Avec son programme l' »Amérique d’abord », le fameux slogan : Make America Great Again (MAGA), et son approche transactionnelle des relations internationales, Donald Trump remet en cause une longue tradition de « soft power » de la première puissance mondiale, au risque que cela profite notamment à la Chine. Attention à l’effet Boomerang !
Mise en place de droits de douane, gel de l’aide à l’étranger, menaces d’annexer des territoires : depuis son retour à la Maison Blanche il y a trois semaines, le président américain semble avoir inversé la politique « de la carotte et du bâton » pour ne conserver que le second.
« Il a fallu des décennies pour construire le soft power de l’Amérique. Donald Trump semble déterminé à le mettre en pièces en quelques semaines », écrit Max Boot, du Council on Foreign Relations, dans un récent éditorial publié dans le Washington Post.
L’USAID, l’incarnation du soft power américain par excellence, taxée d’organisation criminelle et marxiste par Trump et Co.
De fait, le président américain a dès le premier jour de sa présidence, le 20 janvier, déployé la manière forte, menaçant des pays alliés de tarifs douaniers ou ordonnant un gel de l’aide étrangère américaine, le temps d’un réexamen de trois mois pour voir si elle correspond à sa politique.
S’en est suivie la quasi-dissolution de l’Agence américaine pour le développement (USAID), qui incarne par excellence le « soft power » américain.
C’est « l’une des pires et plus coûteuses bourdes de politique étrangère de l’histoire américaine », a pu écrire son ancienne cheffe Samantha Power dans une tribune au New York Times, ajoutant que les dirigeants « extrémistes et autoritaires se réjouissent. »
L’USAID gère un budget de 42,8 milliards de dollars, qui à lui seul représente 42% de l’aide humanitaire déboursée dans le monde.
« Nous nous tiendrons à l’écart et, dans quelques années, nous aurons une conversation sur le fait que nous sommes choqués que la Chine se soit positionnée comme le partenaire de choix en Amérique latine, en Afrique et en Asie », souligne Michael Schiffer, un ancien responsable de l’USAID sous le Président Joe Biden.
Et « à ce moment-là, le jeu sera terminé », ajoute-t-il alors que Pékin et Washington rivalisent d’influence.
La Chine en tire déjà avantage
Lorsque le président Trump a gelé l’aide, le Cambodge par exemple a été contraint de suspendre les travaux de déminage et Pékin a apporté le financement nécessaire.
Le concept de « soft power » remonte à la fin des années 80, mis en avant par le politologue américain Joseph Nye. Il fait référence à une diplomatie d’influence ou d’attraction par opposition à une politique de coercition, et englobe aussi bien l’économie que la culture.
L’administration Trump rétorque que les Etats-Unis ne font pas de la « charité » et assure vouloir faire le « ménage » dans les milliards de dollars d’aide à l’étranger, visant notamment les programmes de diversité et d’inclusion ou encore concernant le changement climatique, autant de thématiques que Donald Trump s’est évertué à combattre.
Interrogé pour savoir si les Etats-Unis allaient perdre de leur influence dans le monde, le Secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, a assuré qu’il n’était pas question de « renoncer » à l’aide à l’étranger.
« Nous y participerons », a-t-il dit sur la radio Sirius XM lundi, tout en soulignant que l’idée qu’entre « 40 à 60 milliards de dollars d’aide soit toujours bien dépensée est absurde. »
Difficile pourtant de parler d’un repli de l’Amérique car en parallèle le président américain a fait part de ses visées expansionnistes.
Il a, tour à tour, menacé de reprendre le contrôle du canal de Panama, d’acheter le Groenland, vaste territoire autonome sous souveraineté du Danemark, et de prendre « possession » de la bande de Gaza pour en faire la « Côte d’Azur du Moyen-Orient. »
Le Canada est lui voué, selon M. Trump, à devenir le 51e Etat des Etats-Unis.
« Le développement reste un outil très important d’influence. (…) Je serais très inquiet que la Chine ou d’autres ne s’engouffrent dans la brèche », prévenait vendredi dernier le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, dans un entretien au quotidien The Guardian.
Samantha Custer, responsable chez Aid Data, un centre de recherche de l’université William and Mary, doute cependant que la Chine « augmente de façon exceptionnelle son aide au développement », relevant que Pékin octroie plutôt des prêts et fait face à des difficultés économiques.
Mais, ajoute-t-elle, « la Chine peut l’emporter en ne faisant rien » si les Etats-Unis renoncent à être un partenaire fiable.
Avec AFP