Le Cameroun vient d’adopter un nouveau code pétrolier à travers la loi n° 2019/008 du 25 avril 2019 dans un contexte de réforme des législations pétrolières en Afrique noire francophone et de volonté renouvelée de rééquilibrage des intérêts des investisseurs et des États. Cette loi abroge et remplace la loi n° 99-013 du 22 décembre 1999 portant Code pétrolier sous le régime duquel vingt-trois (23) contrats pétroliers ont été signés, dont le dernier en date du 21 février 2019.

Sur le plan formel , le nouveau texte est plus exhaustif. Celui-ci contient cent trente-huit (138) articles contrairement à l’ancien Code qui en contenait cent vingt-cinq (125). Du point de leur contenu, les nouveaux articles sont plus exhaustifs et renseignent précisément leurs sujets. Cet élan de précision se confirme avec la définition des termes utilisés. Au total, on note quarante-neuf (49) définitions soit vingt-six (26) nouvelles et huit (8) définitions modifiées contrairement à l’ancien Code pétrolier qui en contenait vingt et un (21).
Au fond, les innovations du nouveau code sont axées sur l’amélioration du régime juridique des contrats pétroliers (II), l’amélioration du régime du contenu local (III), l’instauration des mesures incitatives à l’investissement (IV), le réaménagement de la fiscalité pétrolière (V) et la mise en place des sanctions spécifiques en cas de non-respect de la législation pétrolière (VI).
Un nouveau champ d’application du code pétrolier et des précisions terminologiques
Le champ d’application matériel du nouveau code a été reprécisé. Ainsi, le nouveau Code pétrolier s’applique uniquement au secteur pétrolier amont (art. 1er), défini comme celui qui regroupe les activités de prospection, de recherche et d’exploitation des hydrocarbures. Par opposition au secteur pétrolier aval qui regroupe quant à lui les activités de transport par canalisation, de raffinage, de transformation, de stockage, de commercialisation et de distribution des hydrocarbures. Cette distinction des activités pétrolières entre le secteur amont et le secteur aval ne ressortait pas clairement de la loi de 1999.
En outre, le nouveau Code s’applique aux contrats pétroliers signés à compter de sa date de promulgation. Toutefois, les titulaires des contrats pétroliers concluent sous le régime de l’ancien Code, et qui désirent bénéficier de l’application des dispositions du nouveau Code sont tenus d’accepter la renégociation desdits contrats conformément audit Code et de ses textes d’application.
Le Code a également apporté des précisions sémantiques sur les termes utilisés. Ces définitions prévues à l’article 2 du nouveau Code ont trait notamment au contenu local, au contrat de services à risques, aux produits pétroliers, au point de collecte, au sous-traitant, à la découverte, à l’unitisation et à l’étude d’impact environnemental.
Un régime juridique amélioré pour les contrats et autorisations d’hydrocarbures
Outre le contrat de concession et le contrat de partage de production, le contrat de service a été nouvellement institué. Il s’agit du contrat de services à risques défini comme un contrat pétrolier attaché à une autorisation exclusive de recherche, et s’il a lieu, à une autorisation exclusive d’exploitation, en vertu duquel le titulaire assume la conduite et le financement des opérations pétrolières et reçoit une rémunération en espèces. La principale caractéristique de ce contrat est que la personne bénéficiaire assume tous les risques de financement inhérents aux opérations de recherche et d’exploitation des hydrocarbures.
Quelle que soit leur typologie, les contrats pétroliers sont soumis à des règles communes relatives à la procédure de conclusion. Désormais, une commission permanente mise en place par la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) intervient désormais dans les négociations. Cette commission sera composée des représentants des départements ministériels (Fiances, Eau et Énergies et Affaires foncières notamment) concernés et ceux dudit établissement ou organisme public. Aussi, la signature du contrat est faite pour le compte de l’Etat par le Ministre chargé de l’Énergie et de l’Eau et par le Directeur Général de la SNH. Il s’agira de toute évidence d’une signature conjointe, ce qui est justifié par l’emploi de la conjonction de coordination « et ». L’ancien Code ne prévoyait pas expressément une telle hypothèse.
