Le monde entier n’en revient pas et les médias discutent en boucle de l’idée du président Donald Trump d’acquérir la très grande île

danoise appelée Groenland, qui bénéficie d’un statut de territoire autonome sous la souveraineté du Royaume du Danemark. Cet article se veut une modeste contribution pour présenter cette affaire au public d’un point de vue historique
Donald Trump n’a pas attendu le début de son deuxième mandat pour remettre sur la table cette

proposition d’acquérir l’immense île danoise du Groenland en Arctique. Il l’a faite pendant sa campagne électorale et a ravivé cet intérêt après avoir déclaré, le 22 décembre 2024, sur son compte Truth Social : «pour des raisons de sécurité nationale et de liberté dans le monde entier, les États-Unis d’Amérique estiment que la propriété et le contrôle du Groenland sont une nécessité absolue.» Pour lui, c’est aussi simple que cela.
Avant le voyage de son fils au Groenland le 7 janvier, Donald Trump a écrit encore sur Truth Social que « le Groenland est un endroit incroyable, et les gens en bénéficieront énormément si, et quand, il deviendra une partie de notre nation» et qu’«un accord qui doit se réaliser.»
Lors d’une conférence de presse, le 7 janvier 2025, le président américain a déclaré qu’il ne pouvait pas exclure de recourir à la coercition militaire ou économique pour s’emparer du Groenland ou du canal de Panama.
Les réactions de la classe politique et du gouvernement danois sur cette fixation du président américain ne se sont pas fait attendre. «Le Groenland a clairement fait savoir qu’il n’était pas à vendre», a déclaré, le 7 janvier 2025, la Première ministre danoise Mette Frederiksen. L’obsession du président élu Donald Trump. Elle a souligné que le Premier ministre groenlandais Múte Egede « a été très, très clair… qu’il y a un large soutien parmi la population du Groenland sur le fait que le Groenland n’est pas à vendre et ne le sera pas non plus à l’avenir ».
La proposition du Président américain renvoie simplement à un procédé déjà utilisé pour l’achat de certains territoires de grands États comme : la Louisiane (France en 1803 à $15, 000,000), la Floride (Espagne en 1819 à $5, 000,000) et le Nouveau Mexique (Mexique en 1848 à $15, 000,000).
Intérêt personnel ou stratégique ?
Le président Trump n’est pas à sa première tentative dans ce sens. Il avait également avancé cette proposition en 2019, lors de son premier mandat, ce qui a suscité une réaction musclée de la part de la première ministre Frederiksen, elle-même, qui avait qualifié d’« absurde » la tentative de Trump.
Pour elle, prenant un ton diplomatique, « il appartenait aux Groenlandais de décider de leur propre avenir. Elle avait souligné que « le Groenland fait partie du Royaume du Danemark et que toute discussion sur son avenir devrait impliquer le Danemark, le Groenland et les îles Féroé, plutôt qu’une offre unilatérale des États-Unis.»
«Je constate chez de nombreux Groenlandais un fort désir d’avancer vers l’indépendance », a-t-elle déclaré à ce moment-là. « C’est légitime, et c’est pourquoi je pense qu’il est important que l’avenir du Groenland soit façonné à Nuuk [la capitale groenlandaise].»
En réalité, et en vertu d’un accord de 2009 avec le Danemark, le Groenland ne peut déclarer son indépendance qu’après un référendum réussi – dont le dirigeant Egede semble avoir laissé entendre, lors de son discours du Nouvel An, qu’il pourrait être organisé en même temps que les prochaines élections parlementaires de l’île en avril de cette année. Ce qui montre que la question d’indépendance est posée et reste ouverte. Cependant, le précédent des îles Féroé laisse planer un doute sur la réalisation d’une telle opération.
Toutefois, la couverture médiatique de l’actuelle proposition de Trump reste en grande partie centrée sur les discussions autour de son personnage et du « Trumpisme » comme un nouveau phénomène politique qui peut chambouler le paysage américain et l’ordre mondial.
Mais la réalité de son intérêt, apparaissant comme mercantile, réside dans l’importance stratégique du Groenland qui sert déjà comme un œil américain sur tout ce qui se passe dans la mer du Nord et la région arctique, y compris sur la route maritime du Nord qui est contrôlée par la Russie.
