Depuis plusieurs années, la Turquie multiplie ses efforts pour étendre son influence en Afrique, profitant du recul progressif d’acteurs traditionnels comme la France ou les États-Unis. Dernier exemple en date : le forum diplomatique organisé à Antalya, dans le sud du pays, qui a réuni la semaine du 11 au 13 avril de nombreux dirigeants africains aux côtés de représentants russes, ukrainiens et syriens

Parmi les invités figurait notamment le Président somalien Hassan Cheikh Mohamoud, illustrant la volonté d’Ankara de jouer un rôle actif sur les grandes questions africaines.
Une alternative face au désengagement occidental
Selon Eghosa Osaghae, Directeur général de l’Institut nigérian des affaires internationales (NIIA), «les pays africains cherchent des alternatives, et la Turquie en représente une.» En se positionnant comme médiateur dans les conflits ou comme partenaire économique et sécuritaire, Ankara tente de combler un vide diplomatique laissé par les puissances occidentales.
Cette stratégie s’est traduite par une implication directe dans la médiation entre la Somalie et l’Éthiopie, qui a permis au rétablissement de leurs relations diplomatiques fin 2024.
Une coopération qui s’étend à tous les domaines
Le ministre ivoirien des Affaires étrangères, Léon Kacou Adom, a salué les propositions turques en insistant sur la volonté de la Côte d’Ivoire de nouer des partenariats dans les domaines du commerce, de la sécurité, de l’éducation et de la communication.
«La Turquie nous fait des offres et nous les étudions», a-t-il affirmé lors du forum d’Antalya, tout en rappelant que cette ouverture n’est pas exclusive, et ne remet pas en cause les liens historiques avec la France.
Sécurité : un pilier de l’influence turque

Face aux défis sécuritaires qui frappent de nombreux États africains, la Turquie propose une coopération militaire croissante. Ankara a signé ces dernières années des accords de défense avec plusieurs pays du continent, parmi lesquels la Somalie, la Libye, le Kenya, le Nigeria, le Rwanda ou encore le Ghana.
Cette collaboration ouvre des marchés à l’industrie de défense turque, notamment pour ses drones reconnus pour leur efficacité et leur coût abordable.
«Si la Turquie peut apporter son aide dans ces domaines, pourquoi pas ?», s’interroge Eghosa Osaghae, qui estime que la coopération militaire pourrait devenir la pierre angulaire de l’ancrage turc en Afrique.
Médiateur régional et allié stratégique
En janvier, Ankara a proposé sa médiation dans la crise opposant le Rwanda à la République démocratique du Congo. Elle joue aussi un rôle actif dans le dossier du Somaliland, région autoproclamée indépendante de la Somalie.
Le diplomate turc Alp Ay, représentant spécial dans les négociations, souligne la volonté de son pays d’aider l’Afrique à trouver ses propres solutions. Ankara a notamment facilité le rétablissement du dialogue entre la Somalie et l’Éthiopie après un accord controversé entre cette dernière et le Somaliland.
Une stratégie d’avenir
À Antalya, le Président turc Recep Tayyip Erdogan a réaffirmé son engagement envers l’Afrique, lors d’un entretien avec son homologue somalien. Les deux chefs d’État ont convenu d’approfondir leur coopération, notamment dans le secteur énergétique, Ankara disposant déjà d’un droit d’exploration le long des côtes somaliennes.
Pour Eghosa Osaghae, la Turquie pourrait combler un besoin urgent : «L’Afrique a désespérément besoin de médiateurs.» Un rôle qu’Ankara semble de plus en plus prête à assumer, avec une vision à long terme sur le continent.
Le Président turc, Recep Tayyip Erdogan a rencontré son homologue somalien, Hassan Sheikh Mohamoud, en marge du 4e Forum d’Antalya sur la diplomatie