L’Afrique dispose d’un potentiel géoéconomique important, mais sa réalisation dépendra de sa capacité à mettre en œuvre des politiques ambitieuses et à surmonter les défis auxquels elle est confrontée. En combinant une stratégie d’intégration régionale, une diversification économique et une présence plus affirmée sur la scène internationale, l’Afrique peut s’imposer comme un acteur géoéconomique incontournable.
L’un des leviers stratégiques de la renaissance africaine est bien la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf), qui incarne une vision ambitieuse d’intégration économique inter-régionale et continentale. Bien plus qu’un simple accord commercial, elle aspire à transformer en profondeur le paysage économique du continent, jetant les bases d’un marché unique entre 54 États

Cette initiative prévoit une augmentation significative de 7 % du PIB africain, équivalant à 450 milliards de dollars, et une expansion du commerce intra-africain de 34 % à l’horizon 2045, avec un potentiel de 81 % si les barrières non tarifaires sont levées. Plus encore, elle ambitionne de réduire la pauvreté, sortant 30 millions de personnes de l’extrême précarité tout en améliorant les revenus de 68 millions d’autres (simulation de la BIRD en 2020).
La ZLECAf devrait avoir des impacts variés sur les secteurs économiques du continent. L’industrie manufacturière est anticipée comme l’un des principaux bénéficiaires, avec une croissance significative grâce à l’élimination des droits de douane et à la création de chaînes de valeur régionales, stimulant ainsi l’industrialisation et la compétitivité des produits africains.
Le secteur des services, notamment les services financiers, le tourisme et les communications, devrait également connaître une expansion notable, en partie grâce au développement du commerce numérique et des services transfrontaliers.
Cependant, le secteur agricole pourrait enregistrer des résultats mitigés : certains pays bénéficieront d’une augmentation de leurs exportations, tandis que d’autres devront faire face à une concurrence accrue et aux défis liés aux risques climatiques, posant des difficultés particulières aux petits producteurs et aux nations vulnérables aux aléas climatique.
Il est important de souligner que la ZLECAf ne se substitue ni aux Communautés Économiques Régionales (CER) ni aux initiatives autonomes de libéralisation et d’intégration mises en œuvre par les États membres. Au contraire, elle agit en complément de ces structures, visant à harmoniser et renforcer les efforts existants pour atteindre les objectifs fixés par les chefs d’État africains à l’horizon 2063, tout en poursuivant le rêve des pionniers d’une Afrique unifiée.
Décryptage des leviers incontournables pour une intégration réussie
L’intégration économique de l’Afrique, incarnée par les Communautés Economiques Régionales (CER) et la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf), repose sur une trilogie capitale : stabilité politique, logistique performante et diversification économique. Ces trois piliers s’entrelacent pour créer un cercle vertueux d’intégration régionale et de croissance.
Cet article se propose de revisiter la ZLECAF ses outils, ses opportunités, ses limites et les réformes nécessaires au niveau national afin de ne pas manquer ce rendez-vous historique en s’appuyant sur les simulations précédentes (BIRD, CNUCED, UNCEA) enrichies par une analyse empirique qu’on a effectuée inspirée des modèles d’usage tels que le modèle de gravité l’indice de complémentarité commerciale ou l’analyse multivariée des données.
Les données utilisées intègrent des indicateurs clés : le PIB, facilitation des échanges (indice TF), diversification des exportations (EDI), complémentarité commerciale (TCI), la performance logistique (LPI) et la stabilité politique. Le tout est corrélé à l’indicateur de l’intégration (score AMRII), véritable baromètre de l’intégration africaine.
La robustesse du modèle d’analyse est confirmée par un coefficient R² de 0,85, et les validations croisées indiquent une fiabilité exemplaire avec des p-values inférieures à 0,05.
