Récemment un cadre dirigeant d’une grande compagnie aérienne me demandait ce qui différenciait les produits des transporteurs afin de guider les choix des clients. J’avoue avoir suggéré un moment de réflexion et voici quelques pistes

D’abord nous ne parlerons que des grands transporteurs, les seuls à se livrer une concurrence féroce, il y va d’ailleurs de leur survie. La moindre défaillance est payée au prix fort, surtout auprès de la clientèle affaires qui, avec moins de 50% des passagers assure plus des 2/3 du chiffre d’affaires des compagnies. Les très gros opérateurs se caractérisent par des flottes de plusieurs centaines d’appareils, des réseaux de plus de 100 destinations, plus de 30 millions de passagers annuels et un chiffre d’affaires d’au moins 20 milliards de dollars US. Autant dire qu’il s’agit de très grosses entreprises, lesquelles sont souvent regroupées en ensembles encore plus importants avec de nombreuses filiales ou transporteurs associés comme le Lufthansa Group, Air France/KLM ou IAG en Europe, Delta Airlines, United Airlines et American Airlines aux Etats Unis, ou Latam fruit de la fusion entre Lan Chile et le brésilien TAM. D’autres très puissantes compagnies n’ont pas trouvé le besoin de s’associer à qui que ce soit, les transporteurs du Golfe, par exemple ou Ethiopian Airlines en Afrique et Qantas, Cathay Pacific, Singapore Airlines et les autres grands transporteurs asiatiques peu enclins à se mélanger à d’autres.
Les critères de différenciation
Or donc qu’est-ce qui différencie une compagnie d’une autre ? D’abord, son réseau, c’est une évidence. Aucun transporteur ne prétend aller dans tous les points de la planète, même si, avec les alliances les compagnies tentent de capter la clientèle des méga sociétés qui ont des besoins de transport planétaires. Pour le reste, les fondamentaux se ressemblent étrangement. Les grandes compagnies opèrent les mêmes appareils qui viennent de seulement deux constructeurs : Airbus et Boeing, étrangement semblables pour ce qui concerne les aménagements de cabine standards. Ces appareils volent à la même vitesse, ont des rayons d’action comparables et opèrent vers les mêmes grands aéroports. Comment alors se différencier de ses concurrents ? Et finalement pourquoi le passager choisirait-il tel ou tel transporteur. Sur le seul axe transatlantique, plus de 20 compagnies opèrent chaque jour des centaines de vols. Tous les grands opérateurs utilisent le même modèle de plateformes de correspondances couramment appelées «hubs.»
En allant un peu plus dans le détail, on trouve tout de même quelques facteurs aptes à faire pencher la balance pour telle ou telle compagnie. D’abord sa personnalisation. Les compagnies aériennes sont les vrais ambassadeurs de leur pays et chacun reflète la personnalité de son origine. On ne peut pas se tromper en entrant dans un appareil entre un transporteur asiatique et un américain, un européen ou un africain. Cela se traduit par les uniformes des personnes de cabine. Je ne parle pas des pilotes, tous habillés de la même manière quel que soit leur pays d’origine. Alors si le client préfère une ambiance française, il choisira Air France et s’il aime mieux le style américain, il prendra Delta Air Lines ou American pour faire le même trajet. L’expérience du vol sera différente, ne serait-ce que par la langue couramment parlée à bord. On ne comprend d’ailleurs pas pourquoi le transport aérien a inventé le partage de codes qui consiste à vendre un autre produit que celui acheté par le client. C’est une tromperie car il faut bien appeler les choses par leur nom, sauf qu’elle est légale. Allez savoir pourquoi !
Et puis il y a la réputation des compagnies. En ce sens le respect des horaires et la régularité d’exploitation est déterminante entre deux concurrents proches. En son temps, la compagnie belge SABENA en a fait l’amère expérience. Pour les classes avant : Affaires et Première, le service au sol est lui aussi un élément de différenciation. Les salons où on passe finalement beaucoup de temps conduisent à faire certains choix. Encore faut-il que le même type de produit soit disponible dans toutes les destinations, et ce n’est pratiquement jamais le cas, sauf pour les deux grands transporteurs de Golfe : Emirates et Qatar Airways, Emirates ayant d’ailleurs fait preuve d’originalité jusqu’à un équipement à bord d’un niveau supérieur avec l’utilisation massive des A380. La qualité des prestations servies est également appréciée par les habitués des vols longs-courriers, tout comme les équipements électroniques.
Reste l’argument majeur : les programmes de fidélité. Les clients sont finalement très fidèles aux transporteurs auprès desquels ils peuvent cumuler leurs miles même si seulement 40% sont réellement consommés.
Je ne parle pas des tarifs, pourtant si importants, mais ces derniers sont tellement fluctuants au gré des Yield Managers qu’ils ne peuvent pas être analysés objectivement.
Bien entendu les différences sont beaucoup plus sensibles pour les vols long-courriers. Pour ce qui est des moyens et courts courriers, les prestations des compagnies convergent toutes vers le modèle low-cost qui a indubitablement gagné la partie.