Ces règles communes s’étendent également aux modalités de transmission des droits et obligations issus des contrats pétroliers ou relatifs aux autorisations d’hydrocarbures. Il existe désormais une option prioritaire d’acquisition des droits concernés par la transmission au profit de l’État et de l’entité publique co-titulaire. Ce droit doit néanmoins être mise en œuvre dans un délai de quatre-vingt-dix (90) jours à compter de la demande d’approbation faite au Ministre de l’Énergie et de l’Eau.Par ailleurs, il est prévu que les droits et obligations du contrat pétrolier et de toutes les différentes autorisations sont transmissibles partiellement ou en totalité. Il convient de noter également que le parallélisme des formes devra être respecté lors de la transmission des autorisations d’hydrocarbures. Si les droits à céder ont été accordés par décret, un nouveau décret est nécessaire pour leur cession. En outre, la renonciations aux droits relatifs aux contrats pétroliers fait l’objet d’une double innovation. Ainsi, lorsqu’un contrat pétrolier est conclu avec plusieurs titulaires, le retrait d’un ou plusieurs co-titulaires n’entraine ni l’annulation des autorisations dérivant du contrat, ni la résiliation du contrat si le ou les autres co-titulaires reprennent à leur compte tous les engagements souscrits dans le cadre dudit contrat. Il s’y ajoute que la possibilité de renonciation bénéficie également au titulaire d’une autorisation de transport. Celui-ci devra notifier néanmoins son intention de renoncer au Ministre de l’Energie et de l’Eau dans un délai d’un (1) an et devra remplir les obligations prescrites par son contrat pétrolier et par la règlementation notamment en ce qui concerne la protection de l’environnement et l’abandon des installations.
Un régime clairement défini pour le contenu local
Il convient de rappeler que l’ancien Code pétrolier contenait déjà quelques règles relatives au contenu local.
Il est important de noter qu’à travers l’instauration des mesures du contenu local, l’État a pour ambition de permettre un transfert de technologies au profit des entreprises nationales. Ce qui se fera par le mécanisme de la sous-traitance. Ainsi, obligation est faite au titulaire d’un contrat pétrolier d’attribuer, par priorité, aux sociétés de droit camerounais ayant leur principal siège social au Cameroun et qui répondent aux standards internationaux reconnus en la matière, les prestations et contrats de construction, d’assurance, de fourniture de services, de matériaux, d’équipements et de produits liés directement ou indirectement aux opérations pétrolières. Le nouveau Code n’a pas néanmoins fixé de ratio de répartition ou d’attribution de marché de sous-traitance, ce qui devait permettre un meilleur suivi-évaluation desdites mesures.
Aussi, les compagnies pétrolières ont une obligation d’embauche et une obligation de formation continue. Le titulaire d’un contrat pétrolier doit tout d’abord employer, en priorité et à compétence égale des ressortissants camerounais qualifiés dans toutes les catégories socio-professionnelles et à toutes les fonctions pour les nécessités de ses opérations. Par la suite, lorsque leur recrutement est effectué, le titulaire du contrat pétrolier doit leur assurer une formation professionnelle continue pour leur mise à niveau à travers les programmes de formation professionnelle et technique qui permettront d’accroître leurs qualifications dans les métiers pétroliers.
Le nouveau Code pétrolier prévoit désormais des sanctions qui permettent d’assurer une certaine efficacité aux dispositions relatives au contenu local. En effet, une amende de deux cents millions (200.000.000) de francs CFA peut être prononcé à l’encontre du titulaire du contrat pétrolier qui ne respecte pas les engagements contractuels relatifs au contenu local.
Des mesures incitatives à l’investissement dans le secteur pétrolier
C’est l’une des principales innovations du nouveau Code pétrolier. Dans la loi N° 2013/004 du 18 avril 2013 fixant les incitations à l’investissement privé en République du Cameroun, l’article 2 (3) avait expressément exclu du champ d’application de celle-ci les investissements régis par des textes particuliers, notamment le secteur pétrolier amont, le secteur minier et gazier ainsi que les contrats de partenariats.
D’entrée de jeu, il convient de noter que ces mesures sont soumises à l’appréciation de l’État et revêtent un caractère « exceptionnel ». Dans ce cas, l’État intervient au soutien des compagnies pétrolières afin d’encourager l’exploitation à terre du domaine minier particulièrement difficile d’accès, ou en mer profonde au-delà de deux cents (200) mètres, ou des thèmes d’exploration difficiles et présentant un risque ou encore pour encourager la mise en œuvre de programmes de récupération tertiaire destinés à accroître la productivité des gisements.
Ensuite, les mesures d’incitation à l’investissement peuvent être également de nature fiscale ou économique et consistent ainsi en la révision des contrats pétroliers afin de leur accorder des avantages pour accélérer la récupération des investissements et améliorer leur rentabilité. Parmi ces mesures incitatives, on retrouve la dispense du paiement du bonus de signature pour certains contrats pétroliers, l’exemption du paiement de l’impôt sur les sociétés sur une période maximale de cinq (5) ans pour les hydrocarbures liquides et sept (7) ans pour les hydrocarbures gazeux et la consolidation fiscale de dépenses de recherches.
Enfin, la SNH tient compte d’un ensemble de critères pour répondre favorablement à la requête qui lui a été adressée. Ainsi, l’octroi des incitations tient compte des programmes de travaux soumis par le requérant, des risques pris, de la taille des découvertes d’hydrocarbures visées par les travaux de recherche et du potentiel d’accroissement de la production qu’ils présentent, pour ce qui est des programmes d’appréciation ou de récupération tertiaire soumis. En outre, l’application des incitations ne peut avoir pour effet la diminution de la rente pétrolière de l’État à un seuil inférieur à 51% de la rente pétrolière totale issue des activités du titulaire sur le domaine minier national.
