- Entrepreneuriat et formation des jeunes : Les nouveaux visages de la philanthropie africaine
- Tony Elumelu au Nigeria
- Mostafa Terrab au Maroc
- Patrice Motsepe en Afrique du Sud
- Othman Benjelloun au Maroc
- Francois van Niekerk en Afrique du Sud
- Mo Ibrahim au Soudan
- Moulay Hafid Elalamy au Maroc
- Theophilus Danjuma au Nigeria
- Donald Gordon en Afrique du Sud
- Mark Shuttleworth en Afrique du Sud
- Jim Ovia au Nigeria
- Arthur Eze au Nigeria
- Président Fondateur de Heirs Holdings : « L’Africapitalisme est un humanisme »
Par «Africapitalisme», Tony Elumelu entend appliquer à la philanthropie les règles de bonne gouvernance des entreprises. Il veut accompagner un millier de jeunes entrepreneurs, par un financement, un tutorat et un réseautage qui en feront de futures réussites. Il estime qu’accompagner le privé est la meilleure manière de créer de la richesse et de favoriser l’émergence économique de l’Afrique.
AFRIMAG: La Fondation Tony Elumelu vient de lancer un appel à candidatures auprès des jeunes entrepreneurs africains dans le cadre du Tony Elumelu Foundation Entrepreneurship Programme (TEEP). Qu’est-ce qui vous a motivé à initier un tel programme ?
Tony Elumelu : Je crois que la clé du développement du continent est entre les mains de l’entrepreneur africain. L’entrepreneuriat nous permet de prendre en main notre avenir collectif, de démontrer le rôle central du leadership dans les affaires de notre continent. Nul ne développera l’Afrique, si ce n’est nous-mêmes. Etre en mesure de le faire dans une Afrique qui part avec le handicap des préjugés négatifs persistants, montre notre détermination. Nous croyons que les entrepreneurs débutants modestement peuvent survivre et prospérer. La façon dont certains d’entre nous en sont parvenus est une excellente illustration du potentiel de réussite au niveau du continent. Ces réussites donnent de l’espoir à d’autres entrepreneurs en herbe, quel que soit leur pays d’origine.
Le succès est possible !
Un nombre insoupçonné de personnes peuvent joindre leurs mains aux nôtres pour résoudre les problèmes et aider à construire l’Afrique de nos rêves. J’ai eu la chance d’avoir un mentor : mon premier patron, Chief Ebitimi E. Banigo. Il a fait de moi, le chef d’entreprise que je suis aujourd’hui. C’est une telle chance que je voudrais la partager en l’institutionnalisant à travers la fondation TEEP, offrant aux entrepreneurs africains les outils dont ils ont besoin afin de réussir à aider et à transformer l’Afrique. C’est beaucoup plus qu’une initiative de financement ou un simple réseautage. C’est un acte de foi.
Nous voulons être un déclencheur pour la création de richesse économique et sociale, en ligne avec les principes de l’Africapitalisme.
Comment se décline ce programme ?
Le Programme entrepreneuriat de la Fondation Tony Elumelu (ndlr : désigné par l’acronyme, TEEP) recherche et soutient la croissance des entrepreneurs africains dans tous les domaines. Le portail des demandes pour le programme sera ouvert le 1er janvier 2015, pour se fermer deux mois plus tard, c’est-à-dire le 1er mars. Le Comité de sélection, venant des quatre coins du continent, examinera les demandes et sélectionnera 1000 entrepreneurs à prendre part au programme. La formation et l’accompagnement se fera d’avril à juin. En juillet, les startups africaines participeront à un stage intensif de trois jours et au Forum Elumelu de l’Entreprenariat à Lagos où ils seront présentés au premier fonds de capital amorçage.
Entre août et décembre, les startups travailleront avec notre équipe d’experts et de mentors sur l’achèvement de leurs business plan. Ils obtiendront leur diplôme du programme en décembre et rejoindront le réseau des anciens. Ils auront un accès continu à la bibliothèque en ligne, en réseau avec des contacts individualisés. Ils auront enfin accès à la prochaine étape de financement des immobilisations.
A travers le Tony Elumelu Foundation Entrepreneurship Programme, vous cherchez à développer 10000 startups, générer 1 million d’emplois et 10 milliards de dollars US de revenus au cours des 10 prochaines années. Cet objectif n’est-il pas trop ambitieux?
Nous appliquons à la philanthropie les règles de gestion de l’entreprise. Nous croyons que ce qui est mesuré est fait, donc quand les objectifs sont précis et mesurables, ils sont à moitié atteints. Nous voulons que vous ou d’autres puissent en témoigner. Aussi ambitieux qu’il y paraît, je crois que ses objectifs sont réalisables. Nous cherchons à créer les prochaines UBA (ndlr : la banque qu’il a fondée) et de voir les jeunes africains nous surpasser, mes contemporains et moi, dans les affaires.
En Afrique, contrairement à vous, de nombreux mécènes ont plutôt opté pour les programmes sociaux où les besoins des populations du continent sont énormes. Comment expliquez-vous votre choix par rapport à tout cela ?
