Marine Le Pen et les cadres du Rassemblement national, mis en cause dans le cadre du procès des assistants parlementaires européens, sont reconnus coupables. Ils sont condamnés à une peine d’inéligibilité, dont certains avec exécution immédiate. C’est le cas de la patronne du RN
Le couperet est tombé. Marine Le Pen est condamnée à une peine d’inéligibilité de cinq ans, «avec exécution provisoire», c’est-à-dire qu’elle s’applique immédiatement (même en cas d’appel), et à une peine d’emprisonnement de quatre ans dont deux ferme aménagés sous bracelet électronique, ce qui signifie qu’elle n’ira pas en prison. La patronne du Rassemblement national (RN) a été reconnue coupable de détournement de fonds publics.
Cette annonce a laissé la salle sans voix. Après un moment de flottement, et alors que la présidente commençait à appeler les prévenus un à un, Marine Le Pen a échangé quelques mots avec son avocat, puis s’est levée et a quitté la salle d’audience. Elle a ensuite traversé le tribunal sans un mot, puis est montée dans une voiture qui l’attendait, suivie d’une nuée de caméras. Elle s’est rendue aussitôt au siège parisien du RN.
«Violation des normes démocratiques»
Quelques minutes à peine après l’énoncé du jugement, le Kremlin a déploré une «violation des normes démocratiques.» Le prononcé d’une peine d’inéligibilité «apparaît nécessaire», a justifié la présidente, soulignant la «gravité des faits.» Elle a mis en avant «leur nature systématique, de leur durée, du montant des fonds détournés» mais aussi de «la qualité d’élu» des personnes condamnées, et de l’atteinte portée à la confiance publique et aux règles du jeu démocratique.
Des figures connues du RN mises en cause
Auprès de Marine Le Pen, plusieurs figures du Rassemblement national sont mises en cause par la justice. C’est le cas de l’ex-compagnon de Marine Le Pen et maire de Perpignan, Louis Aliot, de l’ancien numéro 2 du parti, Bruno Gollnisch, de l’ancien vice-président de Reconquête !, Nicolas Bay, de l’ex-trésorier du Front national, Wallerand de Saint-Just, ou encore du député et actuel porte-parole du RN, Julien Odoul. Jordan Bardella, qui était assistant parlementaire en 2015, n’était pas poursuivi dans le cadre de cette affaire.
Au total, parmi les accusés, 11 ont été élus eurodéputés sur des listes FN de 2004 à 2016. Douze ont été leurs assistants parlementaires et quatre autres ont été collaborateurs du parti à la flamme. C’est le cas de l’ancienne directrice de cabinet de Marine Le Pen et actuelle eurodéputée, Catherine Griset, ainsi que de l’ex-garde du corps de la patronne du RN à l’Assemblée nationale, Thierry Legier.
Le RN accusé d’avoir créé un système de détournement de fonds européens
Le Rassemblement national est accusé d’avoir mis en place un «système» visant à détourner des enveloppes destinées à la rémunération des assistants d’eurodéputés élus sur ses listes, dans le but de renflouer les caisses du parti. Ces fonds, d’un montant de 21 000 euros par mois, sont alloués par l’Union européenne aux députés pour leur permettre de rémunérer leurs assistants parlementaires. La justice soupçonne ces derniers de ne pas avoir travaillé pour l’UE pendant cette période, ou du moins, pas totalement.
Marine Le Pen, qui était entre 2014 et 2019 à la fois présidente du FN et députée européenne, serait «l’une des principales responsables du système ainsi mis en place alors qu’elle avait été avisée par ses échanges avec le trésorier du parti, dès 2013, de la nécessité de soulager les finances du FN», précisent les deux juges d’instruction financiers dans l’ordonnance de renvoi consultée par l’AFP. A cette époque, le FN est lourdement endetté et décide notamment de vendre l’ancien siège du parti à Saint-Cloud pour un montant de 10 millions d’euros.
Le Parlement européen a été saisi en 2015. Un signalement anonyme rapporte que, sur les 80 salariés présentés dans l’organigramme du Front national, 20 sont assistants parlementaires d’un eurodéputé du parti. Le Parlement européen saisit alors l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et la justice française, qui ouvre une enquête préliminaire le 15 décembre 2016. A l’issue de cette information judiciaire, «divers éléments permettent d’envisager la mise en place d’un système de fraude destiné initialement à assurer le financement d’emplois attachés à des proches de Jean-Marie Le Pen, alors président du FN, et qui progressivement a bénéficié plus généralement», expliquent à l’époque les deux juges d’instruction, selon l’AFP.
Avec AFP