Le système international connait des bouleversements profonds et structurels, et s’achemine vers un système « multi-ordre » plus fragmenté et diversifié caractérisé par la coexistence et l’interaction de multiples ordres internationaux, chacun fondé sur des valeurs, des identités et des institutions propres (Trine Flockhart 2016). Flockhart soutient que cette transition est déjà en cours et insiste sur la nécessité, pour les décideurs politiques, de s’y préparer
![Le président Trump a lancé des pourparlers de paix de haut niveau avec le président russe Vladimir Poutine, visant à résoudre le conflit en Ukraine. Ces discussions, tenues en Arabie saoudite, ont notamment exclu toute représentation ukrainienne ou européenne, suscitant des critiques de Kiev et des alliés occidentaux. L'administration a également réduit l'aide militaire et le partage de renseignements avec l'Ukraine [au moment de publier cette contribution, un accord a été signé entre Américains et Ukrainiens en Arabie Saoudite. Ce qui conduit automatiquement à la levée de la suspension de l’aide américaine], exacerbant les tensions dans la relation entre les États-Unis et l'Ukraine.](https://afrimag.net/wp-content/smush-webp/2024/02/El-Hassane-Hzaine-162x200.png.webp)
Ce système « multi-ordre » rompt avec les modèles précédents et impose une réévaluation de la diplomatie, de la gouvernance mondiale et des institutions nécessaires pour gérer une diversité et une complexité accrues des relations internationales. Animées par un nationalisme combatif et une instrumentalisation du passé, certaines puissances emploient des stratégies variées : Sharp power, discours spirituels ou religieux, manipulation de l’information, réécriture de l’histoire et coercition économique.
L’ordre mondial en devenir est façonné par l’interaction entre une poignée de dirigeants autoritaires (strongman) à la tête de « néo-empires » révisionnistes, qui cherchent à remodeler le système à leur avantage, sans pour autant restaurer les structures féodales de suzerains et vassaux.
Le politologue Robert Gilpin analyse le système international à travers le prisme du réalisme hégémonique, où une puissance dominante impose ses règles jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre émerge sous la pression de puissances montantes. Pourtant, la plupart des analystes se focalisent sur le phénomène Trump et son style atypique en politique étrangère, avec ses annonces spectaculaires visant à redessiner l’ordre mondial au profit des États-Unis. De la proposition d’achat du Groenland à ses déclarations sur le Canada en passant par sa rencontre tumultueuse avec Volodymyr Zelensky, ces événements illustrent avant tout l’accélération des transformations du système international sous l’impulsion de Washington.
La guerre en Ukraine constitue la ligne de fracture entre les puissances du statu quo et celles révisionnistes. Au-delà de la défense de l’intégrité territoriale ukrainienne, l’Occident, et en particulier l’administration Biden, s’est engagé dans un effort colossal pour affaiblir Moscou et mieux concentrer son attention sur la Chine et les BRICS, perçus comme les véritables menaces à l’hégémonie américaine. Toutefois, cette guerre d’usure n’ayant pas produit tous ses effets, la nouvelle administration Trump marque un revirement stratégique en optant pour le dialogue avec Vladimir Poutine afin de mettre fin au conflit, jugeant qu’il ne sert plus les intérêts américains.
Le président Trump a lancé des pourparlers de paix de haut niveau avec le président russe Vladimir Poutine, visant à résoudre le conflit en Ukraine. Ces discussions, tenues en Arabie saoudite, ont notamment exclu toute représentation ukrainienne ou européenne, suscitant des critiques de Kiev et des alliés occidentaux. L’administration a également réduit l’aide militaire et le partage de renseignements avec l’Ukraine [au moment de publier cette contribution, un accord a été signé entre Américains et Ukrainiens en Arabie Saoudite. Ce qui conduit automatiquement à la levée de la suspension de l’aide américaine], exacerbant les tensions dans la relation entre les États-Unis et l’Ukraine.
