Pas de volonté d’«escalade» avec l’Algérie, mais une menace de remettre en cause les accords de 1968 : François Bayrou a réuni, mercredi 26 février, un comité interministériel sur l’immigration, sur fond de tensions croissantes avec Alger, ravivées par l’attentat de Mulhouse
La France menace de remettre en cause les accords de 1968. S’exprimant à l’issue du comité interministériel sur l’immigration, qui a rassemblé à Matignon une partie de son gouvernement, François Bayrou a assuré, mercredi 26 février, que son «idée n’était pas du tout l’escalade» avec l’Algérie. «Mais notre idée est que personne n’ignore la volonté du gouvernement français de ne pas accepter que perdure une situation aussi dommageable pour les relations entre l’Algérie et la France et pour la société française», a ajouté le premier ministre.
L’accord de 1968, qui accorde un statut particulier unique pour les Algériens, a déjà été révisé à trois reprises depuis. Paris et Alger avaient convenu en 2022 de le modifier une nouvelle fois, mais sans concrétisation à ce jour.
Un suspect présenté «quatorze fois»
Annoncé fin janvier puis reporté, ce comité interministériel s’est tenu après l’attaque survenue samedi à Mulhouse (Haut-Rhin), dans laquelle un Algérien de 37 ans, en situation irrégulière et sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), est accusé d’avoir tué à l’arme blanche une personne et d’en avoir blessé sept autres. «Les victimes que nous avons connues à Mulhouse, ce week-end, sont les victimes directes du refus d’application de ces accords», a déploré le chef du gouvernement, précisant que le suspect avait été présenté «quatorze fois» aux autorités algériennes, qui ont toujours refusé de le reprendre. La France, a-t-il indiqué, va demander à Alger «que soient réexaminés la totalité des accords et la manière dont (ils) sont exécutés», avec un délai d’«un mois, six semaines.»
«Pendant ce temps, va être présenté au gouvernement algérien une liste “d’urgence” de personnes qui doivent pouvoir retourner dans leur pays et que nous considérons comme particulièrement sensibles», a-t-il ajouté, sans en préciser le nombre. « ’il n’y avait pas de réponse au bout du chemin, il n’y a pas de doute que c’est la dénonciation des accords qui serait la seule issue possible», même si «ce n’est pas celle que nous souhaitons», a encore prévenu le Premier ministre. François Bayrou a par ailleurs réaffirmé sa «grande inquiétude» concernant «la santé et les pressions» exercées sur l’écrivain Boualem Sansal, détenu en Algérie.
La «force frontière» généralisée
Sur l’immigration irrégulière, le locataire de Matignon a par ailleurs évoqué la généralisation de la «force frontière» expérimentée à la frontière franco-italienne, regroupant la police, la gendarmerie et les douanes. Quant à l’immigration régulière, François Bayrou a demandé un «audit interministériel» sur la «politique de délivrance des visas» aux inspections générales de la police et des affaires étrangères. Délivrance qui «tiendra compte de la qualité de la coopération migratoire des pays d’origine.»
L’attentat de Mulhouse n’a fait qu’aggraver un peu plus les tensions entre Paris et Alger, qui a refusé à de multiples reprises ces dernières semaines de reprendre plusieurs de ses ressortissants expulsés de France. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a révélé, mardi 25 février, que des «mesures de restriction de circulation et d’accès au territoire national pour certains dignitaires algériens» avaient déjà été prises, ajoutant mercredi qu’elles dataient d’«il y a quelques semaines», donc avant l’attentat. Elles concernent «quelques centaines de personnes», a précisé François Bayrou. Ces mesures ont suscité «l’étonnement» d’Alger, qui a dénoncé une nouvelle «provocation.»
Avec AFP