- En dépit de l’existence de dix-sept grands fleuves et une centaine de grands lacs, l’Afrique accuse un sous-équipement important dans l’accès à l’eau potable
- C’est également le lieu où les cours d’eau sont le moins aménagés pour la production hydroélectrique et où l’agriculture irriguée est la moins développée
- Conséquence : près de 300 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et un habitant sur deux souffre de maladies conséquentes de la pénurie
Cependant, comment expliquer un risque hydrique aussi prégnant alors que l’Afrique subsaharienne, à l’exception des zones arides et semi-arides, ne manque a priori pas d’eau ? Le continent compte en effet dix-sept grands fleuves et une centaine de grands lacs auxquels s’ajoutent de très importantes nappes phréatiques. En fait, les processus à l’œuvre aujourd’hui en Afrique mettent désormais sous tension la disponibilité même de la ressource en eau. Cette dynamique a transformé la question de la maîtrise de l’eau en enjeu central pour les États et les populations. Notamment, la principale interrogation semble résider dans la capacité des acteurs à mettre en place une gestion partagée de la ressource en eau.
La capacité d’accès à l’eau dépend de caractères techniques, économiques et sociaux. Dans ce domaine, le continent africain offre l’image d’investissements très différents selon les pays. Cette diversité s’explique par les options de développement retenues ainsi que par les moyens financiers disponibles, notamment ceux issus de l’aide publique au développement. L’Afrique, qu’elle soit rurale ou bien urbaine, est ainsi couverte par des sources diverses d’approvisionnement en eau, dont les principales sont les puits et les containers de récolte d’eau de pluie. Également, de « grands projets » ont été lancés dans les pays des zones arides et semi-arides, qui consistent en la construction d’infrastructures de retenue et de canalisation. Toujours d’après Mathieu Mérino, de nombreux barrages structurent aussi le continent, près de 1 300. Dès les années 1950, on assiste à une vague de construction de grands barrages, considérés comme un puissant instrument d’aménagement du territoire (irrigation, énergie, etc.). Le plus symbolique est certainement celui d’Assouan sur le Nil moyen en Égypte. Leur construction a parfois associé plusieurs pays, comme le Togo et le Bénin avec le barrage hydroélectrique de Nangbeto, le barrage de Kariba entre la Zambie et le Zimbabwe ou encore le Sénégal, le Mali et la Mauritanie dans le cadre de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve du Sénégal créée à la suite de la grande sécheresse des années 1968-1973. L’Afrique australe est également structurée autour d’un ensemble de barrages et de transferts d’eau visant à alimenter les principales villes de la région. Certaines de ces constructions se sont néanmoins révélées des gouffres financiers à l’image du barrage de Turkwel dans la Vallée du Rift au Kenya.
En revanche, l’exploitation des nappes phréatiques reste peu développée au regard des ressources disponibles. Au Sahel, en moyenne, moins de 10 % des nappes sont mobilisés, en raison principalement du coût d’extraction (Mali, Niger, Mauritanie…).
Accès à l’Eau, des solutions existent
Tous les problèmes sont techniquement solvables et proviennent de fait de modes de gestion parfois inadaptés et du manque de financements. Les trois piliers de la solution aux problèmes de l’eau en Afrique résident dans la progressivité, la diversité et la solidarité. La progressivité signifie qu’il ne faut pas vouloir et construire tout, tout de suite. Dans l’agriculture irriguée comme dans l’accès à l’eau potable, les expériences passées ont montré que les grands projets livrés « clés en main » ne donnaient pas de résultats satisfaisants au bout des quelques années. Il vaut mieux commencer lentement et mettre en place progressivement des réseaux durables, quitte à ce qu’il y ait provisoirement des inégalités entre quartiers ou entre régions. Il ne faut pas oublier que les pays du Nord ont eux aussi mis plusieurs dizaines d’années pour parvenir à une couverture universelle pour l’accès à l’eau et à l’assainissement. La diversité, ou, autrement dit, « One size does not fit all ». Il n’y aura pas un modèle unique, tant pour les solutions techniques adoptées que pour les modes de gestion. Les « histoires d’eau » de chaque pays sont différentes et il faudra donc des modes de gestions différenciés pour régler au cas par cas des problèmes spécifiques. Cela implique donc nécessairement la participation des populations concernées. La solidarité enfin. Cette solidarité doit se situer bien sûr au niveau international, notamment pour apporter les financements nécessaires aux projets locaux. Mais elle s’organise aussi au niveau local, car l’entraide pour l’accès à l’eau existe traditionnellement dans presque toutes les cultures africaines. Aussi bien au Soudan, où il est habituel de laisser de l’eau disponible aux passants devant sa maison, qu’en Afrique du Sud, où l’eau nécessaire aux besoins fondamentaux est distribuée gratuitement par le réseau public. Les modèles de développement hydraulique devront s’appuyer sur ces solidarités pour que « l’eau pou tous » devienne réalité en Afrique.
Source : www.afriqueavenir.org