Cette approche ne va pas sans nous rappeler celle du Président Richard Nixon et son Secrétaire d’Etat Henry Kissinger dans les années 1970, lorsqu’ils s’étaient rapprochés de la Chine de Mao Zedong pour isoler l’URSS. Aujourd’hui, la Chine adopte une posture pragmatique : comme l’a souligné Ikenberry, elle exploite le système international à son avantage sans chercher à le renverser brutalement. Pékin profite des institutions et des règles mises en place par l’Occident pour accélérer son ascension, tout en préparant discrètement les fondations d’un nouvel ordre mondial où son influence sera prépondérante. L’issue de la guerre en Ukraine symbolise ainsi la fin d’une ère et l’aube d’un nouvel équilibre international en gestation.
Pendant ce temps, la Chine a su tirer profit de la situation pour renforcer sa compétitivité économique, creusant l’écart avec les États-Unis dans des secteurs clés de la nouvelle révolution industrielle : énergies renouvelables, véhicules électriques, 5G, intelligence artificielle, big data et contrôle des terres rares.
Le trumpisme ou la résistance au déclin de l’hégémonie américaine
Le système international actuel est bien en transition géopolitique majeure. L’hégémonie américaine, établie après la fin de la guerre froide, est de plus en plus contestée, tandis que de nouveaux centres de pouvoir émergent et l’Ukraine pourrait être sacrifiée à l’autel du nouveau système qui passerait à une configuration multipolaire avec quatre centres majeurs de pouvoir les USA, la Chine, la Russie et l’Europe qui pourrait rejoindre ce club si elle redéfinit sa doctrine stratégique et géopolitique en optant pour son autonomie.
La Chine, en particulier, est devenue un acteur majeur sur la scène internationale, défiant l’ordre économique et politique existant. Sa croissance économique rapide, ses investissements massifs à l’étranger et son ambition de jouer un rôle de leader mondial remettent en question la domination occidentale. De plus, des puissances dites « révisionnistes », telles que la Russie, cherchent à remodeler l’ordre international en fonction de leurs propres intérêts, notamment en contestant les normes et les institutions libérales.
Les pays du Sud, regroupés notamment au sein des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), aspirent à une plus grande influence dans les affaires mondiales et cherchent à diversifier leurs partenariats ; la création de systèmes de paiement alternatifs au dollar américain témoigne de cette volonté de s’affranchir de l’hégémonie financière occidentale.
L’élection de Donald Trump en janvier 2025 marque une rupture dans la politique étrangère américaine. Le « Trumpisme » se caractérise par une approche nationaliste, souverainiste et unilatéraliste. Trump privilégie les intérêts américains avant tout, remet en question les engagements multilatéraux et affiche une méfiance envers les institutions internationales.
Les principales caractéristiques du Trumpisme en politique étrangère sont les suivantes :
✓ Nationalisme économique : priorité à la protection des industries et des emplois américains et à la renégociation des accords commerciaux (ALENA etc.) ;
✓ Souverainisme : insistance sur la souveraineté nationale et rejet de toute forme d’ingérence extérieure (America First, MAGA) ;
✓ Unilatéralisme : préférence pour les actions unilatérales et rejet des contraintes imposées par le multilatéralisme ;
✓ Transactionnalisme : approche pragmatique et axée sur les résultats, avec une volonté de conclure des accords bilatéraux avantageux pour les États-Unis ;
✓ Sharp power: propension à utiliser la pression et la menace pour obtenir des concessions de la part des autres pays.
Le Trumpisme remet en cause les fondements de la politique étrangère américaine traditionnelle de l’establishment, basée sur le leadership multilatéral et la défense des valeurs démocratiques. Cette approche crée de l’incertitude et fragilise les alliances établies de longue date notamment l’OTAN ; son approche de tradition « jacksonienne » (Typologie de Walter Russel Mead), se concentre d’abord sur l’Amérique, remettant en question les alliances internationales, favorisant les politiques économiques protectionnistes et adoptant une approche dure contre les menaces extérieures.
Depuis son entrée en fonction en janvier 2025, le Président Donald Trump a mis en œuvre une série de mesures audacieuses en matière de politique étrangère et commerciale, remodelant ainsi les relations économiques et diplomatiques mondiales. De l’imposition de droits de douane généralisés au retrait d’accords internationaux, l’administration Trump a marqué un retour à une approche protectionniste et unilatérale.
Par ailleurs, le Président Donald Trump a menacé, en novembre 2024, d’imposer un tarif de 100 % sur les pays des BRICS s’ils poursuivaient leurs efforts pour établir une monnaie capable de rivaliser avec le dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale. Cette annonce a ravivé les tensions avec le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, qui y voient une tentative d’entraver leur souveraineté économique.