De même, cette grande île dispose de nombreuses ressources naturelles stratégiques, pas seulement des hydrocarbures, mais aussi des terres rares et de l’uranium. Elle abrite surtout depuis longtemps une grande base militaire américaine et d’autres installations.
D’une manière plus générale, les États-Unis portent un intérêt particulier à sécuriser l’accès à ces ressources, notamment aux minéraux des terres rares et au pétrole, en particulier dans la mesure où la fonte des glaces ouvre de nouvelles réserves minérales et énergétiques.
Bien que la souveraineté du Groenland complique la tâche des États-Unis pour accéder à ces ressources, l’importance géostratégique de l’Arctique pourrait inciter les entreprises américaines et le gouvernement à s’engager dans des efforts de coopération avec le Groenland pour exploiter ces ressources.
Le Groenland n’a pas encore pleinement exploité ses réserves énergétiques, alors que la demande mondiale croissante en minéraux utilisés dans les industries de haute technologie et les énergies renouvelables crée une opportunité économique future.
Pour mieux comprendre la situation, il faudrait revenir en arrière pour un bout d’histoire qui aiderait à comprendre les tenants et aboutissants de la boulimie stratégique américaine
Une histoire chargée
L’histoire des explorateurs étrangers à ce territoire a commencé avec l’arrivée des Vikings norvégiens en 985 de notre ère, lorsque l’explorateur norvégien appelé « Erik le Rouge » a établi une colonie sur la côte sud-ouest du Groenland, la nommant « Groenland » pour attirer les colons, malgré ses conditions glaciales. Son fils, Leif Erikson, est reconnu pour avoir exploré certaines parties de l’Amérique du Nord, atteignant probablement ce qui est aujourd’hui Terre-Neuve au Canada.
Les colonies nordiques au Groenland ont duré plusieurs siècles, avec un pic d’environ 3 000 personnes. Ils vivaient principalement de l’agriculture, de la chasse et du commerce. Cependant, vers les années 1400, ces colonies ont commencé à décliner, probablement en raison du changement climatique (le Petit Âge glaciaire), de l’isolement et de possibles conflits avec les Inuits.
Le Danemark et la Norvège ont une très longue histoire commune : ils faisaient tous deux partie de l’Union de Kalmar entre 1397 et 1523 (une certaine forme de confédération entre rois), et la Norvège était en union avec le Danemark entre 1524 et 1814.
Au début du XVIIIe siècle, le Danemark et la Norvège, en tant que royaumes unis, ont réaffirmé leur contrôle sur le Groenland, avec l’arrivée de missionnaires danois en 1721. Ils ont introduit le christianisme auprès des Inuits, qui avaient, eux, leurs propres croyances traditionnelles. Mais le Danemark finit par prendre le contrôle total du Groenland après la séparation de la Norvège en 1814.
Le Groenland est devenu largement isolé, en tant que territoire danois, pendant une grande partie du XIXe siècle, mais le Danemark a exploité les ressources naturelles de l’île, notamment les poissons et la fourrure de phoques.
Après la défaite des guerres napoléoniennes en 1814, le roi du Danemark fut contraint de céder la Norvège à la Suède, mettant fin au rôle du royaume en tant que puissance européenne de taille moyenne. 1814 marque également la fin d’un colonialisme expansif – quoique modeste. Le Danemark-Norvège avait acquis ses colonies au cours des XVIIe et XVIIIe siècles pour des raisons économiques.
Au cours du XIXe siècle, le Danemark s’est séparé de ses territoires coloniaux, désormais considérés comme un fardeau économique pour un État considérablement réduit. Les colonies indiennes furent vendues en 1845 et les forts africains en 1850, dans les deux cas à la Grande-Bretagne. À partir des années 1860, des acheteurs sont recherchés pour les îles des Caraïbes. Finalement, Saint-Thomas, Saint-Jean et Sainte-Croix furent vendues aux États-Unis en 1917 – à la suite d’un référendum au Danemark (mais pas sur les îles) – et devinrent les îles Vierges américaines.
