L’Afrique a retrouvé l’Europe à Bruxelles pour deux jours (les 17 et 18 février) après quatre ans de non tenue d’un conclave politique où les questions qui fâchent seront abordées sur fond de situation sanitaire toujours préoccupante et d’un début de crise entre l’Otan et la Russie en Ukraine. S’il est sûr qu’en deux jours les deux camps ne pouvaient sortir avec des solutions aux principales préoccupations de l’heure, l’on espère cependant que ce qui a été convenu, lors de cette rencontre entre chefs d’Etats et de gouvernements, permettra de resserrer les rangs face aux dangers qui menacent la paix dans le monde et, plus particulièrement, ceux qui resurgissent en Afrique.
Il ne s’agissait nullement, pour une fois, d’une réunion formelle entre pays membres de deux «Unions» (UA et UE) mais bien plus sérieusement d’une communauté de destin mise à l’épreuve par plusieurs faits, tels la riposte au Covid-19 (qui a laissé apparaître des défaillances au niveau de la distribution des vaccins) et de la mobilisation, aux niveaux financier et militaire, pour la constitution d’une force commune capable de faire face à la menace terroriste qui pèse sur le Sahel et une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest depuis le début des années 2000.

Certes, si ces deux questions ont été au centre des débats, l’actualité, elle, s’est focalisée sur la résurgence des coups d’Etat en Afrique : Mali, Guinée, Burkina Faso, Soudan, Guinée Bissau (tentative), Tchad (succession non démocratique). A cette question d’importance, l’urgence est de trouver une réponse adéquate non seulement pour que les «transitions militaires» en cours soient très limitées dans le temps mais aussi pour couper court à ces putschs qui tuent la démocratie en Afrique. Les sanctions économiques prises à l’encontre de la junte malienne n’ont pas empêché des officiers guinéens et burkinabè d’opérer, eux aussi, leurs révolutions de palais plutôt que de monter au front de la lutte antiterroriste.
Pour discuter de ces questions, il y a eu donc du beau monde, tant à la rencontre de Paris qu’à la grande réunion de Bruxelles. Le Président Macron a en effet invité à l’Élysée les Présidents des pays du G5 Sahel : le Niger, le Tchad et la Mauritanie (finalement représentée par son ministre des Affaires étrangères), à l’exception du Mali et du Burkina Faso, suspendus des instances de l’Union africaine à la suite de coups d’Etat, et les dirigeants des pays d’Afrique de l’Ouest, en particulier ceux bordant le Golfe de Guinée (Côte d’Ivoire, Ghana, Togo et Bénin), confrontés à une menace terroriste grandissante.
Du côté européen, l’Elysée avait accueilli les Présidents du Conseil européen Charles Michel et de la Commission Ursula Von der Leyen, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, ainsi que les dirigeants des pays participant ou soutenant les différentes opérations sur le terrain comme Takuba (forces spéciales), EUTM (formation militaire) ou la mission de l’ONU Minusma.
Evacuer le Mali pour ne pas être aux côtés de la milice Wagner
La rencontre de Paris, prélude à la grande réunion de Bruxelles, répondait à un agenda français bien précis : celui du retrait de la force Barkhane (présente au Mali depuis 2012, dans sa version première Serval) à cause de profondes divergences avec Bamako. Si le motif évoqué par Paris est celui de la présence des mercenaires russes du groupe Wagner, il est tout aussi évident que c’est l’opposition de la France à la «déviation» du processus démocratique au Mali qui a exacerbé les tensions entre la junte dirigée par le colonel Assimi Goïta et le Président Macron.
Le retrait des forces françaises de Barkane pourrait donc créer une plus grande instabilité dans ce pays dont les deux tiers échappent au contrôle du pouvoir central installé à Bamako depuis 2012. Ce risque est d’autant plus grand que la force européenne Takuba et celle formée par l’Onu (Munisma) ont décidé, à la réunion de Bruxelles, de suivre l’exemple de la France et laisser l’armée malienne en face des groupes terroristes et des mouvements séparatistes qui ont failli occuper Bamako, en 2012, n’eut été l’intervention du Président Hollande. Les mercenaires de Wagner sont peut-être aptes à servir de garde prétorienne à la junte mais il est peu probable qu’ils disposent de la force nécessaire pour sécuriser un territoire malien vaste comme cinq fois la France !
Les enjeux économiques pour l’Afrique
Si l’intérêt de l’UE est plus porté vers la sécurité et la démocratie dans le continent noir, celui des dirigeants africains tient plutôt à l’aide au développement et au partenariat qui pourraient les aider à juguler les mécontentements grandissants au sein des populations. Il s’agissait, pour l’Afrique, de donner suite à la promesse annoncée en décembre 2021 par Emmanuel Macron de mettre en place un «new deal financier» entre l’UA et l’UE. Alors que la France a pris la présidence tournante de l’UE au début de l’année 2022, le Président français avait affirmé sa volonté de «réviser complètement» la relation entre l’UE et l’UA. Il souhaite notamment «renforcer les investissements dans les économies africaines.»
Lors de sa tournée en Afrique, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait présenté à Dakar la nouvelle stratégie d’investissements de l’UE, Global Gateway, mise en place afin de faire face à l’influence de la Chine sur le continent, via ses Nouvelles routes de la soie.
L’accent est mis sur les relations commerciales entre l’Union européenne et l’Afrique. Ces échanges commerciaux ont augmenté de 20% entre 2016 et 2020, pour atteindre 225 milliards d’euros, ce qui fait de l’UE le premier partenaire multilatéral de l’UA. Cependant, au niveau bilatéral, c’est la Chine qui occupe toujours la première place avec un volume commercial de 167,8 milliards de dollars en 2020.