Retrait des accords internationaux
Le président Trump n’a pas tardé à signaler son désengagement des cadres multilatéraux. Son administration s’est retirée de l’Accord de Paris sur le climat, réduisant les engagements américains en matière de réduction des émissions de carbone. De plus, les États-Unis ont officiellement quitté l’Organisation mondiale de la santé (OMS), invoquant des inefficacités et une mauvaise gestion, en particulier à la suite de la pandémie de Covid -19.
Réévaluation de l’aide étrangère
Le 20 janvier 2025, le Président Donald Trump a signé l’Ordre exécutif 14169, imposant un gel de 90 jours sur tous les programmes d’aide au développement des États-Unis. Cette mesure visait à réévaluer et réaligner les dépenses d’aide étrangère en fonction des intérêts de la sécurité nationale et des avantages économiques. Bien que les programmes humanitaires aient ensuite été exemptés, cette pause a eu des répercussions importantes sur les organisations internationales de développement et les alliés américains dépendant de cette aide.
Réactions dans le monde : entre silence et sursaut stratégique
Bien qu’il soit trop tôt de qualifier les véritables gagnants et perdants de la seconde administration Trump ; il semble que le Canada et l’Europe pourraient en pâtir. En effet en voulant s’approprier le Groenland et de ne pas consulter ni avertir les dirigeants européens avant de s’entretenir avec le président russe Vladimir Poutine montre à quel point l’Europe est devenue insignifiante aux yeux des USA, même lorsque ses intérêts géopolitiques sont en jeu. La seule façon de restaurer la position géopolitique de l’Europe et des autres pays occidentaux est d’envisager trois options impensables selon le politologue Kishore Mahbubani : quitter l’OTAN, négocier avec Vladimir Poutine ou Rallier la Chine (It’s Time for Europe to Do the Unthinkable, 18 Février 2025).
L’attitude des États-Unis alimente l’incertitude : Donald Trump cherche-t-il à réaliser un « Kissinger inversé » en attirant Vladimir Poutine pour l’éloigner de la Chine, créant ainsi une alliance contre nature avec Washington ? Ce bouleversement creuse un fossé dans la confiance transatlantique, affaiblissant l’image des États-Unis en tant qu’hégémon bienveillant et menaçant la cohésion de l’OTAN, comme le souligne Wolfgang Ischinger, président du Munich Security Conference Foundation Council.
Les réactions des pays concernés par la nouvelle politique étrangère américaine, notamment l’augmentation des droits de douane pour rééquilibrer la balance commerciale, la réduction de l’aide étrangère et les réajustements diplomatiques, offrent un terrain d’analyse riche pour explorer les théories des relations internationales.
Plutôt que d’opter pour des représailles directes, le Mexique, le Brésil et le Canada ont choisi de privilégier le dialogue diplomatique avec les États-Unis, espérant résoudre les différends commerciaux par la négociation plutôt que par une escalade des tensions, mais ils restent sur leurs gardes face aux éventuelles répercussions économiques.
De son côté, la Chine a riposté en imposant ses propres tarifs, et l’Europe, secouée, prend conscience du temps perdu en s’abritant sous le parapluie de sécurité américain. Elle se lance désormais dans une course pour renforcer ses capacités militaires.
Face à ces bouleversements, consciente de sa vulnérabilité stratégique, l’Europe tire les leçons qui s’imposent en rebâtissant son arsenal militaire et en redéfinissant sa doctrine de défense. D’autres acteurs, tels que le Canada, les pays arabes, africains et latino-américains, adoptent une politique de temporisation, espérant que l’équilibre des forces évoluera sans qu’ils aient à s’engager pleinement. Cette attitude s’apparente à la stratégie du buck-passing (John Mearsheimer) ou du « passager clandestin » dans les actions collectives, où certains bénéficient des efforts d’autres puissances sans en supporter immédiatement les coûts.
Quelles options stratégiques pour survivre dans un période d’instabilité et déclin du droit international ?