Le Groenland était l’exception. Les raisons du renouvellement des relations avec le Danemark à partir de 1721 ne peuvent être réduites à des raisons économiques ; et tout au long du XIXe siècle, le Danemark a consolidé sa domination et a même établi une présence sur la côte est, peu peuplée.
En 1933 encore, le Danemark a dû repousser une revendication norvégienne sur certaines parties du Groenland oriental devant la Cour internationale de justice de La Haye. Après la Seconde Guerre mondiale, le Danemark a été contraint de redéfinir ses relations avec le Groenland, car les Nations Unies avaient tendance à le définir comme un « territoire non autonome ». Cela a abouti à l’incorporation du Groenland en tant que comté (région) danois en 1953, ce qui signifie que le Groenland avait le droit d’avoir deux membres élus au Parlement danois. Cette decision a obtenu les suffrage des Nations unies.
Le XXe siècle a été marqué par des changements progressifs, passant d’une gouvernance de style colonial du Danemark à une autodétermination et une autonomie croissante du Groenland, mais il a également été façonné par des forces géopolitiques, économiques et culturelles qui ont influencé à la fois le Groenland et le Danemark.
En 1953, le Groenland a été officiellement intégré au Royaume du Danemark en tant que province officielle (au lieu d’une colonie). Il a obtenu son nouveau statut en 1979, ce qui lui a permis de bénéficier d’une plus grande autonomie, notamment en ce qui concerne le contrôle des affaires locales.
Alors que les questions de défense et de politique étrangère de ce territoire autonome sont largement coordonnées avec le Danemark, les États-Unis entretiennent des relations étroites avec le Danemark, notamment au sein de l’OTAN, ce qui permet à l’armée américaine d’accéder aux bases du Groenland. Cette relation offre déjà aux États-Unis la capacité de déployer des moyens militaires au Groenland sans avoir besoin d’une souveraineté directe sur l’île.
La Seconde Guerre mondiale a marqué un tournant majeur dans les relations entre le Danemark et le Groenland, car le conflit mondial a provoqué à la fois un changement de gouvernance et une augmentation de l’importance stratégique du Groenland. Il est à noter qu’en 1940, durant la seconde guerre mondiale, l’occupation allemande du Danemark a coupé le Groenland du contrôle et de l’approvisionnement danois, laissant le Groenland dans une sorte de vide politique.
Le gouvernement danois était en exil à Londres et le Groenland, sans contrôle direct du Danemark, commença à fonctionner de manière plus indépendante. Cette période marque la première fois que le Groenland est devenu largement autonome, même si le Danemark n’a pas officiellement renoncé à son contrôle.
L’île est devenue un territoire stratégique important à la fois pour les Alliés et pour l’Allemagne nazie, car elle était utilisée lors de la bataille de l’Atlantique. Ainsi, le ministre danois représentant son pays aux États-Unis, Henrik Kauffmann –qui avait refusé de reconnaître l’occupation allemande du Danemark –a signé un traité avec les États-Unis le 9 avril 1941, accordant la permission d’établir des stations au Groenland, et cela à l’insu du gouvernement danois. Par conséquent, le gouvernement danois l’a accusé de haute trahison et l’a renvoyé ; mais rien de tout cela n’a eu de résultat.
De ce fait, une série de 14 bases américaines ont été construites sur les côtes ouest et est du Groenland pour assurer le transport des avions vers l’Europe et pour fournir des bases aux forces américaines, canadiennes et britanniques pour attaquer les sous-marins allemands. Par conséquent, et puisqu’il était difficile pour le gouvernement danois de gouverner l’île pendant la guerre, le Groenland a fini par bénéficier d’un statut plutôt de presque indépendance. Son approvisionnement était garanti par les États-Unis.
Après la Seconde Guerre mondiale, les relations entre le Groenland et le Danemark ont commencé à évoluer d’un contrôle colonial vers un partenariat plus intégré. Toutefois, d’importants problèmes de dépendance, de disparité économique et de contrôle local subsistaient. En 1951, pendant la guerre froide, le Groenland est devenu stratégiquement important pour les États-Unis et le Danemark.
