De l’hégémonie du cinéma américain
En 1997, le réalisateur allemand Wim Wenders, écrivait : «Trouverait-on à travers le monde le rêve de l’Amérique sans le cinéma ? Aucun autre pays dans le monde ne s’est ainsi tant vendu, et n’a répandu ses images, l’image que l’Amérique a d’elle-même, avec une telle force, dans tous les pays.»

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Curieusement, c’est un ancien président de la coalition du Front populaire, grande figure du socialisme français, Léon Blum et un banquier international, promoteur de l’atlantisme et du libre-échange, Jean Monnet, un des pères de l’Union européenne qui conclurent, le 26 mai 1946, les accords franco-américains Blum-Byrnes. Il en résultat l’effacement de la dette française contractée lors du premier conflit mondial et une aide de 3,5 milliards de dollars US remboursable en 35 ans et ainsi qu’un prêt bancaire de 7,6 milliards dollars US (les deux montants en valeur 2012). La France, – Comme l’Europe et le reste de la planète -, découvrit implacablement la déferlante cinématographique puis audiovisuelle de l’American exceptionalism. En terme simple, tout ce qui n’est pas américain ou ne correspond pas à des normes américaines apparaît arriéré ou hostile.
Aujourd’hui, Hollywood domine le cinéma mondial. Seul un cercle restreint de pays arrive à maintenir un cinéma national (Chine, Corée du Sud, Inde…). Le cinéma français y parvient notamment en raison du contingentement prévu de 1946 et de la création du Centre National du Cinéma (C.N.C.). Néanmoins le rôle protecteur des accords Blum-Byrnes a échoué.
L’hyper-consumérisme sportif, le Make America Great Again ?
Le sport moderne naît en même temps que l’économie de marché qui s’oppose le plus souvent à la loi naturelle (au sens de Jean-Baptiste Say- La loi de Say, ou loi des débouchés), où l’obsession pour la productivité et la performance nourrit l’idéal de progrès.
L’industrie du sport aux États-Unis d’Amérique est valorisée à 519 milliards de dollars selon l’Inter-American Development Bank, soit 4% du PIB américain, faisant de ce pays, la plus grande puissance économique sportive au monde, chiffres peu compatibles, en contradiction avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) tel défini par l’Organisation des Nations-Unis (ONU) par exemple.
En-dehors des performances sportives, le système universitaire américain est adapté à la réussite sportive, les infrastructures sont parmi les meilleures, de plus, les formateurs, les entraîneurs jouent un rôle déterminant dans le succès. Le sport-business est profondément enraciné dans la culture américaine, souvent utilisé comme un moyen de véhiculer des messages et promouvoir des rêves de réussite. Des histoires inspirantes de jeunes athlètes surmontant les obstacles (pays de persistance ségrégationniste…), pour atteindre l’excellence sportive et devenir des modèles pour toute une génération, font de ce système un objectif pour de nombreux jeunes.
Une francophonie sportive
La conteuse malgache Marthe Rasoanantenaima, nous narre que «pour assurer sa victoire sur l’animal, l’homme primitif dut entraîner et fortifier son corps (…). La lutte pour la vie, l’obligation d’assurer sa sécurité sont à l’origine de l’élan sportif (…). Une fois maître de ses muscles, quoi de plus naturel que l’homme ait cherché à les soumettre à la loi des rythmes (…). Ainsi naquit la danse. La danse, nécessité du corps, devint celle de l’esprit.»
Les pratiques du sport moderne, ne pourraient-elles pas s’inspirer des danses, des jeux traditionnels du continent africain construits comme des vecteurs de socialisation plutôt que comme des compétitions dominatrices voulant dépasser les limites naturelles, humaines, qui conduisent inexorablement aux pratiques d’augmentation du corps par le dopage, la pharmacopée et la technologie afin de transmuter la nature humaine ?
Le philosophe Bernard Andrieu rappelle : «on retrouve dans de nombreuses coutumes autochtones, du Brésil au Pays basque, des jeux conviviaux, des courses d’orientation ou des jeux de rôle (comme une fausse traque de chasseurs contre des lapins), fondés sur l’occupation de l’espace et des pratiques collectives éthiques, ritualisées et respectueuses de l’intégrité corporelle des autres.»
Au-delà du tableau des médailles par pays, de nombreux médias français et internationaux ont proposé aux lecteurs d’autres grilles de lecture, comme le genre, le sportif le plus titré, le nombre d’habitants, le PIB des nations engagées…, étrangement la francophonie n’est pas un facteur alternatif, pourtant d’après un décompte de médailles des pays membres et des pays membres observateurs de l’Organisation Internationale de la Francophonie (O.I.F) représente près d’un tiers des médaillées des Jeux olympiques de Paris.
En France, une filière s’est constituée rassemblant des acteurs, membres, entreprises et acteurs publics. Son objectif : encourager les stratégies de partenariats entre les acteurs de l’économie du sport, qu’ils soient publics ou privés, pilotées par trois ministères : Économie, Sport et Affaires étrangères. Cette orientation se fera autour de cinq axes pour la période 2024-2026 : développer une pratique durable, consolider les modèles économiques du sport, internationaliser, former, innover et accompagner la sportech et le sport électronique… Inexplicablement, la géopolitique de la francophonie sportive est inconnue ou proscrite des trois ministères français qui la pilote ou encore de rappeler à ces mêmes décideurs français une sentence de Sénèque le Jeune : «le plus grand obstacle à la vie est l’attente, qui espère demain et néglige aujourd’hui.»
La francophonie sportive doit s’enflammer de la pensée du Président Nelson Mandela qui déclarait en 2000 à Monaco : «le sport a le pouvoir de changer le monde. Il a le pouvoir d’inspirer, le pouvoir d’unir les gens comme peu d’autres le font. Il parle aux jeunes dans une langue qu’ils comprennent. Le sport peut créer de l’espoir, là où il n’y avait autrefois que désespoir. Il est plus puissant que les gouvernements pour briser les barrières raciales. Il rit face à tout type de discrimination. Le sport et le jeu des amoureux.» À la lumière de cette réflexion de Mandela, les États-Unis d’Amérique sont largement une hégémonie par défaut.
Vers une francophonie sportive «Marchemos la mano en la mano» avec les pays émergents ?
Une maxime du peuple Mossi du Burkina Faso dit : «celui qui se donne la peine de se courber ne se relève pas sans rien.» En 2026, le Sénégal sera l’organisateur des prochains Jeux olympiques de la jeunesse, escomptons que le Président Bassirou Diomaye Faye et son gouvernement seront en mesure d’esquisser au monde une autre manière de vivre les compétitions en étant respectueuses des religions, des cultures, de l’environnement, de l’économie à échelle humaine… Mais aussi que cela pourrait permettre à l’Organisation Internationale de la Francophonie de réinventer une stratégie globale d’une francophonie sportive qui tout en restant une stimulante émulation entre les peuples pourrait faire émerger une alternative aux nouveaux contours salutaires pour l’humanité comme pour les jeunesses de demain.