Les États qui sont les principaux acteurs du système international cherchent à maximiser leur puissance relative pour assurer leur survie. Dans un monde anarchique, où il n’existe pas d’autorité supérieure, les États doivent se défendre eux-mêmes et sont constamment à la recherche de moyens d’accroître leur influence.
Afin de survivre dans cette période de fortes turbulences du système international, les Etats ciblés par les offensives des néo empires n’ont pas beaucoup de choix stratégiques. John Mearsheimer dénombre les options stratégiques à savoir :
✓ Le Rapprochement (bandwagoning) : s’aligner sur les États-Unis pour bénéficier de leur protection ou de leurs avantages économiques. Certains pays d’Europe comme l’Italie de Giorgia Méloni et certains membres du groupe Visegrad, renforcent leur alliance avec les États-Unis ou avec la Russie comme la Hongrie de Victor Orban. Le Mexique et même le Brésil tentent de négocier des accords commerciaux avec les États-Unis pour éviter des sanctions économiques
✓ Équilibrage (hard balancing) : former des alliances pour contrer la puissance hégémonique ou révisionniste qui passe à l’offensive. C’est l’option la plus utilisée par les pays d’après une étude de Stephan Walt sur les alliances.
L’exemple de l’Union européenne actuellement est éloquent, elle revient à petits pas à la doctrine du Général De Gaule en décidant de renforcer son autonomie stratégique et sa capacité de défense pour réduire sa dépendance envers les États-Unis. «Si l’Europe veut avoir une place dans le nouvel échiquier, elle doit renforcer sa pertinence géopolitique» (Amanda Paul, European Policy Centre Février 2025).
Selon un rapport récent du groupe de réflexion européen Bruegel, l’Europe aurait besoin d’environ 300 000 soldats supplémentaires, pour un coût de 262 milliards de dollars, pour remplacer entièrement les États-Unis en matière de défense. Le groupe de réflexion conclut que «les effectifs sont suffisamment faibles pour que l’Europe puisse remplacer entièrement les Etats Unis» sans compter le risque d’inefficacité d’un Etat-major à 30 (les 27 plus RU Norvège Canada).
✓ L’équilibrage souple (Soft Balancing) (Stephan Walt) : est un concept qui désigne l’usage de moyens non militaires par les États pour contrebalancer ou limiter l’influence d’une puissance dominante, sans recourir à une confrontation militaire directe. Cette stratégie est souvent employée lorsque l’équilibrage dur (hard balancing) – comme la formation d’alliances militaires ou la course aux armements – n’est pas envisageable en raison d’asymétries de puissance, d’interdépendances économiques ou du risque d’escalade du conflit.
✓ Repli (buck-passing) : laisser d’autres États supporter le coût de l’équilibrage, c’est ce que certains auteurs qualifient de stratégie du « passager clandestin » certains pays à l’instar de l’Inde et d’autres pourraient être tentés d’adopter cette approche en espérant que la Chine s’oppose à la politique de Trump.
De même certains pays africains asiatiques et du Moyen-Orient, jusqu’à présent en équidistance des néo empires, pourraient se tourner vers la Russie ou la Chine pour assurer leur sécurité.
Options possibles pour les Pays du Sud pour naviguer dans un monde multipolaire
Dans un système en quasi déséquilibre, les pays du Sud, en particulier le monde arabe Islamique et l’Afrique peuvent jouer le rôle de « Balancier » et stabilisateur à condition d’éviter la stratégie de « Bandwagoning » derrière les pôles qui se forment en adoptant des stratégies adaptées pour défendre leurs intérêts dans un monde en mutation. L’équilibrage souple semble être la meilleure option pour les pays faibles ou les puissances moyennes à côté d’autres options possibles dont :
✓ Diversification des partenaires : Réduire la dépendance économique et politique envers les nouveaux pôles en développant des relations avec d’autres puissances régionales non hégémoniques (Inde, Brésil, Australie, Canada, Maroc, Arabie Saoudite, EAU, Indonésie etc.)
✓ Défense du multilatéralisme : Soutenir les institutions internationales et les normes du droit international pour limiter l’unilatéralisme ou le bilatéralisme et promouvoir un ordre mondial plus juste et équitable.
