Les grandes orientations du budget fédéral américain pour l’année 2025/2026 soulève de nombreuses interrogations, notamment pour le continent africain, premier bénéficiaire de l’aide américaine. Derrière les lignes comptables, ce premier projet de budget de Donald Trump confirme un tournant dans la posture de Washington, avec des répercussions potentielles sur les relations économiques et diplomatiques avec l’Afrique
La suppression de la contribution américaine au Fonds africain de développement (FAD), soit 555 millions de dollars, pourrait hypothéquer certains projets. Ce guichet de prêts concessionnels du groupe de la Banque africaine de développement (BAD) avait pourtant bénéficié d’un engagement de 568 millions de dollars de la part des Etats-Unis lors de sa dernière reconstitution en 2022. Si cet arrêt n’est pas de nature à compromettre le fonctionnement du FAD dans l’immédiat, il envoie néanmoins un signal en droite ligne avec «America First», le slogan de campagne de Donald Trump : Washington n’a plus les mêmes priorités à l’international.
Projets importants : financements amputés ou annulés
Plus globalement, le projet de budget prévoit en effet une coupe de 83,7 % du financement alloué aux programmes d’Etat et internationaux soit environ 49,1 milliards de dollars en moins par rapport à 2025. Le département d’Etat, les programmes du Trésor et plusieurs agences internationales, très actives en Afrique, devraient se préparer à affronter une tempête financière. Des projets importants pour les populations dans les domaines de la santé, de l’éducation ou de l’agriculture risquent ainsi de se retrouver amputés, voire disparaître.
La Maison-Blanche justifie cette réorientation en dénonçant ce qu’elle qualifie de dérives idéologiques : «l’aide économique et au développement américaine a été détournée vers des priorités radicales et gauchistes, notamment le changement climatique, la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI), et les activités LGBTQ à travers le monde.» L’objectif annoncé est de recentrer l’aide américaine sur les intérêts stratégiques directs des Etats-Unis, en privilégiant les retombées pour le contribuable américain et en renforçant la sécurité nationale.
Les missions de maintien de la paix de l’ONU dans la ligne de mire
Dans ce contexte, plusieurs institutions internationales, historiquement soutenues par les Etats-Unis, voient s’assombrir leur avenir budgétaire. Le budget ne prévoit aucun financement pour les missions de maintien de la paix des Nations Unies, dont une part importante se déroule en Afrique, invoquant des «échecs récents» et «un niveau élevé de contributions demandées.»
Les contributions, obligatoires ou volontaires, à l’ONU, l’UNESCO, l’OMS ou encore au FIDA seraient suspendues ou supprimées. L’Organisation mondiale de la santé, par exemple, anticipe déjà une réduction de 40 % de son personnel, conséquence directe du gel des fonds américains.
L’impact pour l’Afrique pourrait aussi se faire sentir sur le plan humanitaire. Le budget prévoit une réduction de 3,2 milliards de dollars sur les aides en cas de catastrophe, à la migration et aux réfugiés. Ces fonds seraient regroupés dans un nouveau compte d’aide humanitaire internationale (IHA) et un fonds ERMA discrétionnaire, financés uniquement lorsque les secours «servent les objectifs de politique étrangère du Président.»
Les secteurs de l’agriculture et du climat, eux aussi fortement concernés, perdraient le soutien du programme «Food for Peace», ainsi que les financements américains destinés au Fonds pour l’environnement mondial ou aux Fonds d’investissement climatiques. Autant de leviers d’appui au développement durable, souvent mobilisés en Afrique.
Diminution significative des ressources allouées à l’IDA
Autre signal pas très rassurant, la consolidation du rôle de l’U.S. International Development Finance Corporation (DFC), dont le budget est augmenté de 2,8 milliards de dollars. Active sur plus de 300 projets africains totalisant plus de 13 milliards de dollars rien qu’en Afrique, la DFC pourrait devenir le principal bras armé économique de Washington sur le continent, avec un intérêt renouvelé pour les secteurs stratégiques comme les mines.
Par ailleurs, l’administration Trump a annoncé un engagement de 3,2 milliards de dollars sur trois ans, pour la 21e reconstitution de l’Association Internationale pour le Développement (IDA), le guichet de la Banque mondiale permettant d’accorder des financements concessionnels aux pays en développement. Si cette contribution reste plus faible que les 4 milliards qui avaient été promis par Joe Biden, elle reste un financement crucial pour les opérations de la Banque mondiale en Afrique subsaharienne où l’on recense le plus grand nombre de bénéficiaires des financements de l’IDA.