En vue de booster son économie, le gouvernement du Burundi continue de multiplier les sources de devises. En plus du café, du thé, des minerais critiques, …, le pays peut compter désormais sur l’exportation de l’avocat, fruit magique paré de toutes les vertus. Le but visé étant d’exporter 11 millions de tonnes par an d’ici 2030

«Le gouvernement a réalisé que l’avocat est le meilleur produit qui peut apporter des devises au pays et renforcer l’économie nationale une fois développé et exporté», indique Mme Chantale Nijimbere, ministre du Commerce.
Pour réussir ce challenge, elle estime qu’il est important de mettre en place des mesures dont l’installation d’un centre de collecte au niveau national. Et ce dernier existe déjà dans la commune de Giteranyi, province de Muyinga, au nord du pays.
La production d’avocat n’est pas d’ailleurs nouvelle dans ce pays de l’Afrique de l’Est au climat doux sur une bonne partie de l’année. Dans le pays, des milliers d’avocatiers existent !
De son côté, Prosper Dodiko, ministre burundais de l’Agriculture, indique que jusqu’à maintenant, une grande partie de la production était destinée à la consommation locale. Mais, désormais, souligne-t-il, la filière comprend deux volets : une agriculture de subsistance et une autre orientée vers le marché international. «Cette dernière est réservée aux multiplicateurs des semences et les grands opérateurs du secteur agricole», nuance-t-il, précisant que chaque producteur d’avocat est libre de faire la prospection des marchés extérieurs.
Des coopératives agricoles

Sur le terrain, des coopératives sont déjà nées et travaillent d’arrache-pied pour améliorer cette filière. A Nyabihanga, province du Mwaro, au centre du pays, NAVOFA (Nyabihanga Avocado Farmers) est une coopérative qui s’est chargée de la multiplication des plants, de la production d’avocats et de sa commercialisation.
Jean Marie Vianney Hitimana, Président du Conseil d’administration de la coopérative NAVOFA indique qu’ils ont déjà une pépinière de plus de 13 000 plants. «Les membres de notre coopérative sont en train de préparer des champs pour le repiquage. Nous voulons que d’ici novembre prochain, tous ces plants soient déjà dans les champs», a-t-il précisé. Il ne doute pas que ces avocatiers seront rentables : «en préparant notre pépinière, nous avons pris toutes les précautions afin de produire des plants de bonne qualité et productifs. Ils sont constitués à plus de 90% de la variété Hass qui est très prisée par les exportateurs.»
D’ailleurs, ajoute-t-il, cette variété est très recherchée pour ses dérivés comme l’huile, le savon et la crème pour les cheveux. Et pour rendre très productifs leurs plants, M. Hitimana fait savoir qu’on a fait le greffage. Il explique : «en fait, l’avocat greffé commence à donner des fruits après 8 ou 9 mois tandis qu’une bouture simple peut prendre 3 ans, voire plus pour donner des fruits.»
Il est convaincu qu’avec la production d’avocats pour l’exportation, des agriculteurs vont avoir de l’argent et la caisse de l’Etat va encaisser des devises.
D’autres coopératives se sont déjà lancées dans la défense des intérêts des agriculteurs. C’est le cas de Green Gold Burundi, qui représente plus de 200 000 agriculteurs.
Avec son siège à Kayanza, au nord du pays, elle se bat pour que les producteurs locaux ne soient pas exploités par des intermédiaires qui travaillent pour les exportateurs étrangers. Il faut noter qu’actuellement, beaucoup de tonnes d’avocats du Burundi sont exportées via la Tanzanie. Et ce, en attendant que les avocats venus du Burundi puissent atteindre la destination finale avec l’étiquette burundaise sans passer par des intermédiaires.
«La participation des coopératives est un pas important vers la régulation des exportations d’avocats du pays », avoue Ferdinand Habimana, vice-Président du conseil d’administration de Green Gold Burundi. Il signale que son entreprise est en train de travailler à ce que les avocats puissent arriver à la destination finale avec une étiquette du Burundi. Ce qui permettra d’augmenter les revenus des producteurs. En effet, explique-t-il, aujourd’hui, les 70 cent que les agriculteurs gagnent pour un kilo d’avocats sont encore trop peu lorsque les exportateurs obtiennent entre 3 et 5 dollars pour la même quantité sur les marchés internationaux.
Il signale d’ailleurs que le combat de Green Gold Burundi commence à donner des résultats. D’après lui, les paiements en devise forte sont désormais versés sur les comptes bancaires des coopératives d’agriculteurs qui paient directement leurs membres presque dès le départ pour l’embarquement de leurs productions.
Des défis à surmonter
S’exprimant sous l’anonymat, un agronome apprécie ce programme de développement de la filière avocat. Néanmoins, il trouve qu’il y a plusieurs défis qui risquent d’handicaper ce projet. Il cite par exemple, la pression démographique : «Cela entraîne l’exiguïté des terres cultivables. Or, si on veut réellement augmenter la production en quantité et en qualité, il nous faut des grandes plantations. Ce qui facilite le suivi, l’entretien, la lutte contre les parasites, etc.» Actuellement, le Burundi compte plus de 13 millions d’habitants sur une superficie de 27.834 km2.
Citant le gouvernement, il indique que chaque ménage est appelé à avoir au moins 10 avocatiers de l’espèce produisant des fruits exportables. Il s’agit là, selon cet agronome, de la variété mexicaine Fuerteou. Et de la Hass également qui est aujourd’hui abondamment commercialisée sur tous les marchés. «La Hass a une peau foncée et bosselée et une chair jaune vert brillante», décrit-il. Notre source souligne que si cette variété est cultivée dans des bonnes conditions, bien entretenue, un seul arbre peut donner jusqu’à une tonne d’avocats.
Autre défi est selon lui un manque de planification claire du gouvernement en la matière. «Contrairement au café, thé, etc., le commerce des avocats n’est pas encore coordonné par l’Etat. Des Tanzaniens, des Kenyans, … viennent ici au Burundi pour acheter des tonnes d’avocats et exporter à l’international sous l’étiquette de leurs pays. C’est une grande perte pour l’économie nationale. Apparemment, ce sont des privés, des coopératives qui se battent pour défendre cette filière.» Pour lui, le gouvernement devait fixer un prix minimum pour les agriculteurs et l’interdiction pour les négociants étrangers de traiter directement avec les agriculteurs, etc.
Pour sa part, Onésime Niyukuri, conseiller au département du Commerce extérieur du ministère des Affaires étrangères, affirme que le gouvernement est à l’œuvre pour rendre la filière attractive.
A titre illustratif, il signale qu’en vertu de la nouvelle réglementation, qui exige que les négociants étrangers s’enregistrent auprès des autorités locales, les exportateurs doivent soumettre des copies de leurs contrats d’approvisionnement et préciser les marchés vers lesquels sont exportés les avocats burundais. Il ajoute qu’un comité national de gestion de la filière a été mis en place par le gouvernement en collaboration avec les coopératives déjà existantes. M. Niyukuri précise que d’ici 2030, le Burundi vise l’exportation de 11 millions de tonnes d’avocats et le repiquage de 850 000 avocatiers en raison de 50 mille arbres par province.