Au Burkina Faso, l’ancien Président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, l’ancien ministre des Sports, Dominique Nana et l’ancienne ministre en charge de l’Action humanitaire, Nandy Somé/Diallo sont dans le viseur de la justice qui a récemment intensifié la lutte contre la corruption et les détournements de fonds publics
Le Procureur du Faso près le Tribunal de Grande instance Ouaga 1, Blaise Bazié a fait un grand déballage, vendredi 10 janvier 2025, de ce qu’il convient d’appeler une vaste opération mains propres. En effet, en premier lieu, le Procureur du Faso dit avoir été saisi par réquisitoire introductif aux fins d’instruire sur «des faits de détournement de deniers publics, d’octroi d’avantages injustifiés, et de blanchiment de capitaux contre l’ancien Président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé et cinq autres personnes.» Il faut noter que le mis en cause est membre de l’ex-parti au pouvoir, le Mouvement du Peuple pour le Progrès ( MPP ) renversé par le coup d’État du 24 janvier 2022. Il lui est «essentiellement reproché» à ce dernier et les cinq autres personnes dont les noms n’ont pas été cités, «d’avoir, par des manœuvres, procédé à la conclusion de marchés publics par entente directe, sans respect de la mercuriale des prix, à des fins déguisées de détournements de deniers publics et d’enrichissement illicite. Il est également reproché à l’ancien Président de l’Assemblée nationale des faits de distribution injustifiée d’argent à des tiers sur les fonds alloués à l’institution.»
Tout est parti d’un audit de l’Assemblée nationale
Selon le Procureur, les dispositions nécessaires sont en train d’être prises pour que «le principal mis en cause, Alassane Bala Sakandé étant actuellement hors du territoire national pour des raisons prétendues de soins médicaux» soit présenté au juge pour la suite de l’instruction. Il ajoute également que par commission rogatoire, une enquête de patrimoine est actuellement en cours, et cela «a permis l’identification et la saisie d’importants biens dans certaines villes comme Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Yako, Ouahigouya, Manga, Banfora et Koudougou.»
Concernant cette affaire, tout est parti d’un audit de l’Assemblée nationale, sur la gestion des années 2018, 2019, 2020 et 2021, diligenté par l’Autorité supérieure de contrôle d’État et de lutte contre la corruption (ASCE-LC). Les conclusions dudit audit publiées en mars 2023 ont relevé «la commission présumée de faits de corruption et d’infraction assimilée portant sur un préjudice total subi par l’État de 7,7 milliards de FCFA.
La justice dit avoir entre ses mains également un dossier concernant un ancien ministre : celui des Sports, Dominique Nana. Lui est poursuivi dans l’affaire de la réhabilitation du Stade du 4 août. En ce qui concerne ladite affaire, à la suite de l’ouverture d’«une enquête pénale sur des suspicions de surfacturation, de conflit d’intérêt et toutes autres infractions dans le cadre de l’attribution et de l’exécution du marché de réhabilitation du Stade du 4 août» dont les résultats ont permis d’ouvrir une information judiciaire et l’instruction du dossier est en cours au cabinet du doyen des juges d’instruction du pôle économique et financière (ECOFI) du TGI Ouaga I. Quatre personnes physiques à savoir Dominique Marie André Nana (ancien ministre des Sports de janvier 2021 à décembre 2021), Abdoul Ajusso Ouédraogo, Directeur des Marchés Publics (DMP) du ministère des Sports au moment des faits, Gni Maimouna Traoré, gérante de la société AL-MOUNIA SARL, Éric Kagambèga et deux personnes morales ont été «formellement mises en examen pour des faits de fraude à la commande publique, surfacturation, faux en écriture.»
L’ancienne ministre en charge de l’Action humanitaire citée dans une affaire différente
Une troisième affaire qui pourrait aussi inquiéter un autre ancien ministre est évoquée par le Procureur du Faso. Il s’agit de l’affaire dite détournement de plus de 3 milliards FCFA au ministère de l’Action humanitaire. Il s’agit de l’argent qui était destiné à la prise en charge des personnes déplacées internes (PDI) pour des raisons sécuritaires. Relativement à ce dossier, il convient de préciser qu’au regard des éléments de l’enquête et de la nécessité d’allier les impératifs de célérité et d’exhaustivité, les poursuites avaient été scindées en deux. La première partie qui a été jugée suivant la procédure de flagrant délit et qui a abouti à la décision de condamnation du sieur Tiégnan (principal accusé) et à trois autres qui, en falsifiant des signatures, ont réussi à soustraire des comptes du ministère le montant précité. Aux dires du Procureur, la deuxième partie des poursuites a été déférée par un réquisitoire introductif en date du 21 novembre 2024 au cabinet du doyen des juges d’instruction du pôle économique et financier du TGI Ouaga I et concerne l’ensemble des faits qui n’ont pas été pris en compte dans le dossier de flagrant délit. Ainsi, toutes les autres personnes impliquées dans l’affaire, citées ou non au cours du procès, sont visées par cette procédure déjà pendante devant le juge d’instruction. Alors que le principal accusé avait nommément cité Nandy Somé/Diallo, ancienne ministre en charge de l’Action humanitaire au moment des faits, comme bénéficiaire des sommes détournées.