En plus de la masse économique mesurée par le PIB (avec un coefficient de 0,250) pivot du modèle de gravité avec la distance, l’analyse effectuée par nos soins a permis de dégager quatre variables essentielles, véritables leviers pour propulser l’intégration économique africaine :
✓ Performance logistique (LPI)
Avec un coefficient de 0,35, l’indice LPI illustre l’efficacité des infrastructures logistiques, essentielles pour réduire les délais et coûts de transport. Des corridors commerciaux mieux organisés renforcent l’attractivité et la compétitivité des marchés africains ;
✓ Complémentarité commerciale (TCI)
Cet indice (coefficient de 0,200) reflète l’alignement entre les structures commerciales des pays et celles de leurs partenaires. Une forte complémentarité favorise des synergies économiques puissantes, catalysant les échanges ;
✓ Facilitation des échanges (TF)
L’indice TF illustre l’importance de simplifier les procédures douanières et de réduire les barrières commerciales. Avec un coefficient de 0,12, cette variable souligne comment l’amélioration des flux commerciaux peut métamorphoser l’économie régionale ;
✓ Diversification des exportations (EDI)
Avec un coefficient de 0,100, la diversification des exportations est une condition sine qua non pour bénéficier amplement des avantages de l’accès préférentiel au marché africain et s’affranchir de la dépendance aux matières premières.
Ces facteurs, étroitement liés, dessinent une feuille de route claire pour les décideurs africains qui devraient donc actionner ces leviers avec une vision politique et économique audacieuse.

La stabilité politique est le pilier central de toute initiative économique, car elle instaure la confiance nécessaire pour attirer les investissements, tant nationaux qu’internationaux. Un environnement politique stable rassure les investisseurs, favorisant ainsi l’afflux de capitaux indispensables au développement d’infrastructures et de services.
Dynamiques Géopolitiques en Afrique : Conflits et Commerce
L’intégration économique n’est pas seulement un vecteur de paix et de décrispation des tensions, elle est également une condition sine qua non pour toute coopération régionale réussie. En Afrique de l’Est, un commerce intra-régional significatif (20-25 %) et une probabilité de conflit modérée (40-50 %) montrent que des liens économiques solides peuvent stabiliser une région. À l’inverse, l’Afrique de l’Ouest, avec une probabilité de conflit élevée (60-70 %) et des échanges limités (10-15 %), illustre comment des défis sécuritaires entravent l’intégration. L’Afrique australe, plus stable (20-30 % de probabilité de conflit) et modérément intégrée (15-20 %), bénéficie d’une coopération existante, mais encore insuffisante. En Afrique centrale, la très haute probabilité de conflit (80-90 %) et le commerce quasi inexistant (5-10 %) rendent l’intégration économique urgente pour réduire les tensions.
En Afrique du Nord, où le commerce inter-régional reste marginal (3-5 %), les divisions géopolitiques – différends territoriaux, rivalités idéologiques et ambitions régionales – freinent la coopération et aggravent les tensions. Ces disparités régionales confirment que l’intégration économique est essentielle pour instaurer une paix durable en Afrique. Investir dans les infrastructures et renforcer les échanges est une stratégie clé pour stabiliser le continent.
Les régions qui jouissent d’une bonne stabilité politique ce qui a un impact positif sur leur intégration économique ; à l’inverse, les régions en proie à des conflits, telles que l’Afrique centrale, affichent un faible niveau d’intégration économique, soulignant que la stabilité politique est une condition préalable à toute prospérité économique. L’instabilité politique peut engendrer des tensions et freiner le développement.
Système Logistique Performant : Moteur des Échanges
Un système logistique performant est crucial pour minimiser les coûts commerciaux et faciliter les échanges intra-régionaux. Des infrastructures de transport efficaces, comprenant des ports modernes, des routes de qualité, et des réseaux numériques fiables, sont nécessaires pour assurer un flux fluide des marchandises et des services.