L’exemple éloquent du recours au multilatéralisme est celui du monde arabe qui s’est regroupé au sein de la Ligue Arabe et l’OCI pour faire face au plan du Président américain Donald Trump visant à déplacer la population palestinienne de Gaza vers l’Égypte et la Jordanie. La Ligue arabe, soutenue par l’Organisation de la coopération Islamique (OCI), a élaboré un plan alternatif de 53 milliards de dollars pour la reconstruction de Gaza. Ce plan, adopté lors d’un sommet extraordinaire au Caire, vise à reconstruire Gaza sans déplacer ses habitants et à rétablir l’Autorité palestinienne pour assurer la sécurité et la stabilité dans la région. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a exprimé son soutien au plan, appelant Trump à contribuer à la reconstruction sans imposer de déplacements forcés.
Le plan de la Ligue arabe comprend une phase de réponse rapide suivie de phases de reconstruction sur cinq ans, avec la construction de 200 000 nouveaux logements et le déploiement de forces de paix internationales. Cependant, il exclut le Hamas du processus de gouvernance, préconisant la formation d’un comité technocratique palestinien pour administrer Gaza.
✓ Multi-alignement et le Hedging: Refuser de prendre parti dans les conflits entre grandes puissances et défendre les propres intérêts de manière indépendante. Le hedging est une stratégie utilisée par les États pour gérer l’incertitude en maintenant une position intermédiaire entre l’équilibrage (balancing, opposition à une puissance dominante) et l’alignement opportuniste(bandwagoning, rapprochement avec une puissance dominante). Plutôt que de s’engager pleinement d’un côté ou de l’autre, un État diversifie ses engagements diplomatiques, économiques et sécuritaires afin de réduire les risques et maximiser les bénéfices.
✓ Renforcement de « l’agence » africaine Arabe, Islamique: La multipolarité sera une opportunité pour renforcer l’importance de « agences », c’est-à-dire la capacité des acteurs du Sud à définir leurs propres objectifs et à façonner leur propre avenir. Cela implique de renforcer la coopération régionale et continentale, de promouvoir un nouveau modèle du développement et de défendre la souveraineté nationale (chaines de valeur régionales pour valoriser les matières premières et monter en gamme, économie verte, bleue, économie circulaire, finance coopérative et solidaire, économie solidaire etc.).
Quelles conséquences sur l’ordre mondial ?
L’essor du nationalisme, la montée des puissances révisionnistes et le retour du protectionnisme redéfinissent les équilibres mondiaux, menaçant les fondements du système international hérité de 1945.
Alors que cet ordre, fondé sur le multilatéralisme, la démocratie et l’ouverture des marchés, a structuré les relations internationales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il fait aujourd’hui face à des tensions grandissantes.
Plusieurs dynamiques majeures illustrent cette mutation en cours :
✓ Une remise en question des principes libéraux
L’ascension du nationalisme, nourrie par les inégalités économiques et le rejet de la mondialisation, ébranle les fondements du libéralisme et du droit international. Les coalitions populistes contestent des principes clés tels que l’ouverture des marchés, la libre circulation et le respect des normes internationales, mettant ainsi en péril la stabilité du système multilatéral.
✓ Fragmentation du Bloc Occidental et ascension des puissances révisionnistes
L’unité de l’Occident, longtemps incarnée par des alliances comme l’OTAN, est fragilisée par des tensions internes et l’essor de puissances autoritaires telles que la Russie et la Chine. La stratégie américaine visant à isoler la Chine en se rapprochant de la Russie risque paradoxalement de renforcer les puissances révisionnistes, qui remettent en question les principes fondamentaux de l’ordre libéral. Cette évolution accélère le passage vers un monde multipolaire où l’Europe se retrouve marginalisée momentanément, contribuant ainsi à la fragmentation du système international établi après 1945.
✓ Protectionnisme et guerres commerciales
Le renouveau du nationalisme économique se traduit par un protectionnisme d’une ampleur inédite notamment aux États-Unis. Présenté comme une réponse au déficit commercial, ce virage protectionniste a ravivé les tensions commerciales, surtout avec la Chine, le Canada, le Mexique et l’Europe. Ces guerres commerciales affaiblissent les normes internationales et incitent d’autres pays à adopter des pratiques similaires, accélérant ainsi l’érosion du cadre réglementaire mondial.
