Après quarante-huit heures de stupéfaction à Kinshasa, suite à la visite de l’ex-président Joseph Kabila à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu occupée par le mouvement du M23 et ses alliés rwandais, Kinshasa a sorti la grosse artillerie : en plus de poursuites judiciaires pour «haute trahison», le gouvernement a suspendu les activités de son parti politique (PPRD) et requis la saisie de ses biens meubles et immeubles. Cependant, la traque de ces biens s’annonce d’ores et déjà complexe tant Joseph Kabila et son entourage, recourent massivement à des montages-écrans pour dissimuler leur fortune

Dans un communiqué du ministère congolais de la Justice, l’ex-chef de l’Etat est accusé de participer directement à l’agression menée contre la RDC par les rebelles de l’Alliance du fleuve Congo (AFC)/M23, soutenus par le Rwanda. Cette décision intervient alors que plusieurs médias ont rapporté l’arrivée de Joseph Kabila à Goma en provenance du Rwanda, information confirmée par le ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani Lukoo et certains proches de Kabila sous couvert d’anonymat. Le ministre de l’Intérieur de la RDC parle d’un «choix délibéré de rentrer au pays par la ville de Goma sous contrôle de l’ennemi qui assure curieusement sa sécurité.»
Joseph Kabila, « commanditaire »du M23
En février dernier, s’exprimant à la Conférence de Munich sur la sécurité, le chef de l’Etat congolais Félix Tshisekedi avait accusé son prédécesseur d’être «le vrai commanditaire» de la rébellion qui déchire les provinces du Kivu. Sa présence à Goma apparaît dès lors, pour les autorités, comme un indice supplémentaire.
La saisie annoncée des biens de Joseph Kabila et de ses «complices présumés» est un casse-tête chinois : comment identifier les actifs à geler ? L’identification de la propriété effective reste une équation entière. La notion de propriété effective désigne les personnes physiques qui contrôlent en dernier ressort une entreprise ou une entité juridique, au-delà des prête-noms ou des structures formelles
Conjecture autour de la fortune de Joseph Kabila

Depuis plusieurs années, la fortune supposée de Joseph Kabila fait l’objet d’enquêtes et d’allégations. En 2016, une enquête de l’agence Bloomberg faisait état d’un réseau de plus de 70 entreprises détenues par sa famille, dans divers secteurs, en RDC comme à l’étranger notamment aux Etats-Unis, au Panama, en Tanzanie ou sur l’île de Niue, un paradis fiscal situé au Pacifique.
En 2021, l’enquête Congo Hold-up, menée par un consortium de journalistes et d’ONG, évoquait le détournement présumé de 138 millions de dollars via une banque locale, au profit du clan Kabila. Selon les documents consultés, certains propriétaires chinois de grandes mines de cuivre et de cobalt auraient utilisé cette banque pour acheminer des fonds à des proches de l’ancien président.
Un rapport du groupe d’études sur le Congo estimait que la famille Kabila contrôlait environ 80 entreprises, 71.000 hectares de terres agricoles et de nombreuses licences minières. L’entourage de Joseph Kabila a toujours nié ces accusations, dénonçant des «manœuvres dilatoires» et des «acharnements injustifiés», notamment à la suite de l’enquête Congo Hold-up, conclut notre confrère Bankable.africa.