L’Indice de Performance Logistique (LPI) et son corollaire la facilitation des échanges sont fortement corrélés avec l’Indice Multidimensionnel d’Intégration Régionale Africaine (AMRII), ce qui démontre l’importance d’une logistique performante et la facilitation des échanges pour l’intégration économique.
L’ile Maurice avec un score LPI de 3,7, et Maroc, avec lesports de Tanger Med Nador West Med et bientôt Dakhla enregistrant un score LPI de 3.7, sont des exemples de l’importance d’infrastructures logistiques solides. Le LPI illustre non seulement les infrastructures logistiques mais aussi la connectivité maritime (le port Tanger Med offre des liaisons directes vers plus de 180 ports dans le monde, améliorant ainsi l’accès aux marchés internationaux).
L’amélioration des infrastructures et de la logistique est essentielle pour réaliser des gains de revenus importants en Afrique, estimés à 292 milliards de dollars grâce à la facilitation des échanges d’après la Banque Mondiale.
Économie Diversifiée : Clé de la Résilience
Une économie diversifiée permet aux pays de faire face aux chocs économiques et de tirer parti des opportunités commerciales dans différents secteurs. La diversification des exportations est un facteur déterminant de la compétitivité sur le marché régional.
Des pays comme le Maroc (indice de diversification des exportations de 0.78) et le Kenya (indice de diversification de 0.68) ou l’Ile Maurice illustrent combien une économie diversifiée renforce leur position sur le marché régional.
La dépendance à un seul secteur économique rend les pays plus vulnérables aux fluctuations des prix et à la concurrence.
L’Intégration africaine un processus multi-vitesse
Il est important de noter que l’intégration économique en Afrique n’est pas uniforme, et que certaines régions et pays sont mieux positionnés que d’autres pour en bénéficier. Les pays les moins avancés (PMA), ceux qui dépendent fortement des revenus douaniers et ceux ayant des infrastructures faibles risquent d’être désavantagés à court terme. Des mécanismes de compensation, un fonds d’ajustement et un soutien technique sont prévus pour aider ces pays à s’adapter à ce nouvel environnement économique.
L’Indice Multidimensionnel d’Intégration Régionale Africaine (AMRII) laisse apparaitre des disparités dans l’intégration régionale.
Les pays avec des scores AMRII élevés comme Maurice, l’Afrique du Sud et le Maroc, ont une économie stable, des coûts commerciaux compétitifs et une bonne performance logistique, alors que d’autres pays comme l’Érythrée, le Soudan du Sud, l’Algérie et la Libye rencontrent des défis importants.
D’autres pays comme le Ghana, le Kenya, le Sénégal, la Côte d’Ivoire le Nigéria ou le Rwanda sont également bien positionnés pour profiter des avantages de la ZLECAf ; ces pays bénéficient généralement d’une industrialisation plus avancée, d’une économie diversifiée et de bonnes performances logistiques.
L’architecture et l’ingénierie de la ZLECAf reflète la diversité des niveaux de développement et d’intégration parmi ses membres, à en juger par la présence de diverses catégories de pays avec des engagements variés. Parmi ces catégories figurent les Pays les Moins Avancés (PMA), au nombre de 33 en Afrique, les Pays Non PMA, le Groupe des 6 (G6), composé de l’Éthiopie, Madagascar, Malawi, Soudan, Zambie et Zimbabwe, et l’Érythrée, qui ne fait pas partie de l’accord.
Cette hétérogénéité explique l’approche flexible et différenciée adoptée, qui n’est pas une intégration de type « laisser faire laisser aller » et une approche de négociation « cocktail » de nature à prévenir la distribution inégale des avantages et des bénéfices de la ZLECAf et à rassurer les appréhensions de chaque groupe.
Des filets de sécurité digne d’un Etat Providence
La mise en œuvre de la ZLECAf aurait des conséquences importantes sur les recettes fiscales des États membres ; la réduction ou la suppression des droits de douane entraîneraitune baisse initiale des recettes tarifaires, variable selon les pays.