Il était devenu évident, durant la guerre froide, que les États-Unis s’impliquaient de plus en plus dans la coopération arctique avec le Groenland et le Danemark, en particulier dans un contexte où le changement climatique modifiait la région et ses vastes terres sous la glace.
L’Armée et d’autres entités américaines collaborent régulièrement avec les autorités groenlandaises en matière de recherche et de sauvetage, de surveillance environnementale et de sécurité dans l’Arctique.
Le Groenland, convoitises géostratégiques
Cependant, l’intérêt pour cette région arctique ne se limite pas aux seuls Américains, car il y a depuis quelques années une course soutenue pour la conquête de ses ressources naturelles et pour le positionnement stratégique au pôle Nord de la part de la Russie et d’autres pays européens, notamment scandinaves, qui y ont accès.
Le Groenland est également un élément stratégique de l’infrastructure de défense de l’OTAN, notamment en ce qui concerne la défense de l’Atlantique Nord. La situation géographique du Groenland offre à l’Alliance un pont essentiel entre l’Amérique du Nord et l’Europe, crucial pour la surveillance, les systèmes d’alerte précoce et les opérations militaires, notamment vis-à-vis de l’URSS et la Russie par la suite.
Le Groenland était et est encore un lieu idéal contrôlant des parties du passage entre les ports de l’océan Arctique de l’Union soviétique et l’océan Atlantique, ainsi qu’étant une base idéale pour observer toute utilisation de missiles balistiques intercontinentaux, généralement supposés pouvoir passer au-dessus de l’océan Atlantique.
Dès lors, un premier projet d’achat du Groenland par les États-Unis a été proposé au Danemark en 1946, pour la somme de 100 000 000 $, mais le Danemark l’a rejeté. En 1951, le traité de 1941 a été remplacé par un autre, et la base aérienne de « Thulé » est devenue permanente. En 1953, certaines familles autochtones furent contraintes par le Danemark de quitter leurs foyers et de faire place à l’extension de la base, qui est devenue une source de friction entre le gouvernement danois et le peuple groenlandais.
Dans ce sens, lors du crash d’un avion B-52 de la base aérienne, le 21 janvier 1968, quatre bombes à hydrogène ont contaminé la zone avec des débris radioactifs. Bien que la majeure partie de la glace contaminée ait été nettoyée, l’une des bombes n’a pas été retrouvée et a été toujours portée disparue jusqu’en 2022.
Un scandale a éclaté au Danemark en 1995, surnommé Thulegate, qui a mis en évidence que des armes nucléaires étaient régulièrement présentes dans l’espace aérien du Groenland dans les années précédant l’accident et que le Danemark avait tacitement donné son feu vert à cette activité malgré sa politique officielle « sans nucléaire ».
Les États-Unis ont depuis modernisé leur système d’alerte précoce contre les missiles balistiques en le dotant de radars à balayage électronique, mais les opposants à cette présence affirment que le système représente une menace pour la population locale, car elle serait ciblée en cas de guerre nucléaire.
La fin de non-recevoir du Danemark
Durant ce 21ᵉ siècle, avec l’intérêt croissant pour l’Arctique, le changement climatique qui ouvre les voies de navigation dans la région et la concurrence géopolitique croissante, l’importance stratégique de la base de Thulé a refait surface. Les États-Unis ont envisagé d’améliorer ses capacités pour répondre aux menaces de la Russie et de la Chine. Cela comprend des systèmes radar avancés, une surveillance spatiale et des systèmes de défense antimissile pour se protéger contre les armes hypersoniques ou les menaces de missiles balistiques provenant d’adversaires potentiels.
Ainsi, dans le cadre de la stratégie arctique de l’armée américaine, cette base pourrait servir de point de départ pour des forces de réaction rapide et de soutien aux opérations militaires dans l’Arctique, qui sont de plus en plus considérées comme des régions extrêmement volatiles en cas de conflits futurs.
De même, alors que la Chine cherche à accroître sa présence dans l’Arctique, notamment en ce qui concerne les routes minières et maritimes, les États-Unis ne manquent pas d’exprimer leurs inquiétudes quant à l’influence et à l’appétit chinois pour le Groenland. Les États-Unis prêtent une grande attention à la lutte contre les investissements chinois dans les ressources naturelles du Groenland, considérant ces investissements comme une menace géopolitique potentielle si la Chine devait gagner trop d’influence dans la région.