Une fiscalité pétrolière réaménagée
On peut noter plusieurs innovations importantes en matière fiscale dans le nouveau code.
S’agissant d’abord de l’Impôt sur les Sociétés (IS), Si l’ancien Code avait institué un taux variable entre 38,5 % et 50 %, le nouveau Code pétrolier consacre un taux fixe de 35%. Comme on peut le constater, ce nouveau taux reste toujours supérieur au taux de l’IS de droit commun fixé à 33%.
S’agissant des exonérations fiscales ensuite, le Code inclut désormais expressément la Taxe Spéciale sur les Produits Pétroliers (TSPP) parmi les impôts et taxes concernés contrairement à l’ancien code.
Le nouveau Code revoit également à la baisse le taux de la redevance informatique. Celle-ci est désormais fixée à 0,45% avec un plafonnement de cent mille (100 000) francs CFA par déclaration. On se souvient que dans l’ancien Code, elle était fixée à 0,5% sans aucun plafonnement (art. 108).
Des sanctions spécifiques en cas de non-respect de la législation pétrolière
C’est l’une des innovations majeures du nouveau Code pétrolier. Dans l’ancien Code en effet, l’article 62 (1) faisait allusion aux sanctions pénales applicables sans autre précision en plus du régime de la responsabilité civile du titulaire d’une autorisation ou d’un contrat pétrolier était prévu en matière de dommage environnemental lié aux opérations pétrolières. Le nouveau Code pétrolier va plus loin dans la volonté du législateur camerounais d’assurer une régulation du secteur pétrolier par la sanction.
Outre ces deux mécanismes, on note de nouvelles dispositions relatives à la détermination des comportements répréhensibleset de sanctions corrélatives.
Parmi les infractions, on peut citer notamment la violation de règles relatives à la conduite des opérations pétrolières, du non-respect des engagements contractuels relatifs au programme des travaux convenu, de la violation des règles comptables, fiscales et douanières et du régime de change, du non-respect des engagements contractuel relatif au contenu local et du non-respect des règles techniques, de sécurité et d’hygiène, relatives aux opérations de recherche et d’exploitation des hydrocarbures.
Un régime de sanctions est prévu à cet effet. Le montant des amendes à prononcer a été déterminé. L’amende la moins grave est de soixante-quinze (75.000.000) de francs CFA, elle concerne l’infraction d’entrave au contrôle des agents assermentés et/ou habilités. En dehors de celle-ci, toutes les autres infractions sont punies d’une amende de deux cents (200.000.000) ou de cinq cents (500.000.000) millions de francs CFA. En cas de défaut de paiement de l’amende prononcée à temps, une majoration de 10% par mois de retard de paiement est prévue.
En définitive, le nouveau Code pétrolier vise a attiré plus d’investissements dans ce secteur vital pour l’économie nationale tout en rationalisant le cadre juridique des opérations pétrolières au Cameroun.
Tableau synoptique des principales évolutions règlementaires
Points saillants |
Code 1999 |
Code 2019 |
Intérêts de la réforme |
Catégorisation des contrats pétroliers
Mécanismes de transmission et de renonciation |
Art.13, 14, 15, et 16
Art. 17, 18, 19 et 20 |
Art.14, 15, 16, 17 et 18
Art. 19, 22 et 26 |
Introduction du contrat de services à risques
Institution d’un formalisme concernant la transmission du contrat pétrolier et des autorisations inhérentes |
Contenu local |
Art.76 et Art.77 |
Art. 86, 87, 88, 89, 130 (f) et 132 (d) |
Détermination du contenu local et sanction en cas de non-respect des engagements contractuels y relatifs |
Instauration des mesures incitatives à l’investissement |
N/A |
Art. 128 et 129 |
Attractivité du droit minier camerounais |
Réaménagement de la fiscalité pétrolière |
Art.96 (1), 97 et Art. 108 |
Art. 107 (1), 110 (1), 116 (3) et 118 (1) |
Au niveau fiscal : -Revue à la baisse du taux de l’IS à 35% ; – Bonus de signature obligatoire; – Exonération de Taxe Spéciale sur les Produits Pétroliers (TSPP) |
Mise en place de sanctions spécifiques en cas de non-respect des règles applicables |
Art. 62 (1) |
Art. 130, 131 et 132 (2) |
Infractions inhérentes aux obligations contractuelles ; Amendes de 75 000 0000, 200 000 000 et 500 000 000 frs CFA Retrait de l’autorisation et/ou déchéance du contrat pétrolier |
Mouhamed Kébé Avocat, Managing Partner, SCP Géni & Kebé