Les pays les plus touchés par les pertes de recettes tarifaires (supérieures à 2%) comme la République Démocratique du Congo (-3,4%), la Gambie (-2,7%) et le Malawi (-2,01%) reflètent une forte dépendance aux droits de douane. Les pertes modérées (entre 1% et 2%), observées au Burundi (-1,13%) et au Mali (-3,31%), et les pertes faibles (inférieures à 1,5%) en Éthiopie (-0,27%) , Nigeria (-0,31%), Djibouti (-0,5%) et la République du Congo (-0,6%) témoignent d’une variabilité selon les structures économiques. Certains pays, comme Maurice ou l’Égypte, affichent une résilience remarquable avec peu ou pas de pertes tarifaires, probablement grâce à une diversification de leurs revenus publics.
Toutefois, le système de la ZLECAF a prévu des filets de sécurité pour les pays qui pourraient subir des pertes de recettes douanières en raison de la libéralisation commerciale. Ces mécanismes ont été mis en place pour aider les pays, notamment les moins avancés (PMA), à s’adapter aux changements économiques induits par la ZLECAf.
Les filets de sécurité comprennent outre le fonds d’ajustement, une période de transition plus longue pour les PMA et le G 6, et un soutien technique pour la modernisation fiscale, afin d’atténuer les pertes de recettes douanières et d’aider les pays à s’adapter à la libéralisation commerciale :
✓ Fonds d’ajustement : Un fonds est mis en place pour compenser les pertes de recettes douanières à court terme. Ce fonds est financé par des contributions des États membres ainsi que des partenaires internationaux.
✓ Période de transition plus longue pour les PMA : Les PMA bénéficient d’une période de transition plus longue pour éliminer progressivement les droits de douane, leur permettant ainsi de s’adapter en douceur à ce nouvel environnement économique. Cette période peut aller jusqu’à 13 ans (G 6).
✓ Liste d’exclusion des produits sensibles : Les produits sont classés en trois catégories pour gérer les pertes de revenus douaniers : non sensibles, sensibles et exclus. Cette catégorisation permet une libéralisation progressive des échanges, avec des échéanciers différents selon le type de produit d’origine africaine.
✓ Soutien technique : Un soutien technique est également prévu, en coopération avec des pays donateurs européens, pour aider les pays à moderniser leurs systèmes fiscaux et à diversifier leurs sources de revenus. Cela permet de réduire leur dépendance aux recettes douanières.
La ZLECAF un outil important mais pas suffisant ?
Pour libérer le potentiel inexploité du commerce intra-africainet que la ZLECAf réalise pleinement son potentiel, il est essentiel de s’attaquer efficacement aux diverses barrières non tarifaires, notamment les mesures non tarifaires onéreuses, les lacunes en matière d’infrastructures et d’informations sur les marchés.
Les listes d’exclusion, les règles d’origine et les BNTs freinséventuels à l’expansion de l’intégration africaine !
Bien que la ZLECAf vise à faciliter le commerce intra-africain, les listes d’exclusion, des règles d’origine très restrictives ou non finalisées ainsi que les BNTs peuvent entraver le processus d’intégration. Des efforts continus pour harmoniser les règles d’origine, réduire les BNTs, et assurer une mise en œuvre transparente et inclusive sont essentiels pour maximiser les avantages de l’accord pour tous les États membres.
– Bien qu’elles soient légitimes, les listes d’exclusion, qui permettent aux États membres la possibilité d’exclure jusqu’à 3 % des lignes tarifaires, avec toutefois un plafond maximum de 10 % de la valeur moyenne des importations africaines ; ilsn’en demeurent pas moins un frein à l’expansion du commerce intra-africain en raison de la forte concentration des échangesen Afrique. En effet, en moyenne 74 % des flux commerciaux se concentrent sur seulement 1 % des lignes tarifaires qui peuvent facilement être compilées dans la liste d’exclusion.