Le Groenland est également de plus en plus considéré comme un acteur clé dans les efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique. La fonte de la calotte glaciaire du Groenland affecte le niveau de la mer dans le monde entier et représente un défi environnemental important.
Les États-Unis portent un intérêt direct à surveiller les conditions climatiques du Groenland, d’autant plus que l’Arctique se réchauffe deux fois plus vite que la planète. Des équipes de recherche travaillent depuis longtemps aux côtés de scientifiques groenlandais pour suivre les changements environnementaux et leurs implications pour les États-Unis et la sécurité mondiale.
Il apparait ainsi que l’importance géostratégique du Groenland pour les États-Unis est multiforme, allant de son rôle essentiel dans la défense de l’Amérique du Nord à son importance croissante dans la géopolitique de l’Arctique et des ressources naturelles.
Le Groenland sert déjà, en effet, de plaque tournante militaire pour les États-Unis concernant la défense antimissile. Il permet un accès aux routes de navigation de l’Arctique et offre une position clé face à la concurrence accrue de la Russie et de la Chine.
Bien que le Groenland ne soit pas contrôlé par les États-Unis, son statut de territoire autonome au sein du Royaume du Danemark garantit déjà que les États-Unis peuvent continuer à utiliser des installations militaires comme la base aérienne de « Thulé » tout en maintenant un partenariat stratégique solide à la fois avec le Danemark et avec le Groenland.
À mesure que la région arctique devient plus accessible, en raison du changement climatique, les ressources du Groenland, son positionnement militaire et ses fonctions de lieu de surveillance du climat ne feront que gagner en importance pour les États-Unis.
Dans ce sens, la base aérienne de Thulé représente un pôle stratégique dans la région arctique, en tant que base militaire la plus septentrionale, située dans le nord du Groenland, à environ 1207 km du pôle Nord
Thulé a joué un rôle énorme pour la défense et le positionnement stratégique des États-Unis depuis des décennies en tant qu’héritage de la guerre froide vis-à-vis de l’Union soviétique, quand cette base était principalement utilisée comme un avant-poste militaire pour surveiller l’activité soviétique et fournir une dissuasion nucléaire afin de protéger l’Amérique du Nord.
L’emplacement de Thulé en faisait un site idéal pour les systèmes d’alerte précoce et des stations radar pour suivre les bombardiers ou les missiles soviétiques probables se dirigeant vers l’Amérique du Nord, opérant dans le cadre du réseau NORAD (North American Aerospace Defense Command).
La base était également un point de lancement critique pour les États-Unis des bombardiers à capacité nucléaire, qui pourraient être déployés rapidement pour répondre aux menaces soviétiques.
Actuellement, Thulé reste une installation militaire clé pour les systèmes d’alerte précoce contre les missiles balistiques, qui suit les lancements de missiles au-dessus de l’Arctique et fournit des données cruciales aux États-Unis. Elle fait partie du réseau mondial de défense antimissile des États-Unis, qui fonctionne en tandem avec d’autres installations en Alaska et sur le continent américain pour détecter et intercepter les menaces entrantes.
Des options risques de sortie de l’impasse
La base abrite aussi le radar PAVE PAWS, qui est un système de pointe qui suit les objets dans l’espace tels que les satellites ou les projectiles potentiellement hostiles, donnant aux États-Unis un avertissement précoce concernant les menaces provenant de lancements de missiles, de collisions de satellites ou de débris en orbite terrestre.
Par ailleurs, « Thulé » est utilisée par les forces aériennes américaines (USAF) et la marine pour des opérations de transport aérien stratégique dans l’Arctique et l’hémisphère nord : transport de personnel, d’équipement et de fournitures pour des exercices ou des opérations militaires dans l’Arctique ou en Europe du Nord.
