Bien que l’Afrique ait été largement absente des débats lors de la présidentielle américaine, l’issue de cette élection aura néanmoins des répercussions notables sur le continent, en raison du rôle majeur joué par les États-Unis, notamment à travers leurs financements dans divers secteurs en Afrique ou encore la sécurité. La victoire de Donald Trump pourrait ainsi entraîner des changements significatifs dans la vie quotidienne des Africains. Analyse.
Durant son mandat de 2016 à 2020, Trump n’a effectué aucune visite officielle en Afrique, à l’inverse de ses prédécesseurs : Barack Obama a visité sept pays africains, et George W. Bush en a visité onze. Même les membres de son administration se sont déplacés avec parcimonie sur le continent. Son secrétaire d’État, Mike Pompeo, n’a effectué qu’un seul voyage en Afrique, au Sénégal et en Éthiopie, à la fin de son mandat, principalement, selon certains experts, pour contrer l’influence grandissante de la Chine, notamment sur le plan économique.
Pourtant, les subventions américaines influencent, par exemple, fortement les politiques de santé en Afrique, et ce second mandat de Donald Trump pourrait affecter ces financements. Le 14 avril 2020, Trump avait suspendu la contribution des États-Unis au budget de l’OMS, avant de décider, le 6 juillet, de s’en retirer — une décision annulée par Joe Biden. Par ailleurs, Trump avait rétabli la «politique de Mexico» (MCP), supprimant tout financement pour les organisations soutenant l’avortement. Instaurée en 1985 par Ronald Reagan, cette politique limite les fonds américains pour toute activité liée à l’avortement, affectant ainsi directement les organismes de planning familial.
Il faut dire que l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis a toujours suscité des débats passionnés, notamment sur l’impact de sa politique étrangère sur les relations internationales. Si son premier mandat a été marqué par des choix controversés et des stratégies d’isolement, la question de savoir ce que son retour à la Maison-Blanche signifierait pour l’Afrique est cruciale.
En effet, le continent africain, riche en ressources naturelles et en potentiel de croissance, joue un rôle stratégique croissant sur la scène mondiale. Les décisions prises par les États-Unis, en particulier sous la direction de Trump, peuvent avoir des répercussions profondes sur les économies, les sociétés et les gouvernements africains. Que va changer pour l’Afrique, ce nouveau mandat ?
Une diplomatie à l’image de Trump : isolée et transactionnelle
Sous la présidence de Donald Trump, la politique étrangère des États-Unis a été caractérisée par une approche plus unilatéraliste et transactionnelle. Loin des principes multilatéraux des administrations précédentes, Trump a privilégié des accords bilatéraux où les États-Unis imposaient leurs conditions, souvent au détriment de leurs alliés traditionnels. Cette approche pourrait se traduire par un éloignement des États-Unis des institutions internationales où l’Afrique a une place importante, comme les Nations Unies ou l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Le républicain a montré, lors de son premier mandat, une préférence pour les accords bilatéraux plutôt que les négociations multilatérales. Cette tendance pourrait se traduire par une réduction de l’implication des États-Unis dans les mécanismes africains, comme l’Union africaine (UA) ou la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Les États-Unis pourraient se désengager de certaines missions de maintien de la paix et de coopération diplomatique avec les pays africains. Cela pourrait créer un vide que d’autres puissances, comme la Chine ou la Russie, seraient susceptibles de combler. Son retour à la présidence pourrait aussi entraîner une approche plus pragmatique et moins idéologique dans les relations avec les pays africains, selon les observateurs. Là où des administrations précédentes ont mis l’accent sur des valeurs comme la démocratie, les droits de l’homme et la bonne gouvernance, Trump pourrait davantage se concentrer sur des intérêts économiques et géopolitiques immédiats. Cela pourrait conduire à des partenariats basés sur des critères économiques stricts, avec des pays africains cherchant à bénéficier de l’accès au marché américain et de l’Investissement Direct Étranger (IDE), tout en devant se plier à des conditions parfois perçues comme favorisant uniquement les intérêts des États-Unis.
Les enjeux économiques: vers un désintérêt pour l’Afrique ?
L’Afrique représente un marché en forte croissance, mais la politique économique de Trump, axée sur l’«America First» (l’Amérique d’abord), pourrait avoir des répercussions négatives pour le continent. Bien que certains secteurs puissent tirer parti de cette politique, comme les industries extractives, d’autres risques de souffrir d’un moindre intérêt américain pour les investissements en Afrique.
En 2023, l’administration Biden a affiché un bilan commercial record : le Département d’État a rapporté la conclusion de 547 accords pour un total de 14,2 milliards de dollars en nouveaux échanges et investissements entre les États-Unis et des pays africains, soit une hausse d’environ 60 % par rapport à 2022.
Un point clé de la politique commerciale sera la prolongation de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), un accord multilatéral initié en 2000 sous la présidence de Bill Clinton. Ce dispositif permet aux pays africains éligibles d’exporter plus de 6000 produits vers les États-Unis sans droits de douane, à condition de respecter une économie de marché ainsi que des valeurs de démocratie et de droits humains. En 2024, 32 pays africains bénéficient de l’AGOA, bien que l’administration Biden ait récemment suspendu l’Ouganda, le Niger, le Gabon et la Centrafrique pour manquement à ces critères. Avec l’AGOA arrivant à expiration en 2025, des négociations sont en cours pour une éventuelle extension de 16 ans. Le Congrès américain, dominé par les Républicains au Sénat, jouera un rôle crucial dans cette décision, un contexte qui confère à Trump et à ses alliés un poids considérable.
