Une primaire symbolique du parti d’opposition CHP a eu lieu dimanche jour-même où son unique candidat, Ekrem Imamoglu, a été incarcéré et démis de ses fonctions de maire d’Istanbul. Le vote a pris la forme d’un plébiscite et mobilisé bien au-delà de ce parti
La primaire organisée en Turquie par le parti d’opposition CHP malgré l’incarcération dimanche 23 mars de son seul et unique candidat, le maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, a pris la forme d’un plébiscite et mobilisé bien au-delà de ce parti.
« On ne va pas se laisser aller au désespoir ! », lance Aslihan, une Stambouliote de 38 ans qui patiente dans une file d’attente du quartier de Besiktas, à Istanbul.
Dès 8 h (5 h GMT), les votants de tous âges se sont pressés vers les bureaux ouverts par le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), le parti laïc de Mustafa Kemal, le fondateur de la République turque.
Au point que les opérations qui devaient prendre fin à 17 h (14 h GMT) ont été prolongées jusqu’à 20 h 30 (17 h 30 GMT), a annoncé le parti qui assure que des « millions d’électeurs » se sont dirigés vers ses 5 600 bureaux de vote dans toute la Turquie.
« Nous sommes venus soutenir notre maire. Nous sommes toujours avec lui », poursuit sa voisine, Kadriye Sevim, sous une tente dressée près de la municipalité d’Istanbul, haut lieu de la contestation depuis l’arrestation mercredi du maire de cette ville, le principal opposant au président Recep Tayyip Erdogan.
« Une grande injustice »
« En aucun cas, aucun pouvoir n’a le droit de faire cela à la jeunesse et au peuple turc. Nous nous opposerons jusqu’à la fin. Imamoglu sortira de là parce que c’est une grande injustice », martèle Kaan Peker, un ingénieur du son de 25 ans.
« Une fois qu’il sera sorti, nous le porterons, espérons-le, vers de plus hautes responsabilités », poursuit-il, évoquant ainsi la présidence.
Les mêmes foules déterminées se retrouvent de l’arrondissement branché de Kadikoy, sur la rive asiatique d’Istanbul, aux rues de Kasimpasa, un quartier populaire de la Corne d’or, où le président Erdogan a passé son enfance.
Surtout, les images se répètent d’un bout à l’autre du pays, d’Ankara la capitale, à Diyabarkir, la plus grande ville à être en majorité peuplée de Kurdes, dans le sud-est, et jusqu’en Thrace, dans l’extrême nord-ouest, traditionnellement kémaliste, près des frontières bulgare et grecque.
« Un monde fou »
« Nous avons tous voté, c’était comme une fête ! Les gens du CHP qui s’occupent des urnes disent qu’il y a un monde fou et surtout, beaucoup de gens d’autres partis », s’enthousiasme Sevil Dogrugüven, 51 ans, une employée du secteur privé à Edirne.
« Dans la campagne de Thrace, les gens se sont déplacés jusqu’aux mairies » pour voter, affirme-t-elle à l’AFP.
À Ankara, Nurcan Kabacioglu, une enseignante à la retraite de 57 ans, se veut combative : « Il n’y a pas de situation désespérée, que des gens découragés. Moi, je ne perds jamais espoir », assène-t-elle.
« On ne va pas se laisser aller au désespoir », abonde dans le même sens à Istanbul Aslihan. « C’est le premier mouvement de masse depuis les protestations de Gezi », une vague de contestation partie d’Istanbul qui avait balayé la Turquie pendant plusieurs semaine en 2013.
« Après Gezi, on a cédé au découragement. Mais après l’injustice commise aujourd’hui, je me sens plus forte et plus confiante. Je sens aussi que c’est notre dernière chance », lâche-t-elle.
Avec AFP