-Pierre angulaire d’une Zone préférentielle ou de Libre-échange, des règles d’origine trop restrictives peuvent également entraver le commerce au lieu de le développer ; les négociations sur les règles d’origine sont d’ailleurs toujours en cours pour certains secteurs comme les produits laitiers, l’automobile, l’habillement, le textile, le sucre et les huiles alimentaires. Ceci ne va pas sans nous rappeler que le blocage de l’intégration maghrébine dans les années 70 et les déboires de la Grande Zone de Libre Echange Arabe et l’Accord d’Agadir n’ont pas produit les effets escomptés, en partie, à cause des divergences liées aux règles d’origine et les BNTs.Une réduction de 50% des BNT accompagnée d’un programme large de facilitation des échanges pourraient stimuler davantage le commerce que la seule réduction des droits de douane selon plusieurs études.
Risque de détournement du commerce au profit des tiers
Les Accords Commerciaux Régionaux (ACR), qu’ils prennent la forme d’unions douanières ou de zones de libre-échange, libéralisent les échanges entre leurs membres en instaurant des préférences tarifaires. Bien que dérogatoires au principe de non-discrimination du GATT (article 24), ces accords sont autorisés à condition de ne pas restreindre les échanges avec les pays tiers. Malgré la mise en place de règles d’origine restrictives, à défaut d’un Tarif Extérieur Commun qui nécessite le passage à l’Union Douanière, le risque de « déviation de commerce » existe au sein de la ZLECAf dans la mesure où les exportateurs de pays tiers peuvent recourir à des stratagèmes pour contourner les règles d’origine.
Les pays tiers peuvent toujours contourner légalement ces règles via des accords préférentiels, tels que les Accords de Partenariat Économique (APE), négociés directement avec les pays africains, qui au demeurant avaient rejetés pour la plupart ces accords réciproques.
En effet, les APEs signés par quelques pays africains avec l’UE sont souvent critiqués tout d’abord à cause de leur caractère réciproque (à la différence de l’AGOA unilatéral mais dont les conditionnalités politiques et la graduation des pays ont érodé les flux commerciaux au fil du temps) ensuite en raison de leurs règles d’origine non cumulatives et de leur approche fragmentée, qui complexifient les échanges intra-africains et découragent le développement des chaînes de valeur régionales.
Quelles options pour l’accélération de l’intégration africaine
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Adoption d’un Processus Volontaire Accéléré de Réduction Tarifaire : Fast Track
Le mécanisme de libéralisation commerciale de la ZLECAF repose sur un compromis entre deux approches de négociation (approche Mixte ou cocktail): la méthode linéaire et la méthode produit par produit. Pour pallier les limites de cette dernière et harmoniser les résultats des multiples négociations bilatérales, des éléments de la méthode linéaire ont été intégrés. Cette combinaison, conjuguant flexibilité et structure, est largement utilisée dans les négociations commerciales multilatérales, comme à l’OMC, dans l’Accord des préférences Commerciales entre les pays membres de l’OCI et dans d’autres regroupements régionaux. Elle permet de répondre aux impératifs de libéralisation tout en tenant compte des sensibilités sectorielles.
Cependant, cette approche présente des limites. Elle risque d’alourdir les négociations, d’allonger les délais et, dans certains cas, de produire des résultats modestes. Pour remédier à ces inefficacités, il serait judicieux d’envisager un amendement au protocole sur le commerce des marchandises. Cet amendement pourrait autoriser des négociations volontaires entre pays désireux d’accélérer le processus de libéralisation, notamment en réduisant les délais de démantèlement des tarifs et, plus encore, des barrières non tarifaires.