Ma philosophie de l’Africapitalisme préconise le rôle du secteur privé dans le développement de l’Afrique. Cela passe par des investissements à long terme dans les secteurs stratégiques de l’économie qui sont mieux à même de créer de la prospérité économique et la richesse sociale. Elle appelle les Africains et non-Africains à repenser la meilleure façon de canaliser leurs efforts et investissements sur le continent. L’entrepreneuriat est, à mon avis, le moyen le plus efficace pour catalyser la croissance soutenue en Afrique. Le fait est que dans les années à venir, les entrepreneurs africains s’approprieront les principes clés de l’Africapitalisme : c’est à la fois nécessaire et possible pour les entrepreneurs et la société de prospérer simultanément. L’impact de transformation de la croissance économique déclenchée par notre classe entrepreneuriale éclipsera les résultats obtenus par l’approche axée sur l’aide au développement de l’Afrique.
Nombreux sont ceux qui estiment qu’à travers votre démarche, vous cherchez à influer sur les politiques publiques dans les pays africains pour qu’elles soient plus favorables aux entrepreneurs mais aussi à favoriser des levées de fonds pour financer de nouveaux projets. Qu’en pensez-vous?
Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire par la collecte de fonds, mais laissez-moi vous expliquer ce que nous essayons de réaliser. Tout d’abord, nous partons du principe que l’on peut créer de la richesse, résoudre les problèmes sociaux, créer des emplois durables en donnant aux entrepreneurs et au secteur privé. Nous croyons également que le gouvernement ne doit pas être le seul à offrir des services sociaux ou des biens publics. Nous croyons que si nous essayons de tels programmes et en démontrons le succès, il permettra aux gens de développer des idées et c’est un débat sain à tenir. En fin de compte, l’objectif est d’apporter un développement durable en Afrique pour le bénéfice des Africains.
Pour favoriser davantage la croissance économique africaine, à travers l’émancipation de l’entreprenariat africain, vous vous êtes associé, notamment à Tony Blair et son Africa Governance Initiative (AGI). En quoi consiste concrètement ce partenariat?
Le Programme d’aides Blair-Elumelu, était un partenariat entre l’Initiative de gouvernance pour l’Afrique (IGA) de Tony Blair et la Fondation Tony Elumelu qui soutient la réforme des gouvernements africains pour promouvoir le développement économique durable. La Fondation Tony Elumelu et AGI ont partagé le coût des aides Blair-Elumelu soutenant l’offre de travail dans une entreprise ou organisme public ou privé des pays africains en post-conflit. Les Aides Blair-Elumelu fournissent la capacité stratégique qui contribue à stimuler la croissance du secteur privé en aidant le gouvernement à créer l’environnement propice aux affaires, tout en améliorant les compétences du personnel des départements ministériels. Il y a actuellement 2 programmes d’aides Blair-Elumelu initiés en Sierra Leone et au Libéria, en pleine épidémie d’Ebola.
Comment voyez-vous la génération actuelle de jeunes entrepreneurs africains ?
Je pense qu’il y a tellement de talents mal exploités ou mal pourvus en Afrique. C’est une nouvelle génération qui n’a pas peur de sortir des sentiers battus et de défier les stéréotypes. Au cours des vingt dernières années, que j’ai passées en tant que banquier panafricain, j’ai eu l’occasion de rencontrer des centaines d’entrepreneurs, comme moi, dans toute l’Afrique, dont beaucoup de jeunes gens, avec des rêves incroyables et des idées d’affaires, mais sans l’expérience ou l’accès à l’accompagnement et au soutien requis pour développer un business-plan bancable.
J’ai aussi rencontré des entrepreneurs qui ont déjà lancé des entreprises chez nous et ont des idées fines sur la demande des consommateurs locaux. Ils peuvent repérer les besoins de produits et services spécifiques sur le marché. Ils peuvent tirer parti des réseaux solides. Avec un simple graveur ils vous créent des solutions innovantes, souvent perturbantes, relevant des défis complexes. Ce sont ces gens qui peuvent bâtir notre avenir, mais qui manquent souvent de capital ou de soutien pour que leur petite entreprise accède aux marchés nationaux ou régionaux.
Je crois que nous ne pouvons pas nous permettre de gaspiller ces talents et je veux fournir les ponts qui facilitent cette prochaine étape.
Vous êtes un des concepteurs de l’Africapitalisme. Que recouvre pour vous ce néologisme ?
Comme je le disais avant, l’Africapitalisme est une philosophie économique définie comme : l’engagement du secteur privé au développement de l’Afrique, grâce à des investissements à long terme dans les secteurs stratégiques de l’économie qui créent de la prospérité et de la richesse sociale. Il se concentre sur la croissance du secteur privé en tant que principal moteur de développement pour l’Afrique, plutôt que les dépenses publiques (qui sont souvent inefficaces) ou l’aide extérieure. L’Africapitalisme affirme la primauté de l’Afrique dans la création de sa meilleure voie à suivre concernant ce qui est important pour les Africains. Il appelle à un nouveau type de capitalisme : une version dans laquelle l’Afrique surpasse d’autres continents et crée une économie plus large, plus inclusive et plus durable pour le bénéfice de tous les Africains.