Depuis 1956, l’économie égyptienne est en crise. Durant 68 ans, c’est-à-dire la période allant de 1956 à 2024, elle a connu douze dévaluations et huit crises majeures de sa balance des paiements. Avec un déficit récurrent de sa balance courante, le pays est exposé au plus grand des risques : le risque souverain. Ce qui est une première faiblesse. Mais ce pays, qui a toujours réussi à s’épargner ce risque, témoigne aussi de certaines forces, ce qui constitue son premier atout. De ce constat est née l’idée de consacrer cette étude à ces forces et faiblesses de l’économie égyptienne, récurrentes depuis 1956.
Egypte - forces et faiblesses d'une économie
La première partie de cette étude couvre la période 1956-2024. Elle met en évidence trois faiblesses et trois forces récurrentes. Côté faiblesses, plusieurs facteurs sont pris en compte par cette étude. Tout d’abord sa démographie : avec un taux de croissance annuel de la population de 1,6 %, cette surpopulation est une véritable bombe à retardement, pour les décennies à venir ; ensuite, une balance courante structurellement déficitaire, ce qui pérennise le risque souverain. Et enfin, une pauvreté qui s’installe et qui progresse.
Côté atouts, au nombre de trois, également : ceux liés à sa position stratégique, géographique ; celui d’ordre financier, avec trois rentes qui contribuent à hauteur de 12,4 % du PIB en 2023 (diaspora, tourisme, Canal de Suez) ; celui d’un soutien constant des institutions monétaires internationales, qui s’est construit avec le temps, de l’Occident et des pays du Golfe.
La deuxième partie est consacrée à la dernière crise, essentiellement due à des chocs extérieurs : Covid-19, invasion de l’Ukraine par la Russie, guerre à Gaza et au Liban. Ces chocs extérieurs vont se traduire, à partir de 2021, par une fragilisation de certaines forces de l’économie égyptienne (recettes touristiques et recettes du canal de Suez revues à la baisse par exemple ; et par l’amplification de certaines de ses faiblesses, comme un risque de change conforté, par une balance courante qui continue de se dégrader, et un taux de pauvreté qui progresse.
In fine, les forces et les faiblesses de l’économie égyptienne, mises en évidence à la suite de l’analyse des huit crises majeures qu’a connues le pays depuis 1956, perdurent globalement en 2024. Les trois chocs extérieurs que connait le pays, à partir de 2021, interviennent à un moment où l’économie égyptienne était en train de tourner la page d’une longue série de crises successives qui l’affectaient depuis 1956. Chocs extérieurs qui ont affaibli certaines de ses forces et conforté certaines de ses faiblesses. Mais, chocs extérieurs qui n’ont pas vocation, bien sûr, à durer, même si leur impact négatif sur l’économie du pays risque de perdurer encore un certain temps. En particulier celui concernant un risque souverain, plus présent que jamais, et celui d’un taux de pauvreté record.
L’Égypte pourra toujours compter sur les soutiens dont nous avons rappelé l’importance, et elle en aura grand besoin. Pour autant, elle ne peut plus continuer à faire l’impasse de réformes structurelles profondes, seules capables de réduire progressivement son déficit courant et un taux de pauvreté record. L’investissement émirati a permis de les oublier, pour un temps. Mais comme tout apport d’oxygène à un malade, cela le soulage mais ne le guérît pas. Pire encore, cela aggrave souvent son état, faute de soins curatifs, dès qu’on le prive d’oxygène.
Bioexpress
Henri-Louis Vedié
Docteur d’Etat en sciences économiques (Paris Dauphine) et diplômé d’études supérieures de droit (Paris I), Henri -Louis Vedié est Professeur émérite (Groupe HEC Paris).Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, dont les derniers ont été consacrés aux fonds souverains et à l’économie marocaine, d’une dizaine d’ouvrages collectifs, des dizaines d’articles, parfois en anglais, en espagnol et en arabe.
Henri-Louis Vedié a été également Consultant au Conseil de l’Europe et membre de section au Conseil Economique et Social.