Sollicité par l’Etat tunisien, l’OCDE vient de rendre deux rapports (Investir dans la jeunesse et Un programme de réformes à l’appui de la compétitivité et de la croissance inclusive en 2015) qui dressent un état des lieux sans complaisance de l’économie nationale de ce pays du Maghreb.
Avec un quart des 15 à 24 ans au chômage et non scolarisés, une autre moitié de jeunes occupant des emplois précaires dans l’informel, les autorités tunisiennes sont exposées à une nouvelle bombe sociale dans un pays où la jeunesse a provoqué, il y a quatre ans, «la Révolution de Jasmin» mettant fin au long règne du président Ben Ali. C’est du moins le constat de l’OCDE qui, sollicité par l’Etat tunisien, vient de rendre deux rapports (Investir dans la jeunesse et Un programme de réformes à l’appui de la compétitivité et de la croissance inclusive en 2015) qui dresse un état des lieux sans complaisance de l’économie nationale. «Certaines catégories de la population, comme les femmes et les habitants des régions les plus défavorisées du centre-ouest et du sud, sont dans une situation encore pire », indique l’OCDE qui y voit un risque majeur pour le bon déroulement de la transition démocratique en cours après l’adoption d’une nouvelle constitution et une série d’élections (législatives, présidentielle) réussies. Cette disparité régionale est bien réelle, 74 % des entreprises du pays étant enregistrées au nord et à l’est, le long de la côte. Elle s’est d’ailleurs ressentie dans le vote des électeurs, les plus démunis apportant leur voix aux islamistes d’Ennahda.
Depuis la révolution de 2011, la croissance n’est jamais vraiment repartie, s’établissant à 2,3% en 2013 et 2,4% en 2014. Des chiffres bien faibles compte tenu de l’évolution démographique et des arrivées de migrants libyens estimés à près de deux millions. La fragilité des économies européennes, qui constituent le principal débouché commercial, et les incertitudes sécuritaires pèsent lourdement, notamment sur les activités touristiques.
En fait, les activités sont essentiellement soutenues par la consommation, elle même aidée par une hausse des salaires dans la fonction publique. Les gouvernements de transition ont recruté massivement (plus de 142 000 emplois créés) jusqu’en 2013 avec comme corollaire une baisse des investissements et un chômage élevé. En 2015, la reprise des exportations et du tourisme pourrait permettre d’atteindre une progression du PIB supérieure à 3 %. Pour l’OCDE, il est toutefois urgent de réformer un Etat, hérité de l’ancien système sous Ben Ali, trop interventionniste. Les autorités devront notamment se pencher rapidement sur la réforme des retraites avec le vieillissement annoncé de la population. Le régime par répartition exerce une pression importante sur les dépenses publiques qui ont atteint 3,3% du PIB en 2013 contre 2,3 % en 2006. « La structure des dépenses est faussée par les subventions importantes aux produits alimentaires, à l’énergie et aux produits manufacturés, qui représentaient 7% du PIB en 2013, explique l’étude. Ces subventions bénéficient aux 6 à 7 millions de touristes étrangers, ainsi qu’aux habitants des pays voisins (Algérie et Libye) par le biais des échanges transfrontaliers et de la contrebande». Les institutions de Bretton Woods appellent à la réduction des subventions. Autre défi : l’assainissement du secteur bancaire. Les établissements publics sont confrontés à une hausse des créances douteuses après avoir prêté aux groupes étatiques et entreprises touristiques. Il est urgent de recapitaliser et de restructurer un secteur fragmenté qui compte vingt et une banques et de libérer les taux d’intérêt, leur plafonnement n’incitant pas les opérateurs à prêter aux entreprises. Une fois le secteur assaini, les autorités pourront réfléchir à une relance des privatisations.
L’OCDE encourage les autorités à supprimer progressivement le contrôle des prix des produits agricoles. Maintenus artificiellement bas pour préserver la sécurité alimentaire, ils ne permettent pas l’émergence d’une agriculture plus moderne. Enfin, la Tunisie doit diversifier ses activités d’exportation cantonnées au textile, cuir, produits alimentaires et boissons. Et aussi chercher à capter une part plus importante de la valeur ajoutée. Les sociétés étrangères, à l’origine de 57 % des exportations et employant 325000 personnes, ont un rôle important à jouer. Même stratégie à mettre en œuvre dans le domaine du tourisme. Derrière l’Afrique du Sud (9,54 millions de visiteurs) et le Maroc (9,2 millions), la Tunisie est la troisième destination africaine
(7 millions) pour les étrangers mais ces derniers n’y dépensent pas beaucoup, le pays étant une destination «low cost».