Un autre axe d’amélioration repose sur une observation clé à savoir que 1 % des lignes tarifaires représentent 74 % des importations dans un pays africain moyen, indiquant que quelques produits dominent le commerce intra-africain. Les pays optant pour un processus Fast Track pourraient ainsi réduire la taille de leur liste d’exclusion et adopter un protocole plurilatéral visant des règles d’origine plus souples. Cela favoriserait le cumul régional et renforcerait les chaînes de valeur régionales, accélérant ainsi l’intégration économique et commerciale sur le continent.
Je pense que les pays participants à l’Initiative de Commerce Guidé (ICG) de la ZLECAf lancée en octobre 2022, à savoir le Cameroun, l’Égypte, le Ghana, le Kenya, Maurice, le Rwanda, la Tanzanie et la Tunisie, en plus d’autres ténors, peuvent franchir le Rubicon et entamer un processus de Fast Track pour accélérer le processus et approfondir la portée des produits échangés dans le cadre la ZLECAf notamment en lançant des projets régionaux plurilatéraux portant sur le développement de chaînes de valeur interrégionales dans les secteurs à haute valeur ajoutée.
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Recours à l’intégration fonctionnelle basée sur des projets multilatéraux
L’approche sectorielle de l’intégration économique se concentre sur le développement de secteurs spécifiques, tels que l’énergie, les transports ou l’agriculture et l’économie bleue, pour renforcer la coopération régionale. Cette méthode peut se manifester de différentes manières, notamment par l’harmonisation des politiques au sein d’un même secteur (intégration horizontale) ou par la coordination des différentes étapes de la chaîne de valeur d’un secteur particulier (intégration verticale).
Des projets d’infrastructures régionales, comme les corridors de transport (exemple le corridor projeté par le Royaume du Maroc pour connecter les pays du Sahel à l’Atlantique via les ports marocains du Sahara), et des accords plurilatéraux entre sous-groupes de pays sont également des modalités courantes de cette approche (ex dans le domaine des services en général et numériques ou l’IA en particulier).
Les types d’approches sectorielles varient selon les ressources et les priorités des pays impliqués. Par exemple, une approche basée sur les ressources naturelles implique une collaboration entre pays riches en ressources similaires pour une gestion efficace et une répartition équitable des bénéfices (par exemple dans le projet de Gazoduc Nigeria Maroc, ou l’exploitation commune de gisements à l’instar de la Mauritanie et le Sénégal, etc). De même, une approche industrielle vise à développer des chaînes de valeur régionales en s’appuyant sur des bases industrielles ou des secteurs des services complémentaires ; un exemple éloquent de cette coopération est l’initiative conjointe de la RDC la Zambie et le Maroc, soutenue par la Commission Économique pour l’Afrique (UNECA), visant à développer une zone économique spéciale dédiée à la chaîne de valeur des batteries et des véhicules électriques.
– En conclusion on peut noter avec satisfaction que certains pays, en plus de leurs engagements au sein de la ZLECAf,contribuent d’une manière autonome et sur une base volontaire à l’opérationnalisation et la mise en place de projets et d’initiatives qui complètent les efforts d’intégration africaine comme c’est le cas du Royaume du Maroc qui a lancé trois initiatives : le projet de gazoduc Nigéria-Maroc,l’initiative d’ouverture d’un accès à l’Atlantique aux pays du Sahel et le Processus des États Africains Atlantiques » (PEAA), qui réunit 23 pays africains bordant l’océan Atlantique.
L’intégration africaine est un processus long et complexe nécessitant une approche globale qui combine le niveau sous-régional, interrégional et continental. La promotion de projets multilatéraux concrets, pilotés par les États, le secteur privé ou via des partenariats public-privé, est essentielle pour éviter les écueils liés à une gestion bureaucratique centralisée. Un engagement fort des gouvernements africains est indispensable pour travailler ensemble, tout en respectant les spécificités économiques et sociales de chaque pays. Cette collaboration renforcerait l’intégration économique du continent et favoriserait un développement durable et inclusif pour tous les citoyens africains.