A présent, et à nouveau, la réaction du gouvernement et de la classe politique du Danemark aux propos de Donald Trump ne s’est pas fait attendre. Alors qu’en général le rejet est sans équivoque, plusieurs responsables n’ont trouvé mieux que de considérer la proposition d’achat du Groenland comme une blague de mauvais goût.
Cependant, une grande partie de l’opinion publique reste incrédule et même dubitative, sans cacher la forte crainte de ce que le président de la première puissance mondiale pourrait faire par la suite et comment il pourrait gérer le nouveau rejet du Danemark.
Suite à un entretien téléphonique avec Donald Trump, le 15 Janvier 2025, quelques jours avant son investiture, la Première Ministre danoise, Mette Frederiksen, a déclaré qu’elle ne voit pas de raison pourquoi Trump ne serait pas sérieux concernant son projet.
S’adressant au Financial Times, des responsables ont déclaré que Trump, alors encore président élu, s’était entretenu avec Frederiksen pendant 45 minutes, au cours desquelles il a été décrit comme étant agressif et conflictuel au sujet du refus de Frederiksen de vendre le Groenland aux États-Unis.
Force est de constater que l’environnement international,en proie à des bouleversements actuels et à venir, et la fragilité de l’Union Européenne et de ses États face à la puissance américaine, ne laissent pas indifférents les politiciens et la population au Danemark.
Il est évident que personne ne peut prétendre lire dans les pensées et les visées du Président Trump et de son équipe, dans l’attente de voir ses décisions et son comportement concernant les questions d’actualité internationale et vis-à-vis des autres superpuissances.
Il est certain que l’appartenance à l’Alliance atlantique (l’OTAN) ne garantit pas d’être à l’abri de sa prédation ou de faire l’objet de représailles de la part des États Unis, que ce soit pour des raisons de commerce ou autres ; d’où lacomplexité de la situation insoutenable du Danemark (moins de 6 millions d’habitants en 2024) dans son face-à-face avec l’homme le plus puissant du monde.
Pour sa part, alors que le Groenland a obtenu encore plus d’autonomie, grâce à la loi sur l’autonomie gouvernementale, en 2009, lui accordant le contrôle de la plupart des questions intérieures, le Danemark gère la politique étrangère, la défense et la politique monétaire.
Cependant, le territoire de l’île est confronté à de nouveaux défis, notamment le changement climatique qui modifie radicalement son écosystème. Le potentiel d’exploitation des ressources naturelles du Groenland (telles que les minéraux, le pétrole et le gaz) a aussi attiré l’attention et l’appétit du monde entier.
Sur le plan intérieur, un débat est en cours sur la question de savoir si le Groenland doit demander son indépendance totale vis-à-vis du Danemark. Bien qu’il existe un fort sentiment d’identité parmi les Groenlandais, le territoire reste fortement dépendant du Danemark en termes de soutien financier et économique.
Le spectre politique au Groenland reflète une gamme de positions au sujet du chemin complexe vers l’indépendance, allant de la voie progressive prônant une approche prudente de l’indépendance à la position plus indépendantiste considérant l’indépendance totale comme un objectif souhaitable.
La tendance générale est que, même si l’aspiration à une indépendance totale est forte, les préoccupations économiques et le besoin de stabilité et de développement signifient que l’indépendance totale comporte des risques. De nombreux Groenlandais souhaitent s’assurer que toute démarche vers l’indépendance soit à la fois politiquement et économiquement viable avant de rompre les liens avec le Danemark.
Le spectre « d’un hold-up » américain pousse les Groenlandais à réfléchir par deux fois sous peine de sortir d’un statut qui leur permet de jouir pleinement de leur autonomie vers celui d’être totalement submergées par des appétits stratégiques étrangers qui ne leur bénéficieraient sans doute guère.
C’est dans ce contexte politique complexe que la proposition de Donald Trump représente une option différente pour les indépendantistes, ce qui ne fait que rendre encore plus difficile et insoutenable la situation des responsables politiques tant au Danemark qu’au Groenland.
Cet épisode a mis en évidence la complexité des relations internationales, notamment en matière de souveraineté territoriale, et a démontré à quel point un commentaire désinvolte sur les réseaux sociaux peut chambouler les perceptions déjà dichotomiques de la géopolitique post-Covid.