Les Industries Culturelles et Créatives (ICC) connaissent un essor remarquable en Afrique francophone, mais leur structuration et leur professionnalisation restent un défi. Mamby Diomandé, expert du secteur et président du SIMA, partage son analyse sur l’évolution des ICC, les leviers de développement et les initiatives en cours pour accélérer leur croissance. Pour ce faire, selon lui, “(…) il est impératif de renforcer le lobbying pour permettre aux acteurs des ICC d’accéder aux mêmes financements que d’autres industries.”
AFRIMAG : En tant qu’acteur de référence dans les ICC en Afrique, quel est votre regard sur l’évolution des Industries Culturelles et Créatives en Afrique francophone ?
Mamby Diomandé : Merci pour cette opportunité de parler d’un secteur vital pour notre économie. Si l’on se projette dix ans en arrière, on constate que l’ensemble de la chaîne de valeur des ICC a considérablement évolué. Des secteurs comme la musique, le cinéma ou la mode gagnent en visibilité et en structuration, bien que de nombreux défis subsistent. Aujourd’hui, certaines branches commencent à s’organiser en véritables industries, ce qui est un signe encourageant.
AFRIMAG : Quels leviers concrets permettraient d’accélérer la structuration et la rentabilité des ICC ?
MD : Le premier besoin est celui d’une réglementation adaptée aux spécificités des ICC, afin de créer un cadre légal clair et protecteur. Ensuite, il est impératif de renforcer le lobbying pour permettre aux acteurs des ICC d’accéder aux mêmes financements que d’autres industries. Enfin, l’accès aux données et aux technologies est un enjeu clé. La collecte et l’analyse de données permettront de démontrer que les ICC sont un véritable moteur économique, créateur d’emplois et de richesses, et un outil puissant de soft power pour nos États.
AFRIMAG : Vous avez lancé le programme Boost by SIMA, une formation certifiante dans le secteur musical. Quel bilan tirez-vous de cette première édition ?
MD : Je suis très satisfait des résultats. En moins d’un mois, nous avons reçu 415 candidatures, ce qui témoigne d’un réel besoin de formation en Côte d’Ivoire. Nous avons mis un point d’honneur à assurer une parité homme-femme, tant au niveau des formateurs que des bénéficiaires. De plus, nous avons favorisé le transfert de compétences en formant des formateurs locaux, afin d’assurer une diffusion durable du savoir-faire. L’objectif est de professionnaliser les acteurs du secteur et de les doter d’outils concrets pour structurer leur carrière.
Je voudrais saisir cette opportunité pour remercier les partenaires de Boost by SIMA qui se sont pleinement investis pour garantir le succès de cette première édition. Leur implication s’est traduite par un soutien à la fois financier, logistique et technique. Au-delà de leur soutien opérationnel, les partenaires ont également contribué à l’élaboration des contenus pédagogiques, en partageant leur expertise et leurs ressources.
AFRIMAG : Pourquoi avoir lancé cette initiative maintenant ?
MD : Parce que le besoin est urgent ! Beaucoup d’acteurs des ICC sont autodidactes et exercent plusieurs métiers simultanément sans réelle spécialisation. Or, pour bâtir des industries solides, il faut des professionnels formés et compétents. Boost by SIMA répond à cette problématique en proposant une formation ciblée et adaptée aux réalités du marché. Après cette première édition en Côte d’Ivoire, nous prévoyons d’étendre le programme au Sénégal, au Bénin et au Rwanda.
AFRIMAG : Avez-vous des retours concrets sur l’impact du programme ?
MD : Nous avons délivré les premiers certificats en décembre, et nous sommes actuellement en phase d’observation et d’accompagnement des bénéficiaires. L’impact immédiat est la satisfaction des participants et leur sentiment d’être mieux armés pour affronter le marché. Pour des résultats plus tangibles en termes d’évolution de carrière et de structuration du secteur, nous devrons attendre quelques mois avant d’effectuer une évaluation approfondie.
L’impact s’est aussi fait ressentir chez les partenaires de ce programme. Boost by SIMA a renforcé l’engagement des partenaires en les positionnant comme acteurs clés de la professionnalisation du secteur musical ivoirien. Leur implication a permis de valoriser leur expertise, d’élargir leur réseau et de démontrer leur responsabilité sociale, tout en contribuant à un impact durable sur l’écosystème culturel local.
AFRIMAG : Peut-on s’attendre à une deuxième édition en 2025 ?
MD : Absolument. Nous allons lancer une nouvelle cohorte très bientôt, avec quelques améliorations. Nous allons notamment proposer des modules spécifiques incluant des soft skills, par exemple un module dédié aux droits d’édition et à la gestion financière pour les artistes. L’objectif est d’offrir aux participants des compétences transversales essentielles à leur professionnalisation. À plus long terme, notre ambition est d’étendre ce programme à d’autres pays africains, comme le Bénin, le Sénégal et au-delà, afin de renforcer l’écosystème musical à l’échelle continentale.
AFRIMAG : En tant que président du SIMA, pouvez-vous nous dévoiler quelques exclusivités sur l’édition 2025 ?
MD : La prochaine édition du SIMA aura lieu en juin 2025 et conservera son format sur deux jours. Cette année, nous mettrons l’accent sur les ateliers et les masterclass pour renforcer le volet pédagogique. Nous avons également deux grandes annonces à faire qui contribueront à la structuration et à la valorisation des industries musicales africaines.
Pour ne rien manquer de ces nouveautés et suivre toute l’actualité du programme, j’invite toutes les personnes intéressées à se connecter dès maintenant sur nos réseaux sociaux et visitez notre site web : https://www.simaonline.net/. Cela leur permettra de rester informés et de se préparer à vivre une édition encore plus riche en découvertes et en opportunités !
AFRIMAG :D’autres initiatives sont-elles en préparation pour structurer les ICC en Côte d’Ivoire et en Afrique francophone ?
MD : Oui, plusieurs initiatives ont déjà été lancées et d’autres sont en préparation. J’ai notamment organisé un workshop lors du FINAB, consacré à la présentation du SIMA et du programme Boost by SIMA, qui œuvre à la montée en compétences des professionnels des ICC. J’ai également eu l’opportunité d’intervenir comme panéliste au Choiseul Africa Summit, où nous avons échangé sur les enjeux de structuration et de financement des ICC en Afrique francophone.
Par ailleurs, je travaille actuellement au développement de programmes de valorisation des créateurs de contenus dans les ICC, avec pour objectif de renforcer leur professionnalisation et leur accès aux outils de développement. D’autres annonces suivront très prochainement.
AFRIMAG : Comment évoluent les financements et investissements dans les ICC en Afrique francophone ?
MD : On observe une nette amélioration. De plus en plus d’organisations internationales comme Afrexim Bank, la Banque Africaine de Développement (BAD) ou l’Union européenne investissent dans les ICC. On a par exemple La Banque d’import-export africaine, Afreximbank qui a crée un fonds de capital-risque de 100 millions pour valoriser les droits de propriété intellectuelle africains. Lors du CANEX WKND 2024, elle a annoncé 540 millions de dollars d’investissements. Aussi, des acteurs privés comme Orange Côte d’Ivoire s’intéressent de plus en plus au secteur, et ont soutenu des initiatives comme le Boost by SIMA. Ces évolutions sont encourageantes, mais il reste encore beaucoup à faire pour que les ICC deviennent un moteur économique pleinement reconnu. J’invite les bailleurs de fonds à investir dans ce secteur, qui a besoin d’une réelle structuration pour continuer à se développer.