«Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.» Tel l’exprimait avec une angoisse assurée, le poète et philosophe français de la deuxième moitié du 19e siècle Paul Valéry dans son ouvrage « La crise de l’esprit.»
Cette angoisse de l’intellectuel dépasse l’horizon d’un après-guerre et d’un pays. Une langue comme le Français, enclin aujourd’hui à sa survie, n’y échappe pas
Res-souvenances

Consultant IC- Intelligence Culturelle
Alors haut de ma douzaine de fois dix centimètres, j’étais accompagné régulièrement par ma chère Maman pour assister aux séances de cinéma du musée de l’Homme à Paris.
Cela me donna la possibilité d’approcher de nombreux chercheurs, ethnologues, anthropologues… Époque où la médiatisation, la vedettisation n’existaient pas.
La possibilité m’a été offerte de rencontrer à plusieurs reprises MM Jean Rouch, Paul-Émile Victor…puis, plus tard dans d’autres circonstances avec, M. Théodore Monod.
J’ai pu ainsi aiguiser mon regard sur la géographie puis très rapidement sur la géopolitique des francophonies.
Parmi mes multiples autres rencontres, je me dois de mentionner le diplomate sénégalais M. Doudou Diène. Son rôle a été essentiel pour la mise en place des premiers jalons d’un réseau francophone transcontinental.
Ultérieurement, Mme Françoise Le Guenenc-Coppens,alors présidente de la Société des africanistes m’a accepté au sein de ladite communauté savante.
Au sein de cette institution, pendant trois ans, j’ai participé à la sélection de films ethnographiques au service du cinéma africain au musée du Quai Branly sous la direction de l’africaniste Mme Véronique Lassailly-Jacob.
Cette accumulation précoce des échanges m’a pu être possible grâce à l’enseignement libre qui m’a été dispensé.
La République française : rapide survol historique
Héritière des idéaux de la Révolution française niveleur et universaliste, le régime de la IIIe République, entra en vigueur en septembre 1870. Les républicains, consolidèrent le régime politique par l’instruction publique : l’Éducation Nationale. En laïcisant l’école, ils voulurent affranchir les consciences principalement de l’emprise de l’Église catholique et fortifier l’amour de la patrie. Les Républicains poursuivirent la mise en place d’une école laïque par la création par exemple de bataillons scolaires, de plus, pour affaiblir les résistances, ils fractionnèrent la réforme dans la durée. Bien plus tard, ironiquement, les protagonistes des événements de mai 1968 furent les démolisseurs méthodiques de l’Éducation Nationale qui ne s’en remit vraiment plus jamais.
Aboutissement catastrophique du système de l’Éducation nationale française
L’OCDE a récemment publié les résultats de l’étude internationale Pisa pour évaluer les connaissances et les compétences des élèves de 15 ans dans 80 pays en mathématiques, en compréhension de l’écrit et en sciences.
La baisse du niveau en mathématiques est générale, et ne concerne pas que la France. Cependant, il s’agit d’une chute historique du score des performances moyennes des élèves français et de manière générale, les résultats sont parmi les plus bas jamais mesurés en France depuis la création de l’étude.
Le ministère de l’Éducation nationale, aurait-il failli à sa tâche ou par un modernisme exacerbé et un souci d’économies, aurait-il été dévoyé de ses missions principales en ignorant l’excellence et les forts potentiels et en inculquant un niveau plus que moyen des connaissances facilitant un abaissement général du développement de l’intelligence et donc de la capacité à manipuler des concepts. Que dire par exemple de l’enseignement des mathématiques au lycée devenu une option ?
Autre sujet : la Puissance Alpha
Douze jours après le XIXe Sommet de la francophonie de Villers-Cotterêts-Paris, la journaliste Lara Ghaza du mensuel Le Figaro Étudiant, rapporte que Mme Agnès Laville Présidente de Puissance Alpha a fait une conférence de presse.
Puissance Alpha est une structure regroupant 19 grandes écoles qui a chaque étape du parcours accompagne les futurs ingénieurs à préparer le concours d’entrée.
Sa déléguée-générale du concours, Mme Astrid Woitellier, annonce que pour l’édition 2025, l’objectif principal souligné sera de «s’adapter au mieux (?)» aux bacheliers qui candidateront aux écoles d’ingénieurs membres du concours via Parcoursup.
De plus, l’un des changements majeurs est la suppression de l’épreuve écrite de Français et la Secrétaire-générale de renchérir «nous avons constaté que cette épreuve pouvait être anxiogène (?) pour les candidats, ou à l’inverse qu’ils la négligeaient (?). De plus, elle ne faisait pas de différence notable dans l’évaluation, et elle pouvait être socialement discriminante (?)» Les épreuves écrites porteront uniquement sur les mathématiques, les sciences appliquées et l’anglais !
Alors que l’on parle de plus en plus la langue française dans le monde, nous enterrons ainsi l’usage anxiogène et stressant du français par nos futures élites, qui seront soumises au stress inévitable de leurs futures fonctions ! «Pauvres petits» dirait un Marseillais.
Loi Toubon
Trente ans après la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française plus connue sous le nom de loi Toubon qu’en est-il advenu ?
Très récemment, une Mission d’information du sénat français a été consacrée à sa réactualisation. Cela a donné lieu à un document comportant dix-sept recommandations très cosmétiques. Les rapporteurs n’évoquent pas directement par exemple l’enseignement supérieur, le quota de chansons francophones dans l’audiovisuel, la place du français dans les instances internationales… et les moyens financiers pour atteindre ces objectifs, une façon, hélas, d’avouer les faiblesses de ses recommandations.
Homothétie
Il est saisissant de faire un parallèle troublant quand depuis 140 ans tout au cours des différents régimes, les républicains utilisèrent l’école comme un outil central de répression des langues régionales (alsacien, basque, breton, catalan, corse, créoles, occitan…). De plus, depuis quelques décennies la caste dirigeante française et ses affidés ont déjà conduit l’enseignement du latin (langue vivante et scientifique) et du grec au bord de l’extinction. Pourtant, ces langues participent à une meilleure maîtrise de la langue française.
M. Robert Delord Président d’Arrête ton char, association promouvant les langues & cultures de l’Antiquité n’a de cesse de stigmatiser les conséquences de cet abandon.
«Avec un tel système, les chefs d’établissement préfèrent bien souvent améliorer les cours d’anglais plutôt que de continuer à proposer l’option latine ou grecque.»
Par ailleurs, alors que les institutions européennes ne travaillent plus en français, d’autres exemples symboliques ne manquent pas à cette résignation, à ce renoncement progressif des élites françaises.
Par la même, ils conduisent la langue française vers le même sort, soit vers son exécution nationale en mettant la société française, sous tranquillisant, sous anesthésiant le tout conditionné dans une pensée unique, soit vers un acte de haute trahison.