La première administration Trump avait, par ailleurs, lancé une autre initiative économique en Afrique : « Prosper Africa ». Ce programme vise à intensifier les échanges commerciaux et les investissements, ayant permis la conclusion de 2 498 transactions dans 49 pays africains, pour une valeur totale de 120,3 milliards de dollars, selon les données de Prosper Africa. Pour Trump, cette politique avait également un objectif géopolitique : freiner l’influence croissante de la Chine en Afrique, notamment en matière d’accès aux minerais stratégiques, un enjeu de rivalité qui continue de façonner les orientations de la politique américaine vis-à-vis de l’Afrique.
Il n’empêche que sous Donald Trump, l’aide au développement vers l’Afrique pourrait être revue à la baisse. Son premier mandat a été marqué par une volonté de réduire les dépenses publiques, notamment dans le domaine de l’aide extérieure. Si cette logique se poursuit, l’Afrique pourrait se retrouver avec moins de financements pour les projets d’infrastructure, la santé, l’éducation et la lutte contre la pauvreté. Le Programme alimentaire mondial, qui soutient de nombreuses populations africaines, pourrait ainsi voir son budget réduit, tout comme d’autres programmes visant à renforcer les capacités locales dans des domaines clés comme la gouvernance ou les droits humains.
Trump a aussi souvent dénoncé les accords commerciaux multilatéraux qu’il jugeait défavorables aux États-Unis, comme l’Accord de Paris sur le climat ou le Partenariat transpacifique (TPP). Il est donc probable que l’Afrique, qui bénéficie d’un accès privilégié au marché américain par des accords comme l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), pourrait voir ses relations commerciales perturbées si Trump décide de réévaluer ces accords en faveur d’une approche plus protectionniste. L’impact serait particulièrement lourd pour les exportateurs africains de produits agricoles et manufacturés, qui pourraient être confrontés à des droits de douane plus élevés ou à des restrictions sur les produits de base.
Cependant, certaines économies africaines, comme celles des pays producteurs de pétrole et de gaz, pourraient bénéficier de l’orientation de Trump en faveur de l’exploitation des ressources naturelles. Dans cette logique, les investissements dans le secteur énergétique, notamment dans le pétrole et le gaz, pourraient se maintenir, voire se renforcer.
La sécurité et les questions géopolitiques : l’Afrique en périphérie des priorités américaines
Les questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme ont toujours été au cœur des relations des États-Unis avec certains pays africains, notamment au Sahel et en Afrique de l’Est. Cependant, l’approche de Trump vis-à-vis de la sécurité mondiale pourrait entraîner une révision des priorités américaines en Afrique.
Trump a exprimé à plusieurs reprises son souhait de réduire l’engagement militaire des États-Unis à l’étranger. Il a annoncé en 2019 la réduction de la présence militaire américaine en Afrique, notamment en Somalie, et a remis en question le financement de certaines missions de maintien de la paix de l’ONU. Cette réduction pourrait se poursuivre ou s’intensifier durant son second mandat, laissant le champ libre à d’autres acteurs comme la Chine ou la Russie, qui ont développé des partenariats militaires et stratégiques avec certains pays africains, notamment dans le cadre de la coopération en matière de sécurité.
Le retrait relatif des États-Unis dans certaines régions d’Afrique pourrait permettre à des puissances comme la Chine et la Russie de jouer un rôle plus dominant. La Chine, par exemple, a étendu son influence économique en Afrique par des investissements dans les infrastructures, mais également par des accords militaires et diplomatiques. De son côté, la Russie a renforcé sa présence en Afrique, en particulier au niveau militaire, à travers des contrats avec des régimes africains et le déploiement de mercenaires.
Les questions environnementales : un désintérêt pour les enjeux climatiques ?
L’Afrique, particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique, attendait de la communauté internationale un soutien renforcé pour faire face à cette crise. L’administration Trump, ayant retiré les États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, a montré peu d’intérêt pour les questions environnementales au niveau mondial.
Dans un contexte où les pays africains se battent contre les effets du réchauffement climatique, comme la sécheresse et les inondations, l’absence d’un leadership américain fort pourrait se traduire par un manque de coopération internationale pour résoudre ces défis. Trump au pouvoir, il est probable que les États-Unis continuent de minimiser leur rôle dans les initiatives internationales de lutte contre le changement climatique, ce qui pourrait freiner l’accès des pays africains aux financements nécessaires pour leurs projets environnementaux.
Enfin, si les États-Unis poursuivent leur retrait des accords mondiaux de lutte contre le changement climatique, cela pourrait compromettre l’aide et les investissements nécessaires au développement des énergies renouvelables en Afrique. De nombreux projets d’énergies solaires, éoliennes et hydrauliques ont vu le jour ces dernières années grâce à la coopération avec les États-Unis et les investissements privés. Un désengagement des États-Unis pourrait rendre plus difficile la réalisation des ambitions africaines en matière de transition énergétique.
Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis pourrait marquer un tournant significatif dans les relations entre l’Afrique et les États-Unis. Si le pragmatisme économique et l’approche transactionnelle de Trump peuvent offrir certaines opportunités, notamment dans les secteurs extractifs et énergétiques, l’Afrique pourrait aussi faire face à un retrait américain de certains engagements diplomatiques, de droit de l’homme, de gouvernance, militaires et économiques. Les pays africains devront s’adapter à un environnement international où les États-Unis, sous Trump, privilégieront leurs intérêts nationaux immédiats, parfois au détriment des relations multilatérales et de la coopération en matière de développement et de sécurité. Dans ce contexte, l’Afrique devra diversifier ses partenariats et renforcer ses relations avec d’autres acteurs mondiaux, comme la Chine, la Russie ou l’Union européenne, pour garantir son développement durable et sa stabilité.