Pendant plus de 30 ans, disons à partir de 1990 et jusqu’à la fin du Covid on a assisté à la dégradation continue de la qualité de service dans le transport aérien. L’objectif était, semble-t-il, de produire toujours moins cher pour que la concurrence féroce entre les transporteurs ne soit pas trop dévastatrice.

La réponse des compagnies traditionnelles a consisté d’abord à tuer les nouveaux entrants puis à les copier. C’est ainsi que régulièrement et avec une grande constance le transport aérien est devenu un produit commun porté par des campagnes publicitaires axées uniquement sur le prix. Voilà à quoi le «Yield Management» a servi. Les transporteurs ont multiplié les tarifs et les règles qui les accompagnent de manière à faire apparaître des prix de vente qui n’avaient qu’un très lointain rapport avec les coûts réels
Et pour réaliser cette performance, les décisionnaires du transport aérien ont fait appel à leurs clients. Il leur a été demandé d’accomplir eux-mêmes certaines tâches administratives comme l’édition de leurs cartes d’embarquement, le pré-enregistrement de leurs bagages, l’édition de leurs titres de transport et pour finir l’utilisation massive d’Internet en cas de réclamation. Dans le même temps, les avions ont été densifiés au-delà du raisonnable au prix d’une baisse du confort car il fallait à tout prix faire entrer dans une même cabine quelques sièges supplémentaires ce qui baissait certes le coût unitaire et permettait ainsi de justifier des tarifs promotionnels pour le moins curieux.
Quand les low costs font des émules
Pour finir, les transporteurs traditionnels ont adopté pour leurs vols courts/moyens courriers, les mêmes pratiques que les «low costs» qu’ils avaient abondamment décriés. A tel point que les grands groupes ont tous créé leur propre compagnie à bas coûts, sans pour autant atteindre les prix de revient des concurrents «low costs», ne serait-ce que par la difficulté d’aligner les salaires sur le plus bas de l’échelle.
Mais depuis la fin du Covid, la stratégie des opérateurs semble avoir bien changé. D’abord avec la divine surprise de l’acceptation des clients lorsque les tarifs ont brusquement été relevés de l’ordre de 30% car il fallait bien retrouver une très bonne santé économique pour effacer les pertes colossales accumulées entre 2020 et 2022. Et les dirigeants ont alors commencé à regarder la qualité de leur produit et pas seulement le prix de vente. Et on a commencé à voir apparaître de nouveaux services et surtout de nouveaux produits en particulier pour les classes avant des vols. Les grands groupes européens ont semble-t-il décidé de montrer leur capacité à créer une qualité de service au moins équivalente, si ce n’est plus, par rapport à leurs compétiteurs asiatiques et ceux du Golfe. Certes il y a encore beaucoup de chemin à faire tant l’écart était devenu important et les investissements seront importants mais cette stratégie parait gagnante sur plusieurs aspects.
Des appareils de plus en plus performants
D’abord en privilégiant la clientèle à haute contribution, on peut assurer une croissance du chiffre d’affaires et de la rentabilité sans pour autant se trouver dans l’obligation d’augmenter le nombre de passagers. Et cela tombe bien car les constructeurs ont beaucoup de peine à livrer les avions en temps voulu et la pression écologique est suffisamment importante pour limiter le nombre de mouvements dans les grands aéroports. Et puis il faut bien reconnaître que la qualité des appareils continue à s’améliorer ce qui permet de mettre en service des équipements non connus jusque-là. Il n’est qu’à voir les films des années 1970 où certaines séquences étaient tournées dans les aéroports ou à bord des avions pour en mesurer la différence.
La communication des transporteurs va également dans le même sens. L’accent est mis sur les nouveaux produits, les aménagements des cabines, le confort des salons aéroportuaires plutôt que sur les prix promotionnels. Je note d’ailleurs que le phénomène ne touche pas seulement les compagnies traditionnelles mais également les «low costs» qui cherchent eux aussi à fournir une prestation moins spartiate par rapport à celle qui leur a permis de faire leur place dans l’univers du transport aérien. Et, bien entendu, les tarifs s’en ressentent. Certes ils n’ont pas renchéri depuis la sortie du Covid et les 30% d’augmentation alors appliqués, mais ils ont arrêté la baisse constante que l’on avait constatée pendant un quart de siècle.
Au fond le transport aérien semble retrouver son bon sens. C’est un produit terriblement compliqué à opérer et il doit être respecté. Or ce n’est pas en mettant sur le marché des tarifs ridicules que l’on fera comprendre aux consommateurs l’extrême difficulté de transporter au-dessus des océans des passagers à 900 km/heure dans de bonnes conditions de confort.