En France, le Nouveau Front Populaire (NFP) a finalement franchi la ligne d’arrivée en tête du second tour des législatives avec 182 députés ! La sainte alliance de la gauche devance le camp du pouvoir qui a réussi, lui aussi, à sauver les meubles en élisant 168 députés et en repoussant le Rassemblement national (RN) à la troisième place, mais avec tout de même un score doublé (143 députés) par rapport aux précédentes législatives !
Le retour de la gauche en France, mais surtout la « défaite » de l’extrême droite, après le raz-de-marée du premier tour, est une victoire pour l’Afrique. A Dakar, Rabat, Abidjan, Alger, Tunis… où les Français d’Afrique (binationaux et expatriés) ont suivi, massivement, le mot d’ordre du vote-barrage au RN, c’est le soulagement total. La France républicaine a réagi, énergiquement, pour éviter ce que d’aucuns considéraient comme une catastrophe, si le camp de Marine Le Pen parvenait à s’installer à Matignon.
Désamour entre Paris et certaines capitales africaines
Il ne s’agit pas seulement de la traditionnelle question de la mobilité (immigration) entre l’Afrique et la France et du sort des millions d’Africains vivant dans l’Hexagone, mais bien d’une reconfiguration totale de la politique économique française envers le continent noir passée d’une vision françafricaine, devenue désuète, à des critiques acerbes qui ont conduit à la dislocation du G5 Sahel, remplacé aujourd’hui par l’Alliance des États du Sahel (Burkina Faso, Mali, Niger).
Si le désamour entre Paris et certaines capitales ouest-africaines est le résultat des discours souverainistes charriés par les putschs à répétition en Afrique de l’Ouest, il faut aussi reconnaître que c’est le désir ardent de relations économiques gagnant-gagnant qui poussent les Africains à demander à Paris de changer de politique dans ce pré-carré que convoitent, aussi, d’autres puissances établies ou en devenir.
L’échec du RN prolonge la lune de miel entre Paris et Abidjan
En Côte d’Ivoire, par exemple, la victoire avortée du RN prolonge la lune de miel entre Abidjan et Paris. Il y a donc plus de peur que de mal à propos des 3 milliards d’euros qui constituent la contribution de l’Agence française de développement (AFD) au PND (Plan national de développement) 2021-2025.
Il est évident que l’arrivée de la gauche au pouvoir (ce qui est encore loin d’être une certitude) ne règle pas, d’un coup de baguette magique, les problèmes de l’Afrique – et des Africains – qui ne dépendent pas uniquement d’un changement, même radical, de la politique africaine de la France.
Ce que les Africains ne peuvent faire par eux-mêmes, il ne faut pas le demander à la France ! Certes, le rapport de plusieurs capitales africaines à l’ancienne métropole, quoique de plus en plus fragile, résiste à l’usure du temps mais il est menacé par une demande forte de rejet de la tutelle politique française et d’instauration d’un nouveau Pacte pour des relations apaisées et des échanges économiques équilibrés, voire équitables.
Dans cette perspective, l’arrivée du RN au pouvoir, en France, est de nature à pousser plus de pays africains dans les bras de Moscou. Le RN qui revendique la «culture» et la «spécificité» françaises comme «base de l’action politique» constitue une sorte de repoussoir pour les Afro-descendants, toutes générations confondues, y comprend au plan européen où les alliances entre les droites extrémistes (Italie, Hongrie, France, Allemagne, etc.) suscitent d’autres soucis à ceux qui veulent d’un monde ouvert, d’une mondialisation qui rend à l’Afrique une part de ce que la colonisation lui avait pris.
Mais revenons à la France où Jordan Bardella qui avait rêvé trop tôt de Matignon pense que la «victoire» du RN est seulement «remise à plus tard !» Il pense sans doute à l’élection présidentielle de 2027 qui se prépare déjà et qui annonce Marine Le Pen largement gagnante, si l’on croit ce que disent le premier sondage réalisé après le second tour des législatives. Car c’est bien là l’enjeu essentiel, et tous y pensent déjà. Plus ou moins officiellement.
Au lendemain du second tour des législatives, aucun camp ne semble en mesure de gouverner seul pour arriver à cette échéance. Si la gauche, rassemblée dans le Nouveau Front populaire (NFP), obtient le plus grand nombre de sièges (182) et revendique la victoire, elle reste loin de la majorité absolue. Et doit partager le gâteau électoral avec le camp présidentiel et le Rassemblement national ainsi que ses alliés. Signe que la tripolarisation de la vie politique est bien actée, elle se transpose avec plus ou moins de force dans les intentions de vote en vue de la prochaine élection présidentielle. Cette réalité qui reste difficile à cerner, à cause des conditions de survie politique qui ont poussé Macron à rebeloter, en prenant le risque de perdre, rend incertaine la réussite d’une cohabitation entre le camp présidentiel et le NFP tiraillé entre socialistes, écolos et France insoumise.