- DOSSIER | APG World Connect : Le transport aérien est-il dirigé par l’économie ou par la politique ?
- “Le transport aérien veut vivre en étant libre des contraintes étatiques”
- Entretien – Marc Rochet PDG d’Aerogestion
- Entretien : Abdou Jaidi Président & CEO APG Maroc
- Entretien : Sandrine De Saint-Sauveur Présidente & CEO APG
- Entretien – Montserrat Barriga Andrés Directrice générale de l’Association ERA-European Regions Airline
Le courage en politique, l’investissement dans l’innovation, la compétitivité, les politiques environnementales… pour défendre le pavillon français, Marc Rochet nous éclaire sur la conduite des politiques publiques en France dans le secteur de l’aérien. Entretien passionnant !
“Le transport aérien est un catalyseur de croissance économique”
AFRIMAG : Les acteurs du transport aérien international se réuniront du 23 au 25 octobre 2024 à l’occasion de la 15e édition de World Connect by APG pour échanger autour de la thématique principale : «Le transport aérien est-il motivé par la politique ou l’économie ?» Quel est votre point de vue sur ce sujet ?
Marc Rochet : Le transport aérien est un secteur complexe où les motivations économiques et politiques s’entrelacent. L’économie pousse à l’efficacité, à l’innovation et à la croissance, tandis que la politique influence les réglementations, la souveraineté nationale et les relations internationales. L’interaction entre ces deux sphères est cruciale pour comprendre les dynamiques de l’aviation mondiale.
Le transport aérien est un catalyseur de croissance économique. En favorisant les déplacements, les échanges et la connectivité, il facilite de manière évidente le commerce international, le tourisme, les investissements étrangers et l’accès aux marchés. Comme les ports et les armateurs l’ont fait dès le développement de la marine de commerce au cours de l’histoire des civilisations, les aéroports et les compagnies aériennes sont des créateurs d’emplois, stimulent les économies locales, et contribuent à l’intégration économique régionale et mondiale.
Les gouvernements voient souvent les compagnies aériennes nationales comme des symboles de souveraineté et de prestige. Ils peuvent soutenir ces compagnies par des subventions ou des politiques protectionnistes, afin de préserver leur indépendance et leur influence sur la scène internationale.
Enfin et même si une large vague de libéralisation et de politique de ciel ouvert est récemment intervenue, les accords de transport aérien entre pays sont souvent influencés par des considérations diplomatiques et, les droits de trafic accordés à une compagnie aérienne étrangère peuvent dépendre des relations bilatérales entre les deux pays. La perception que les politiques peuvent ne pas comprendre pleinement le secteur du transport aérien est une préoccupation partagée par certains acteurs de l’industrie. Cependant, il est important de nuancer cette idée en reconnaissant que la relation entre les décideurs politiques et le secteur aérien est complexe, influencée par divers facteurs, dont la spécialisation, les priorités nationales, et les contraintes économiques.
AFRIMAG : Vous avez souvent fait part de vos déceptions personnelles quant à la politique. Est-ce à dire que les politiques ne comprennent pas assez le secteur du transport aérien ?
Marc Rochet : De manière générale, les politiques peuvent parfois sembler ne pas saisir les fondements du transport aérien, en raison de la complexité du secteur et des multiples priorités, parfois concurrentes, auxquelles ils doivent faire face.
Cependant, cela ne signifie pas nécessairement une incompréhension totale. Cela reflète plutôt les défis de gouvernance dans un pays et une industrie où les intérêts économiques, environnementaux et sécuritaires sont souvent en tension. Une meilleure collaboration entre les experts du secteur et les décideurs politiques est essentielle pour aligner les politiques publiques avec les besoins réels du transport aérien.
AFRIMAG : Vous faites état souvent du manque de courage des politiques dans le secteur de l’aérien. Pourquoi ?
Marc Rochet : Le manque de courage politique pour pousser le transport aérien français à évoluer est un facteur qui a contribué à la perte de compétitivité du pavillon français. Les charges fiscales élevées, la rigidité du marché du travail, le manque d’investissements dans l’innovation, et des politiques environnementales parfois mal calibrées sont autant de freins qui ont entravé la capacité des compagnies aériennes françaises à rivaliser avec les meilleurs opérateurs européens.
A l’inverse d’autres pays voisins, les politiques français ont pris l’option historique d’une approche sociale prenant en compte l’emploi et l’expression des organisations représentatives au détriment de mesures de restructuration plus radicale qui ont conduit à l’apparition des champions européens que sont le groupe IAG ou les opérateurs low-cost comme Ryanair.
Pour inverser cette tendance, il serait nécessaire d’adopter des réformes audacieuses, d’assouplir certaines régulations, et d’investir davantage dans l’innovation et les infrastructures, tout en offrant un cadre fiscal plus compétitif.