✓ Unilatéralisme et rejet du multilatéralisme
La montée du nationalisme favorise un repli sur des politiques unilatérales et un désengagement des institutions multilatérales. Ces tendances se sont exacerbées, accentuant les fractures entre les États-Unis et leurs alliés sur des questions majeures comme le commerce, la sécurité et les valeurs démocratiques. L’imprévisibilité et l’unilatéralisme ont érodé la confiance dans le leadership américain, remettant en cause son rôle de garant de l’ordre international.
✓ Déclin du droit international
L’affaiblissement du leadership mondial fragilise les institutions internationales et les cadres juridiques qui régissent les relations entre États. La remise en cause des traités et des normes établies encourage une approche opportuniste des relations internationales où les violations du droit deviennent plus fréquentes et moins coûteuses politiquement.
Ainsi, la montée du nationalisme, portée par les grandes puissances, redessine les équilibres mondiaux et accélère la transition vers un ordre international plus fragmenté et incertain. L’avenir du système libéral dépendra de la capacité des acteurs à s’adapter à ces nouvelles dynamiques et à préserver, malgré les tensions, un cadre de coopération global.
Vers un Nouvel ordre mondial ?
L’élection du Président Donald Trump marque une accélération des tendances à l’œuvre dans le système international. Le monde devient moins unipolaire, plus multipolaire et plus incertain. Les pays du Sud, en particulier, doivent faire preuve de prudence, d’ingéniosité et de solidarité pour naviguer dans ce nouvel environnement et défendre leurs intérêts dans un monde en mutation. La capacité des pays du Sud à s’organiser, à coopérer et à définir leurs propres priorités sera déterminante pour façonner l’avenir de l’ordre mondial.
Les pays du SUD devraient s’adapter à la « nouvelle réalité géopolitique » qui germait depuis longtemps mais qui est sortie au grand jour suite à la guerre en Ukraine et la nouvelle politique étrangère américaine, ils doivent donc donner la priorité à leur autonomie et sécurité collective de manière très claire, la sécurité étant le fondement de tout.
« La sécurité est un bien public – la chose la plus importante dont tout le monde a besoin. C’est la condition préalable au maintien de nos valeurs, ainsi qu’une nécessité pour notre réussite économique et notre compétitivité. Si nous perdons la sécurité, elle emportera avec elle notre bien-être et nos projets d’avenir ». (Sauli Niinstö ancien président finlandais octobre 2024).
La plupart des puissances révisionnistes cherchent principalement à étendre leurs zones d’influence et à accroître leur puissance en défiant l’ordre international établi. C’est pourquoi je plaide en faveur d’une transition pacifique vers un ordre multipolaire flexible, structuré autour de trois grands pôles : les États-Unis, l’Europe et le Canada, réunis au sein d’une nouvelle alliance ; l’Est, sous la direction de la Chine et de la Russie. Cette transition pourrait répondre aux aspirations des puissances révisionnistes tout en apaisant les tensions internationales, permettant ainsi d’éviter à notre planète une catastrophe nucléaire.
Un modèle multipolaire pur pourrait, en effet, paralyser la gouvernance mondiale et exacerber les tensions géopolitiques et stimuler la formation de régionalismes rivaux, générant des conflits et des déséquilibres.
Les puissances intermédiaires et les pays pivots du SUD, pris individuellement, seraient appelées à jouer un rôle essentiel de « check and balances » dans cette configuration. Leurs choix stratégiques joueraient un rôle déterminant dans l’homéostasie du système (Talcott Parsons). Leur alignement avec les États-Unis, la Chine la Russie ou la future alliance de l’Europe pourrait redessiner les équilibres globaux et donner un avantage décisif à l’un des blocs.
Par ailleurs, les États-Unis et la Chine auraient une place de choix dans ce nouvel ordre multipolaire et seraient appelés à se légitimer auprès de la communauté internationale en garantissant la fourniture de certains biens publics tels que :soutenir un cadre durable pour le commerce international, la paix et la sécurité, la justice internationale, la liberté de navigation, un environnement propre et la sauvegarde du patrimoine commun de l’humanité (les parties indivises communes) contre toute prédation.
Je suis persuadé qu’il est préférable de rêver et de travailler à transformer les aspirations d’aujourd’hui en réalités de demain, plutôt que de céder à la résignation face à de nouveaux cauchemars de destruction et de souffrance.