Le Haut-Commissariat au Plan (HCP), l’organisme officiel chargé des statistiques dans le Royaume, a publié lundi 17 février les résultats de l’Enquête Nationale sur le Niveau de Vie des Ménages entre mars 2022 et mars 2023 auprès d’un échantillon représentatif de 18.000 ménages. Ses conclusions risquent de faire beaucoup de bruit
L’enquête du Haut-Commissariat au Plan relève deux grandes conclusions majeures : structurellement, le niveau de vie des ménages s’améliore, sans que cette dynamique ne s’accompagne d’une réduction des inégalités. Les filets sociaux ont un impact tangible sur la réduction de la pauvreté, mais pour autant, la vulnérabilité des couches sociales non ciblées par ces amortisseurs sociaux, augmente. Ainsi, la part des ménages avec un risque de déclassement vers la pauvreté s’élargit, notamment dans les classes moyennes. Pour la première fois, souligne le Haut-Commissariat au Plan, ce risque de déclassement concerne autant les milieux urbains que ruraux.
Entre 2014, date de la dernière enquête sur le niveau de vie des ménages, et 2022, la dépense annuelle moyenne par ménage est passée de 76.317 à 83.713 dirhams à l’échelle nationale. Pour les ménages urbains, cette moyenne s’établit à 95.386 dirhams par an et à 56.769 en milieu rural. Ramenée à l’échelle individuelle, la dépense annuelle moyenne par personne est passée de 15.876 DH en 2014 à 20.658 DH en 2022. En prix constants, elle marque une progression annuelle moyenne de 1,1% sur la période.
71,8% des ménages ont un revenu inférieur à la moyenne nationale
Le revenu annuel moyen des ménages s’élève à 89.170 dirhams au niveau national, 103.520 DH en zones urbaines et 56.047 DH en milieu rural. Par personne, le revenu annuel moyen est de 21 949 DH en 2022. Il est 2,1 fois plus élevé en milieu urbain (26 988 DH) qu’en milieu rural (12 862 DH).
Selon l’enquête, un peu plus de sept ménages sur dix (71,8%) ont un revenu annuel inférieur à la moyenne, avec des disparités entre le milieu urbain (65,9%) et le milieu rural (85,4%).
Les revenus salariaux représentent la principale source de revenu pour les ménages, contribuant à hauteur de 35,1% du revenu total. Cette proportion est de 36,4% en milieu urbain et de 29,5% en milieu rural. Les transferts publics et privés représentent 21,3 % du revenu total, avec une proportion de 22,8 % en milieu urbain et de 15,1 % en milieu rural.
Consommation : la part de l’alimentation en hausse
La part des dépenses alimentaires a augmenté de 37% en 2014 à 38,2% en 2022 ; les dépenses d’habitation et d’énergie sont passées de 23% à 25,4% ; les dépenses d’hygiène de 2,7% à 3,9% et les dépenses de communication de 2,2% à 2,6%. En revanche, les dépenses de soins de santé ont diminué de 6,1% à 5,9% ; les dépenses de transport ont baissé de 7,1% à 5,8% ; les dépenses d’équipements ménagers sont passées de 3,2% à 2,3% et les dépenses de loisirs et culture de 1,9% à 0,5%.
Le niveau de vie des 20% les moins aisés a annuellement progressé de 1,1% entre 2014 et 2022. Cette progression résulte d’une amélioration de 3,9% entre 2014 et 2019, et d’une baisse du niveau de vie de -4,6% entre 2019 et 2022. Pour les 20% les plus aisés, le niveau de vie a annuellement progressé de 1,4%, une amélioration marquée de 2,8% entre 2014 et 2019, mais avec une régression de -1,7% entre 2019 et 2022.
Quant à la classe moyenne, son niveau de vie a progressé de 0,8% entre 2014 et 2022, avec une progression de 3,3% entre 2014 et 2019 et une régression de -4,3% entre 2019 et 2022. Les couches les plus pauvres et les plus riches ont vu globalement leur niveau de vie progresser alors que la classe moyenne n’a pas pu autant bénéficier ni des fruits de la croissance ni des politiques de redistribution. Dans ce contexte, les inégalités du niveau de vie, mesurées par l’indice de Gini, se sont creusées entre 2014 et 2022, passant de 39,5% à 40,5%, après avoir enregistré une diminution à 38,5% en 2019.
L’analyse des déterminants de la réduction de la pauvreté montre que les politiques sociales en faveur des plus pauvres, ont permis à ces couches de la population de mieux bénéficier des fruits de la croissance, indique la note de synthèse 0du Haut-Commissariat au Plan. L’accentuation de l’indice de Gini, et l’évolution à la marge du niveau de vie des classes intermédiaires, quant à elles, révèlent la nécessité de politiques publiques redistributives volontaristes à l’adresse de la classe moyenne pour répondre à l’enjeu de réduction des inégalités. A noter que l’inflexion dans la trajectoire d’amélioration des différents indicateurs à partir de 2019 jusqu’en 2022, une période marquée par la pandémie Covid-19, nécessite une nouvelle évaluation du niveau de vie des ménages afin de distinguer ce qui relève du structurel et ce qui relève du conjoncturel.