“Le transport aérien veut vivre en étant libre des contraintes étatiques”

Que ce soient la question de la décarbonation, des politiques publiques qui ont cassé l’élan de beaucoup de compagnies aériennes, l’avenir du transport aérien en Afrique et en Amérique Latine…, Jean-Louis Baroux n’élude aucune question. Entretien !

AFRIMAG : La famille du transport aérien international se réunira du 23 au 25 octobre 2024 à l’occasion de la 15e édition de World Connect by APG. Près de 500 hauts représentants du secteur aérien, dont une centaine de cadres supérieurs de compagnies aériennes, des représentants de groupes de voyage internationaux ainsi que de nombreux autres hauts représentants de différents secteurs de l’industrie aéronautique, se retrouveront à Malte pour échanger autour de la thématique principale : «Le transport aérien est-il motivé par la politique ou l’économie ?» Comment expliquez-vous le choix d’une telle thématique ?

Jean- Louis Baroux : C’est une question récurrente. Le transport aérien veut vivre en étant libre des contraintes étatiques et pourtant chaque fois qu’un important problème économique se pose, les compagnies se tournent vers leurs Etats respectifs. Par ailleurs, avoir sa compagnie aérienne nationale est un marqueur de souveraineté et un important vecteur de promotion du pays. C’est dommage de voir certains pays imposer à leur compagnie des contraintes peu compatibles avec leur réussite économique, par exemple des limitations de vols ou des abus dans l’utilisation des appareils au profit des dirigeants. Voilà un intéressant sujet de discussions rarement abordé en public lors des conférences aériennes. 

 AFRIMAG : Lors de la précédente édition à Monaco en novembre 2023, les échanges avaient principalement porté sur le rôle fondamental de l’avion. Peut-on voir en la nouvelle thématique, une sorte de continuité ?

Jean- Louis Baroux : Le sujet de cette année est en ligne avec les précédents World Connect by APG. Le fait que le transport aérien ait un rôle fondamental à la fois pour les Etats et même pour la planète n’est plus discutable. Reste à savoir qui décide et pour quels objectifs. 

 AFRIMAG : Le transport aérien n’est pas un sujet comme les autres, il est devenu stratégique pour tous les pays. Pour de nombreux pays en Afrique ou encore en Amérique latine, il désenclave. Peut-on, dans ce contexte, dissocier la politique de l’économie en matière de transport aérien ?

Jean- Louis Baroux : Il est clair que l’enjeu est différent pour les pays européens ou nord-américains que pour les Etats africains ou sud-américains, voire même asiatiques. Autant la croissance du transport aérien sera freinée dans les premiers pays, autant son développement sera plus que nécessaire dans les autres. L’écologie y trouvera même son compte car le transport aérien sera dans le futur beaucoup moins consommateur de CO² que les transports terrestres avec l’arrivée des appareils à propulsion électrique au moins pour des distances de l’ordre de 500 km. Il restera l’outil majeur du développement économique de la plupart des pays de la planète 

 AFRIMAG : Si les acteurs politiques et les professionnels de l’aviation sont unanimes pour dire que le transport aérien est un catalyseur de la croissance économique, il n’en demeure pas moins qu’ils peinent à se mettre d’accord sur les questions environnementales, notamment la décarbonation. Est-ce à dire que sur ce point les motivations ne sont pas les mêmes ?

Jean- Louis Baroux : La question ne se pose vraiment que pour les pays européens qui disposent d’une forte infrastructure au sol construite entre le milieu du 19ème siècle et la fin du 20ème siècle. Les distances dans la plupart des autres pays sont beaucoup plus importantes et la construction des infrastructures au sol très consommatrices de CO² alors que l’aérien va profiter des nouveaux systèmes de propulsion infiniment moins polluants. Au fond dans 10 ans le transport aérien sera plus écologique que le transport terrestre, tout au moins pour les pays en dehors de l’Europe.

 AFRIMAG : D’année en année, l’APG World Connect réussit à créer une ambiance très particulière lors de ses rencontres entre grands professionnels. Qu’est-ce qui fait qu’on a l’impression d’une réunion de famille ?

Jean- Louis Baroux : La réussite du World Connect by APG, si on peut la qualifier ainsi, tient non seulement à la qualité des intervenants, mais également au fait que les conjoints des participants professionnels sont également conviés et qu’ils sont partie intégrante de l’évènement. C’est en ce sens que le World Conenct by APG est une conférence unique dans ce secteur d’activité et d’une convivialité incomparable par rapport aux autres évènements du secteur. 

 AFRIMAG : Vous prévoyez également de célébrer le 15e anniversaire de l’événement au Westin Dragonara à Malte. Quel bilan faites-vous de cette conférence annuelle sur les compagnies aériennes au niveau international inscrite sur l’agenda du secteur du transport aérien mondial ?

Jean- Louis Baroux : L’important est moins dans ce que les participants apprennent que dans les contacts qu’ils peuvent prendre. En ce sens, les partenaires commerciaux sont aussi importants que les speakers. Beaucoup de beaux accords commerciaux se sont traités au cours des 15 dernières années et des 17 Cannes Airlines Forum qui les ont précédés. Voilà ce qui justifie la continuité de l’évènement sans parler des relations personnelles qui ont été tissées au fil du temps et qui rendent le World Connect by APG si original et, si je puis dire utile.