Abidjan a accueilli, les 5 et 6 septembre derniers, la 10ᵉ session extraordinaire de la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement (CMAE). Pendant deux jours, ministres et experts sont venus de tout le continent pour définir une position commune à l’approche de la COP29 prévue en novembre prochain à Bakou, en Azerbaïdjan
Au cœur des débats : la dégradation des terres, la désertification et l’urgence climatique, qui secouent une Afrique plus exposée que jamais.
L’appel à l’action
Le constat est sans appel : l’Afrique, en première ligne face au réchauffement climatique, est à un tournant décisif. Lors de la conférence, le ministre ivoirien de l’Environnement, Assahoré Konan Jacques, a alerté sur l’urgence d’agir. «Nous devons aller au-delà des déclarations et des promesses pour passer résolument à l’action», a-t-il déclaré. Ce discours résonne comme un écho aux ambitions environnementales du Président Alassane Ouattara, soulignant le rôle majeur qu’a occupé la Côte d’Ivoire ces dernières années en tant que moteur de la mobilisation climatique sur le continent.
Une Côte d’Ivoire durable
Ces dernières années, Abidjan a multiplié les initiatives pour répondre à l’urgence écologique. Signataire de l’Accord de Paris en 2015, le Président ivoirien a inscrit la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation des écosystèmes au cœur de son agenda. Longtemps négligée en Côte d’Ivoire, la protection des forêts est devenue une priorité sous Alassane Ouattara. En 2019, l’adoption d’un nouveau code forestier a marqué un tournant majeur, renforcé par un plan national de préservation et de réhabilitation des forêts, chiffré à 1,5 milliard de dollars US.
L’armée verte, une initiative ambitieuse
Pour protéger son couvert forestier, l’une des plus riches d’Afrique de l’Ouest, le pays a déployé une «armée verte», un dispositif unique en son genre baptisé “Sodefor”, une force spéciale destinée à lutter contre la déforestation illégale et à surveiller les forêts. Depuis son déploiement, cette brigade a mené plusieurs actions concrètes : 232 procès-verbaux ont été dressés, 16 sites clandestins d’orpaillage ont été démantelés, et 50 véhicules transportant des produits forestiers illégaux ont été saisis. L’urgence est bien réelle, comme le souligne, souvent Ouattara, bien conscient que la déforestation a entraîné la perte de plus de 80 % du couvert forestier du pays depuis 1960. Dans cette perspective, l’objectif est de restaurer 20 % du couvert forestier d’ici 2030, soit environ 6,5 millions d’hectares, avec un plan de reboisement de 100 000 hectares par an, financé par un budget de 600 milliards de FCFA.
Cette initiative s’accompagne de mesures innovantes telles que la production d’un cacao « ami des forêts », conformément à la déclaration de New-York sur les forêts. Le Conseil du Café-Cacao (CCC) prévoit d’introduire 60 millions de plants d’essences forestières dans les zones rurales d’ici à 2024, un pas décisif pour concilier production agricole et protection environnementale. À cela s’ajoute le projet d’investissement forestier numéro 2, qui permettra de créer 320 000 hectares de plantations agroforestières.
Les opérations de plantation d’arbres se sont également démultipliées avec des campagnes comme «1 jour 1 million d’arbres», «1 jour 5 millions d’arbres» et «1 jour 50 millions d’arbres», lancées respectivement en 2019, 2020 et 2021, et ce, en complément d’autres initiatives locales comme «Une école, 5 hectares de forêt» et «Un village, 5 hectares de forêt.»
Une économie résiliente et verte
À Abidjan, l’engagement pour l’environnement ne se limite pas à la protection des forêts. Son ambition est plus globale : construire une économie résiliente, capable de faire face aux chocs climatiques tout en assurant une croissance durable. Cet engagement s’est concrétisé par l’obtention d’un prêt de 1,3 milliard de dollars du FMI, destiné à financer des réformes clés. Ces réformes visent à intégrer les questions climatiques dans les politiques publiques, à réduire la vulnérabilité du secteur agricole et à renforcer la résilience des infrastructures face aux inondations et à l’érosion côtière, indiquent les responsables de l’institution de Bretton Woods et les autorités ivoiriennes. Des efforts supplémentaires sont encore nécessaires pour atteindre ces objectifs.
Abidjan, fer de lance de la COP 29
La conférence de la CMAE à Abidjan n’était pas simplement un moment de réflexion. Elle a également servi à renforcer la position africaine pour la COP29. Les États du continent s’accordent sur la nécessité d’un protocole juridiquement contraignant pour répondre aux sécheresses croissantes et à la dégradation des terres. Ce texte, porté par l’Union africaine, pourrait être un tournant dans la lutte contre ces fléaux, explique un participant.
En plus de la COP29, les résultats de cette session extraordinaire seront présentés lors d’autres forums mondiaux, comme la seizième session de la Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification qui aura lieu du 2 au 13 décembre 2024 à Riyad, ainsi qu’à la seizième session de la Conférence des Parties sur la Diversité Biologique prévue du 21 octobre au 1ᵉʳ novembre 2024, et au Sommet pour l’Avenir du 22 au 23 septembre 2024.
Par Charles Agbo, journaliste