’heure, Ouagadougou reprend à vivre après cette parenthèse de coup d’Etat qui en plus des répercussions économiques semble davantage désarticuler la concorde sociale. Si le RSP a été dissous, dans la foulée le procureur général près de la Cour d’appel de Ouagadougou a ordonné le gel des avoirs des leaders et partis politiques qui étaient proches de Blaise Compaoré afin de pouvoir enquêter sur leur implication supposée ou réelle dans le coup d’Etat. Par ailleurs, l’ancien chef de la diplomatie et actuellement envoyé spécial de l’OCI pour le Sahel, le général de gendarmerie Djibril Bassolé a été mis aux arrêts pour connivence avec les putschistes. Ce qui risque d’exacerber les tensions politiques en ce sens que cela peut paraître aux yeux des personnalités du régime déchu comme une chasse aux sorcières. On le sait, aucun conflit au sein d’une même nation ne peut renforcer ni la solidarité entre ses membres, ni la volonté de vivre ensemble surtout sans une catharsis profonde. C’est du reste le sens du message qu’a voulu faire passer le charismatique empereur des Mossé, le MoghoNaabaBaongho le dimanche 27 septembre lors de la visite du président de la Transition, Michel Kafando à son palais royal où il n’a pas manqué d’appeler le pouvoir de la transition ainsi que la classe politique à beaucoup plus de tolérance, d’humilité et de dialogue. La paix est une valeur fondamentale sinon la République ne peut s’exprimer dans toutes ses vertus. Il y a lieu donc qu’après la question militaire, les Burkinabè se surpassent en taisant les rancœurs pour aller vers la paix des braves.