L’ouverture de centres d’accueil pour migrants en Albanie décidée par la Première ministre italienne Giorgia Meloni s’inscrit dans sa politique visant à enrayer l’immigration illégale qui a suscité des critiques mais aussi l’intérêt de certains pays européens
Mme Meloni, cheffe du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, a remporté les législatives en 2022 en promettant de stopper les dizaines de milliers de migrants débarquant chaque année sur les côtes italiennes en provenance d’Afrique du Nord.
L’accord avec l’Albanie, qui prévoit le transfert des hommes adultes interceptés par les autorités italiennes en Méditerranée vers des centres dans ce pays non membre de l’UE avant leur probable rapatriement, s’est concrétisé cette semaine avec un premier transfert.
D’autres dirigeants européens suivent de près cet accord, notamment en France et en Allemagne.
La coalition au pouvoir à Rome, qui inclut aussi la Ligue anti-migrants de Matteo Salvini, a déjà pris des mesures contre l’immigration illégale.
Intercepter et renvoyer les migrants : une initiative européenne controversée
Arrivée au pouvoir en octobre 2022, Mme Meloni a renoncé à une promesse de campagne consistant à imposer un blocus naval autour de l’Italie, une mesure jugée illégale et impraticable par des experts.
Elle s’est alors concentrée sur les trafiquants qui organisent les départs des côtes nord-africaines, notamment de Libye et de Tunisie, vers l’Italie.
Rome finance et forme les garde-côtes libyens et italiens dans le cadre d’une initiative européenne controversée pour intercepter et renvoyer les migrants cherchant à fuir.
Mais la Libye, en proie à une guerre civile, est accusée de mauvais traitements sur les migrants, et les réseaux de passeurs s’enrichissent via un trafic cruel et violent.
Mme Meloni estime que des investissements européens en Afrique permettront de ralentir les départs.
Rome a aussi pris pour cible les ONG de secours aux migrants en Méditerranée, tout en reconnaissant que leurs navires ne recueillent qu’une petite fraction des arrivants.
Selon Mme Meloni, les navires des ONG encouragent par leur présence les départs de migrants, une allégation sans preuve pour les experts, et elle les accuse d’être financées par les trafiquants, ce que démentent fermement ces organisations.
Rome a adopté une loi imposant aux navires des ONG de se rendre après chaque sauvetage dans un port choisi par les autorités, généralement très éloigné du lieu de sauvetage, sous peine de lourde amende et de saisie du navire.
Pour les ONG, cette législation est contraire au droit maritime leur enjoignant de venir en aide à toute embarcation en détresse.
Augmentation de visas pour travailleurs non UE
Le gouvernement a fortement accru le nombre de visas de travail pour les ressortissants hors de l’UE, notamment dans les secteurs de l’agriculture et du tourisme, tout en simplifiant les procédures.
Alors qu’en 2018 et 2019 moins de 31.000 travailleurs temporaires ont été autorisés en Italie chaque année, le gouvernement en a planifié plus de 450.000 sur trois ans d’ici 2025.
Mme Meloni a aussi promis des réformes pour éviter que des réseaux criminels exploitent des failles dans le système aboutissant à ce qu’un faible pourcentage de travailleurs temporaires signent effectivement un contrat de travail avec leurs employeurs.
Les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent des lois radicales contraires au droit international.
Des solutions d’urgence au détriment d’un soutien accru
Les partis d’opposition italiens affirment que de nombreuses mesures sont coûteuses mais ont peu d’impact.
Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a estimé en décembre que l’Italie continuait de « se concentrer sur des solutions d’urgence », plutôt que sur un soutien accru au système d’accueil et d’asile à long terme.
D’autres pays confrontés aux mêmes défis ont salué l’approche de Mme Meloni, notamment à gauche. Lors d’une récente visite en Italie, le Premier ministre britannique travailliste Keir Starmer a salué les « progrès remarquables » de l’Italie en la matière.
Le nouveau ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a regretté que la législation européenne rende « presque impossible » le rapatriement des migrants dans leur pays d’origine.
Lundi, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a déclaré que l’UE devrait étudier davantage l’idée de « centres de retour » de migrants en dehors de ses frontières, affirmant qu’elle pourrait « tirer des leçons » de l’expérience Italie-Albanie.
Mme Meloni insiste sur la chute des arrivées de migrants cette année, preuve selon elle de l’efficacité de sa politique, même si les itinéraires des migrants dépendent de facteurs multiples, selon les experts.
Depuis le début de 2024, 54.129 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes, contre 140.481 au cours de la même période l’année dernière, selon le ministère de l’Intérieur.
L’agence européenne Frontex a déclaré mardi que les traversées irrégulières des frontières avaient diminué de 64% de janvier à septembre en Méditerranée centrale.
En revanche, les arrivées par la route orientale ont augmenté de 192% depuis le début de l’année.